L’été, c’est nul !

Ah, l’été! Le soleil qui nous chauffe la peau, la nature qui exubère sous nos yeux, l’air iodé de la côte qui concurrence délicatement les subtiles fragrances du piémont montagnard à nos sens éveillés par la promesse de vacances à venir… De Bilbao à Mauléon, de Bayonne à Orio, de Cortes à Suhast (ben oui, on n’en parle jamais de ces deux coins paumés, c’est pas juste), c’est partout un petit soupçon de fête qui nous ensorcelle. Et puis man-que de chance, au hasard d’une balade, notre re-gard se pose sur une gondole de librairie…

La chair est faible, l’esprit aussi
Et voilà nos pupilles subitement agressées par les habituels hors-série des grands hebdos. On voudrait résister car on connaît d’avance la suite de l’histoire, mais la couverture savamment mise au point par des graphistes professionnels du racolage ne nous laisse guère de chance une fois l’œil ainsi happé: l’Express, le Nouvel-Obs, le Point, tous y vont de leur cahier central sur le Pays Basque et on brûle d’envie de les découvrir, comme si l’on espérait que parmi la vulgaire verroterie journalistique se cacherait peut-être quelque pépite. Mais invariablement, ce sont les Madonna à Guéthary, Lizarazu en paddle-board, Begbeider et sa truculence qu’on nous offre, que dis-je? qu’on nous vend, même pas à vil prix. Je m’étais pourtant juré que je resterais, cette année au moins, stoïque comme un bonze, pur comme de l’eau claire, déterminé tel un anachorète. Et puis j’ai vu un hors-série de Marianne. Ah les fourbes! Marianne seul ne m’aurait pas fait bouger un métacarpien, mais associé à la légendaire revue L’Histoire, je n’avais aucune chance. Oh bien sûr, ce n’était pas un numéro sur le Pays Basque, mais un spécial sur «Les terroristes» où un article sur ETA occupait le milieu de la revue, aguichant comme la playmate du poster central des New-look de mon inavouable adolescence.
C’est ma faute, j’aurais dû tourner 7 fois ma main dans la poche avant de verser 6,20 e d’obole pour ce torchon, qui certes me donne une idée de chronique pour mon hebdomadaire favori, mais aussi une indigestion pour le restant de l’été. Car je vous le donne en mille, qui est interviewé pour parler d’ETA? Gagné, c’est Antonio Elorza, le grand ami des abertzale version PSOE madrilène. Et c’était parti pour un tour, et je ne garde que le meilleur: dans la famille Poncif-Éculé, je demande M. Elorza qui persiste à laisser croire que la revendication indépendantiste basque n’est justifiée par ses promoteurs que par le «mythe de la souveraineté perdue», oubliant que ceux-ci se réclament aujourd’hui du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes, principe porté par la majorité du corps électoral des provinces basques d’Espagne, à en croire les derniers résultats électoraux des partis qui s’y déclarent favorables.
Je re-pioche M. Elorza qui rappelle, une fois n’est pas coutume, le fait que le nationalisme d’Arana Goiri était fondé sur la race, feignant d’ignorer que c’était la tendance dominante de la fin du XIXe siècle dans toute l’Europe, y compris en France, et que c’est bien l’Espagne qui fête toujours «el dia de la Raza», en plein XXIe siècle…
Y’en a marre d’Elorza!
Allez, je passe vite sur les comparaisons douteuses entre le Pays Basque actuel et «l’Allemagne de 1933», c’est assez débile pour qu’il ne soit pas besoin de le commenter, mais je ne passe pas sous silence le fait que l’historien soutient la mise hors-la-loi d’une tendance politique, puis se scandalise du résultat électoral de Bildu alors même que le Tribunal constitutionnel l’a autorisée à se présenter. Pour notre sémillant universitaire, la souveraineté populaire devrait-elle arrêter de s’exercer là où M. Elorza estime qu’elle permet ainsi à «l’ETA de régner après sa mort» [sic]?
Mais le pire est ailleurs. Ces arguments, finalement on les connaît déjà et on a appris à les digérer comme un mauvais plat de moules. Le pire, il est dans le choix même fait par la Marianne pour présenter le problème basque. Si la recherche du recul épistémologique face à son sujet impose que l’on ne s’adresse évidemment pas à un abertzale pur sucre, elle impose également qu’on ne s’adresse pas davantage à un nationaliste espagnol con-nu pour sa vision partisane de la question, fût-il titulaire d’un titre universitaire. Irait-on sérieusement demander à un universitaire membre du Likoud ou du Hamas de discourir objectivement de la situation en Palestine? Personnellement je ne me retrouve en aucune manière dans la vision que ce hors-série donne du Pays Basque à ses lecteurs. Cela me gêne d’autant plus que je suis ainsi porté à douter de la crédibilité des autres articles de la revue, si ces derniers doivent se révéler être à l’aune de celui d’Elorza. Le fait que ce dernier se soit quelque peu imposé à Madrid comme un spécialiste de la question ne fait pas de lui la seule personne ressource à consulter, et il serait pour le moins nécessaire —à défaut de prétendre à une chimérique objectivité— de permettre parfois l’expression d’autres points de vue.

Vivement la rentrée!
Alors voilà. C’est sûr, cette chronique ne restera pas dans l’histoire des chroniques comme un moment de transcendance, mais j’avoue que j’a-vais besoin de me défouler tout en caftant la nouvelle daube produite à notre sujet, afin qu’aucun abonné d’Enbata ne perde 6 e dans un même accès de faiblesse que le mien.
En tout cas, entre touristes qui pullulent et hors-série folkloristes ou médisants, on ne m’enlèvera pas de l’idée que l’été, en fait il n’y a pas à dire, c’est nul comme saison.

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