Le 30 novembre 2023, une grève féministe générale a été organisée en Hego Euskal Herria. Une première. À l’appel de la plateforme féministe Denon Bizitzak Erdigunean, plusieurs dizaines de milliers de personnes ont fait grève et se sont mobilisé·e·s pour la métamorphose de l’organisation actuelle des soins (travail reproductif, le « care »).
Leur revendication principale ? La mise en place d’un système de soins public et communautaire. Public, car nombre de services liés aux soins ont été privatisés à la recherche de toujours plus de profits. Laissés aux mains de logiques capitalistes, ils doivent toujours générer plus d’argent pour satisfaire les actionnaires au détriment de leur qualité, des personnes soignées et soignantes. Une politique publique ambitieuse est nécessaire pour assurer des prises en charge de qualité et garantir des conditions de travail dignes aux travailleurs·euses.
Communautaire car les soins sont l’affaire de toutes et de tous. Nous avons accompagné, accompagnons ou accompagnerons des proches ou des personnes de façon professionnelle au cours de notre vie. Cela doit être pris en compte et intégré dans la politique publique pour que nous puissions toutes et tous être acteur·trice·s dans ce domaine et que cette action soit reconnue et valorisée.
Les femmes chargées des soins, malgré elles
Cette grève n’était pas le fruit du hasard mais de celui d’un processus qui remonte à la période du Covid19. Une prise de conscience a émergé : les personnes en charge des soins, professionnelles ou non, sont essentielles au maintien de la vie. Bouleversement.
D’un point de vue médical et sanitaire : qui doit pallier le manque de moyens dans les hôpitaux et faire face à la détresse des patient·e·s qui les subissent ? Qui assure les visites à domicile des personnes les plus vulnérables ?
D’un point de vue intrafamilial : qui se charge des tâches liées aux soins (courses, ménage, organisation des sorties et activités, réponse aux besoins d’affection, gestion du budget du foyer, et tant d’autres…) ?
D’un point de vue économique, la combinaison de ces inégalités dégrade d’autant plus leur situation : les métiers en question sont les plus mal payés (infirmières, aides à domicile, AESH, assistantes sociales, enseignant·e·s…) et en plus, leur charge de travail familial les oblige à sacrifier leurs carrières (postes moins bien payés, congés, temps partiels subis).
À la retraite comme au chômage, ces carrières morcelées et précaires les impactent. Le confinement a mis en avant le sujet des soins en général, mais surtout que ce sont les femmes qui en sont chargées, malgré elles. Pas plus formées que les hommes, elles n’ont pas non plus de don naturel. C’est une construction sociale patriarcale et capitaliste qu’il nous incombe de détruire.
Le confinement a mis en avant le sujet des soins en général, mais surtout que ce sont les femmes qui en sont chargées, malgré elles. Pas plus formées que les hommes, elles n’ont pas non plus de don naturel. C’est une construction sociale patriarcale et capitaliste qu’il nous incombe de détruire.
Un sujet à politiser
80% des femmes consacrent au moins une heure par jour à la cuisine ou au ménage contre seulement 36% des hommes, selon l’Institut européen pour l’égalité femmes/ hommes. En onze ans, le temps moyen journalier consacré par les hommes au travail reproductif a augmenté… d’une minute ! De plus, ils effectuent en général les tâches les plus valorisées par la société (comme aller chercher son enfant à l’école), laissant les plus ingrates aux femmes. Nous sommes clairement face à une répartition injuste, inégale, bref : patriarcale. Après la prise de conscience, les actes. En tant que féministes anticapitalistes, il est urgent d’exiger « la triple répartition » : la répartition égale et juste entre toutes et tous de l’emploi, des travaux liés aux soins et des richesses. Cela implique bien sûr la réorganisation intégrale de la société.
La révolution des soins en marche
C’est en ce sens que la grève était féministe certes, mais aussi générale. Tou·te·s les habitant ·e·s d’HEH étaient appelé·e·s à la grève. Plusieurs mois avant le jour J, des assemblées de grévistes ont été organisées dans les quartiers, entreprises et collectivités, pour mener un travail pédagogique autour des revendications et des modes d’actions. Cette journée a été un grand succès et ce sujet, pour une fois, a été l’objet de toutes les attentions. Mais la grève féministe générale n’est pas une fin en soi, c’est même le début d’une révolution. Le 8 mars approche à grands pas. Il nous appartient à tou·te·s de politiser ce sujet. Comme pour l’écologie, les petits gestes sont aussi indispensables qu’inutiles. Nous devons exiger une politique publique qui garantisse l’égalité entre les femmes et les hommes dans tous les domaines, aussi bien au travail que dans nos foyers.