En décembre 2020 a débuté l’élaboration du Règlement local de publicité intercommunal (RLPi) Pays Basque. Il définira ce qui est interdit et autorisé en termes de publicité extérieure pour les 158 communes du territoire. Un RLPi a vocation à être plus protecteur que le Code de l’environnement qui s’applique par défaut mais peut aussi servir à réintroduire par dérogation de la publicité dans des zones préservées.
La CAPB et les communes s’attèlent à un exercice d’équilibriste : protéger le cadre de vie et les paysages tout en assurant la liberté d’expression des acteurs économiques du territoire. Il s’agit aussi d’équilibre ou de choix entre liberté d’expression commerciale et liberté de non-réception de messages dans l’espace public, entre entreprises disposant de moyens pour s’imposer et petites entreprises, entre modèle de surconsommation désuet et modèle de société sobre essentiel.
Réguler la publicité extérieure n’est pas anodin et les élu·e·s ont ici une responsabilité importante.
La publicité, des pollutions multiples
La publicité n’est pas qu’un outil de vente. D’abord, la publicité est cause de pollutions multiples : pollution des paysages, pollution lumineuse perturbant le sommeil des riverain·es et la biodiversité déjà affaiblie par les activités humaines ; pollution mentale ; pollution dans la fabrication de produits et la création de déchets intraitables.
La consommation d’énergie de la publicité dans un contexte de tension énergétique croissante est aberrante(1). Les écrans publicitaires, près des feux de circulation, comme aux abords du pont Saint-Esprit à Bayonne, troublent l’attention des usagers dans un environnement déjà très accidentogène. Des études en neurosciences montrent que notre cerveau capte davantage les images animées, sans que nous n’en ayons ni conscience, ni connaissance. La question de l’emploi est souvent posée. La reconversion de certains secteurs et la création d’activités alternatives locales y répondent(2).
Enfin, la publicité engendre des problèmes de santé publique : troubles de l’alimentation (anorexie, etc.), addictions (jeu de pari, alcool), etc. Elle déploie sexisme, stéréotypes de genre, sexualisation des enfants, culture du viol. Les publicités climaticides (SUV, avion) vont à l’opposé de la direction collective à prendre pour stopper le dérèglement climatique.
Faire preuve de courage politique
Qu’en est-il aujourd’hui du RLPi ? Les élu·es du Comité de pilotage n’envisagent pas de revoir les orientations générales malgré les demandes et contributions de la société civile dans les réunions publiques et sur la plateforme(3), les courriers d’associations. Or les orientations actuelles s’avèrent problématiques. Elles prévoient de réintroduire de la publicité sur du mobilier urbain dans « les espaces les plus sensibles du point de vue patrimonial et paysager ». Elles ne portent pas d’ambition forte comme l’interdiction des publicités lumineuses et l’extinction des enseignes de la fermeture à l’ouverture des activités concernées, la limitation des panneaux extérieurs de 2 m², la protection contre la publicité dans un rayon de 75 m des intersections et ronds-points.
Par ailleurs, alors que la police de la publicité est désormais une compétence de l’agglomération, elle a annoncé vouloir y renoncer. Mais lesquelles des 158 communes auront les moyens de l’exercer alors qu’on compte déjà 40% de panneaux illégaux ?
Ce 15 juin 2024, ce sont donc des orientations générales peu protectrices du cadre de vie qui seront débattues au Conseil communautaire. Reste à voir si les élu·es sauront faire preuve de courage politique, et suivre la voie ouverte par les métropoles de Lyon, Nantes, Grenoble qui n’ont cédé ni aux menaces de procès d’afficheurs, ni à l’illusion du progrès des villes-écrans, en choisissant de construire un cadre de vie répondant aux enjeux climatiques actuels.
(1) Un panneau numérique publicitaire consomme autant d’électricité qu’un foyer de quatre personnes par an, hors chauffage. Selon l’Ademe, un panneau publicitaire de 2 m2 consomme environ 2000 kWh par an. Selon l’Agence française de l’énergie, un ménage consomme entre 1500 et 2200 kWh par an (hors chauffage et eau chaude, selon la superficie du logement et le nombre d’occupants du foyer).
(2) Demain 10 000 emplois climatiques en Pays Basque Nord, Bizi!, 2015, https://bizimugi.eu/wp-content/uploads/2015/04/WEB.Etude-10-000-emplois-climatiques-en-Pays-Basque-nord.pdf
(3) Site de la communauté d’agglomération Pays Basque : https://rlpi-paysbasque.communaute-paysbasque.fr/participation/participer