L’Edito du mensuel Enbata
Pensées troublées, esprit morose et motivation en berne pouvant parfois s’accompagner de sentiments d’incompréhension voire de colère. L’étendue des dégâts est importante mais nul besoin d’un médecin pour poser un diagnostic. Le lundi 10 juin, une gueule de bois démocratique a envahi nos familles, cercles d’amis et nos collectifs. Les troubles sont persistants et un sentiment de méfiance ou de suspicion s’installe : mais qui sont ces 37 000 personnes qui ont glissé un bulletin RN ou Reconquête dans l’urne dans les communes d’Iparralde ?
Les digues, une à une, s’effondrent. C’est le fruit d’un travail entamé, il y a des décennies déjà, par les franges les plus radicales de l’extrême droite. Une toile tissée patiemment au sein des médias, de chefs d’entreprises et associations d’influence, une fachosphère qui, comme une tache d’huile s’étend et s’affirme de manière décomplexée sur les réseaux sociaux et partout ailleurs. Cette expansion est aussi provoquée par des décennies d’inaction politique, de détricotage des droits sociaux ou de démantèlement des services publics.
Les dernières élections européennes ont démontré l’étendue de l’épidémie. L’irresponsabilité d’Emmanuel Macron, que le pouvoir isole de plus en plus, et qui en un seul mot, « dissolution« , a donné aux yeux des électeurs RN un pouvoir surdimensionné à leur bulletin de vote. Un vote aux européennes qui obtient la tête de 577 députés ! « Quand une démocratie est malade, le fascisme vient à son chevet mais ce n’est pas pour prendre de ses nouvelles. » écrivait Albert Camus.
Pourtant il n’y a pas de fatalité. Face à la menace et aux incertitudes, une réaction collective surgit. Un Front Populaire s’organise, porté par des mobilisations massives et des réactions de toute part. Un chemin semé d’embûches mais un chemin tout de même, un espoir. Ce Front Populaire qui localement a su s’élargir aux abertzale de gauche, redonne un espoir. De nombreux collectifs, personnalités et organisations sont sortis du silence et ont clairement appelé à réagir face à la menace du programme du Rassemblement National.
Cependant, il est temps de repenser nos stratégies sur le long terme. Nous devons passer du « parler de » au « parler à ». Plutôt que de simplement parler du réchauffement climatique, nous devons oser engager la conversation avec les climatosceptiques. Plutôt que de seulement parler des inégalités, aller discuter avec les personnes en décrochage. Au lieu de parler des migrants de manière abstraite, allons à la rencontre de ces personnes qui ont tout laissé derrière elles pour fuir des situations dramatiques. Déconstruire les préjugés et les stéréotypes, redonner confiance, briser les peurs. En dialoguant directement avec celles et ceux qui sont touchés par les problèmes du quotidien, nous pouvons créer des ponts, sensibiliser et mobiliser de manière plus efficace. L’organisation collective se construit au quotidien, dans nos quartiers, nos villages, nos lieux de travail. Chacune de nos actions, aussi modeste soit elle, compte.
La campagne législative bat son plein. Une anecdote de campagne pas comme les autres, celle d’une dame de 95 ans qui a besoin d’aide pour faire une procuration afin que sa voix ne manque pas au Front Populaire pour faire barrage à l’extrême-droite et éviter de revivre l’horreur du passé. Leçon de vie citoyenne et bouffée d’oxygène en quelques mots échangés.
L’espoir est notre meilleur allié. Il nous pousse à agir, à nous dépasser, à croire en un avenir meilleur. Cet espoir, nous le trouvons dans chaque acte de résistance, dans chaque victoire, aussi petite soit-elle, et surtout dans la force de notre collectif.
Ne baissons pas les bras. Continuons à nous battre, à nous organiser, à rêver. L’avenir est à nous, si nous avons le courage de le construire ensemble.