L’Iparralde nouveau est arrivé

Colette Capdevielle, Peio Dufau et Iñaki Echaniz, député.es du Nouveau Front Populaire en Pays Basque nord.

Deuxième coup de tonnerre, un député abertzale est élu. Carton plein avec l’envoi à Paris de trois députés de gauche. Deux circonscriptions de centre droit-majorité présidentielle changent de couleur. Le candidat défenseur du projet immobilier Marienia de Cambo est battu par un abertzale.

Le constat est sans appel. Le basculement à gauche de l’ensemble des trois provinces au deuxième tour des élections législatives du 7 juillet, marque un tournant majeur dans l’histoire politique du Pays Basque Nord.

Certes, nous devons ce bouleversement à une conjoncture politique à haut risque, confrontée à une montée inédite de l’extrême droite et gérée par un président jupitérien qui s’est auto-dissous dans sa propre dissolution. Si quelque «jinko ttipi» nous avait prédit au soir des élections européennes du 9 juin, que moins d’un mois plus tard, de tels résultats allaient sortir des urnes basques, nous lui aurions ri au nez et crié au charlatan.

Les partis de gauche traditionnels ont compris en Iparralde et après quelques déboires mémorables, que la victoire passait par une alliance avec la gauche abertzale. Et que cela supposait le choix de candidats non jacobins : sans union avec nous, point de salut. L’élection de Peio Dufau dans la 6e circonscription et la présence d’Alain Iriart aux côtés de la socialiste abertzale-compatible Colette Capdevielle, sont à cet égard significatives. Les militants, avec une énergie inouïe, ont jeté toutes leurs forces dans cette campagne électorale ultra-courte. Dès les premières heures, ils en ont compris tout l’enjeu. Cette victoire est aussi la leur, comme elle est celle de notre longue marche, entreprise voici des décennies. Nous avons si longtemps peiné à en recueillir les résultats électoraux. Elle fait passer à la préhistoire un pays qui rappelons-le, fut le fief imprenable de caciques tels que Michel Inchauspe, Henri Grenet, Bernard Marie, Michèle Alliot-Marie, dont le notabilisme éhonté n’avait d’égal que leur mépris à l’égard des nationalistes basques.

Nous aurons à cet instant une pensée particulière pour Jean-Louis Davant, Christiane Etxalus —candidate aux législatives de 1967— et quelques autres pionniers qui se comptent aujourd’hui sur les doigts d’une seule main. Ils mesurent le chemin parcouru et ont aujourd’hui la joie de goûter les fruits des graines qu’ils ont semées au début des années 60 et 70, temps héroïques de l’abertzalisme en Iparralde.

Le remarquable désistement du PNV en faveur de Peio Dufau

Dans le tournant que nous vivons, le PNV a pour la première fois rompu avec sa logique partisane et priorisé les intérêts nationaux. Son apport a été décisif dans l’élection de Peio Dufau, sous l’étiquette du Nouveau Front Populaire et comme chacun sait, encarté à EHBai. Il ne disposait guère de réserve possible de voix. Saluons ici le sens des responsabilités du vieux parti historique. Sa décision difficile est d’autant plus louable que la rivalité est toujours vive en Hegoalde entre le parti jeltzale et la gauche abertzale.

Hier Arnaldo Otegi et ses amis ont lancé la grande mutation de la gauche abertzale, du fait de la fin de la lutte armée et de la mise en œuvre d’un «pragmatisme radical» né en Iparralde. Avec les avancées d’EH Bildu au Sud et d’EHBai au Nord cette ligne est aujourd’hui confortée.

La direction d’EHBai a su habilement négocier et saisir l’opportunité de ce moment politique aussi imprévu qu’inédit. Elle en recueille les fruits. Gageons que cela lui permettra d’aller plus avant, d’engranger et de bâtir l’étape suivante. Car la route est encore longue. Le Pays Basque Nord n’est pas devenu abertzale le soir du 7 juillet. Après la conquête progressive de plusieurs communes de petite et moyenne importance, le score d’aujourd’hui donne aux abertzale une crédibilité, des moyens importants et nouveaux, afin de décupler leur audience et leur pouvoir d’influence, de convaincre en expérimentant et proposant des solutions innovantes. Pour être un élément moteur du changement, amplifier notre rôle de minorité active et construire ce pays. Dans un contexte politique semé d’embûches et qui largement nous échappe, il convient désormais de ne pas décevoir. Notre responsabilité est immense. Comme à chaque étape, tout commence.

Quatrième circonscription

Elle s’étend en Pays Basque intérieur et sur la montagne béarnaise. Participation : 73,85%, quasiment identique au premier tour.  Avec le soutien d’EHBai, le socialiste Iñaki Echaniz l’emporte haut la main avec 27 762 voix (47,92%). Le RN arrive en second: 16 753 voix (28,92%). Jean Lassalle qui s’était maintenu au risque de favoriser le RN, n’a pas fait le plein des voix de droite, malgré le désistement en sa faveur du candidat LR. Il obtient 13 419 voix, soit 23,16 %.

Cinquième circonscription

Elle couvre Bayonne et le nord du Labourd. Participation : 70,72 %. La socialiste Nouveau Front Populaire Colette Capdevielle (avec pour suppléant Alain Iriart d’EHBai) double son score du premier tour en rassemblant 40 607 voix, soit 62,64 %. Le RN gagne dix points par rapport au premier tour, avec 24 221 voix (37,36%). La logique du front républicain pour faire barrage à l’extrême droite a joué.

Sixième circonscription

D’Hendaye à Biarritz, la participation a été en hausse avec 72,15 % des inscrits. L’abertzale Peio Dufau porteur de l’étiquette Nouveau Front Ppopulaire, l’emporte avec 27 117 voix (36,28%). Il devance de 714 voix (moins de 1%) son adversaire de la majorité présidentielle Christian Devèze qui totalise 26 403 voix, soit 35,33 %. Le RN recueille 21 222 voix (28,39%), il a bénéficié d’une petite fraction des électeurs qui avait voté LR au premier tour, la plus grande partie rejoignant C. Devèze. Le PNV avait rassemblé 5,04 % des voix au premier tour. Elles ont été décisives pour la victoire de Peio Dufau. Christian Devèze, maire de Cambo, obtient seulement 1 075 voix dans sa cité, il est devancé par l’abertzale qui engrange 1 194 suffrages. Un désaveu, une gifle. Devèze défend le projet immobilier Marienia promu par le groupe Bouygues, qui fait l’objet d’une lutte emblématique en faveur du maintien des terres agricoles et contre leur artificialisation. Les élus camboards de la gauche abertzale comme du PNV ferraillent aux avant-postes de ce conflit aux multiples rebondissements. La défaite de Christian Devèze conforte les femmes et les hommes investis dans ce bras de fer. Il est également connu pour ses positions pro-meublés de tourisme, alors que Peio Dufau est un militant reconnu de la plateforme Se loger au Pays – Herrian bizi. Le débat qui les a opposés sur France Bleu Pays Basque les a d’ailleurs vus s’affronter sur ces deux sujets particulièrement sensibles sur la 6e circonscription : l’artificialisation des terres agricoles et la compensation anti-Airbnb. La victoire des urnes rejoint la lutte engagée pied à pied sur le terrain. On ne pouvait rêver de plus belle soirée électorale que celle de ce 7 juillet.

Sur l’ensemble des trois provinces, le Nouveau Front Populaire rassemble 82 254 voix (48,76%), le RN 52 505 suffrages (31,36%), Ensemble majorité présidentielle, 26 403 voix (15,65 %) et enfin le divers droite Jean Lassalle 7 136 bulletins (4,23%).

Dans l’Etat français, aux antipodes

En Bretagne, notre ami le député Paul Molac, est réélu. Seule ombre au tableau en Corse qui voit le nombre des députés abertzale diminuer au profit de la droite. Le brillantissime Félix Acquaviva est battu grâce au retrait du candidat RN, cas unique qui en dit long sur le régionalisme affiché par l’extrême droite. Le processus de changement institutionnel corse sera compliqué à remettre sur les rails, dans un Etat français difficile à gouverner, faute de majorité absolue.

La Kanaky a élu Emmanuel Tjibaou, fils du leader assassiné. Il est le premier député indépendantiste depuis 1986. Son frère Joël Tjibaou est toujours incarcéré à Nouméa pour «complicité de tentative de meurtre» et «vol en bande organisée avec arme», après l’insurrection que l’on connaît.

En Polynésie, coup dur pour les indépendantistes du Tavini qui disposaient de trois députés. Deux d’entre eux sont défaits par les autonomistes adeptes du statu quo et qui ont retrouvé leur unité. Seule la députée souverainiste Mereana Reid Arbelot soutenue par la Nouveau Front populaire, est parvenue de justesse à conserver son siège.

Le système électoral mis en place par de Gaulle, le scrutin majoritaire à deux tours, ne permet plus d’aboutir à un bloc majoritaire écartant les “extrêmes”. La classe politique française devra apprendre la culture de la négociation et du compromis, comme en Allemagne, en Belgique ou en Espagne.

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Une réflexion sur « L’Iparralde nouveau est arrivé »

  1. Le rapport de force pour Peio Dufau étais très défavorable au soir du 1er tour , mais on a eu beaucoup de chance . Les résultats ne sont pas bon pour les Abertzale . Peio Dufau aurai due atteindre les 35-37% au soir du 1er tour . On perd des plumes . EAJ a fait 6254 voix , il on attiré 4000 électeurs de EHBai . Une parti des Abertzale ne souhaite pas l assimilation au Front Populaire et a la France , mais pour le 2ém tour ils ont fait barrage .
    Mais attention , sur le long terme l alliance avec le Front Populaire risque de nous coûter cher . La France est un bateau qui coule et voila qu’on les aident a coller des petatxu sur la coque . Il est urgent d ouvrir un front indépendantiste au Pays Basque nord .

Les commentaires sont fermés.