Les meutes

« Seul un oui est un oui »

L’Edito du mensuel Enbata

Le 7 juillet 2016, aux fêtes de San Fermin à Pampelune, un groupe de cinq hommes qui se surnomment eux-mêmes « La manada » (la meute), violent une jeune fille de 18 ans dans le hall d’un immeuble, se filment et postent la vidéo sur leur groupe Whatsapp. Avertie par un couple qui a découvert la jeune fille, la police parvient à arrêter la Manada dans la journée et découvre les vidéos. Sans s’égarer dans une comparaison hasardeuse et limitée, il y a certaines résonances entre les procès de la Manada et de Mazan. Dans ce dernier, la meute prend les visages de 83 hommes, 29 n’ont pas pu être identifiés et 51 sont jugés pour les viols de Gisèle Pélicot, droguée par son mari pendant dix ans et jetée en pâture sur un site en ligne. Les meutes ont l’apparence de la « respectabilité » : un ancien militaire et un membre de la Guardia Civil pour la Manada; un pompier, un militaire, un gardien de prison ou encore un conseiller municipal pour Mazan.

Dans les deux cas, les procès remuent le même cloaque. Lors du procès de la Manada, en novembre 2017, la cour de Navarre a suscité l’indignation en acceptant comme pièce au dossier le rapport du détective privé engagé par la défense pour prouver que l’absence de consentement de la victime n’était pas si évidente que ça. Pour preuve : son manque de résistance apparente sur les vidéos du viol, et des clichés d’elle souriante avec ses amis quelques mois plus tard, démonstration, s’il en est, d’une absence de traumatisme profond. Dans le cas du procès de Mazan, la défense a joué la même partition en présentant des photos de Gisèle Pélicot censées ramener les sévices innommables qu’elle a subis à un sympathique petit jeu conjugal. Le fait que la défense se permette d’utiliser certains arguments et coups bas (en pensant, donc, pouvoir faire mouche), en dit beaucoup sur la longueur du chemin qu’il y a encore à franchir pour sortir de la culture du viol. « Vous n’auriez pas des penchants exhibitionnistes que vous n’assumeriez pas ? » a osé demander un avocat de la défense. « Je comprends que les victimes de viol ne portent pas plainte, parce qu’on passe vraiment par un déballage humiliant », a déclaré celle qui a décidé de refuser le huis-clos pour que la honte change de camp.

Le procès de la Manada a été un événement charnière. Le contexte politique, social et historique n’est pas le même, mais c’est intéressant de voir que ce procès constitua un moment fort de la mobilisation féministe inédite qui a eu lieu de l’autre côté des Pyrénées. Le 8 mars qui a suivi, en 2018, a connu un succès sans précédent avec 130 000 femmes mobilisées rien qu’à Bilbao pour une journée de manifestation et de grève historiques. Le verdict rendu par la cour de Navarre le 26 avril 2018, condamnant les membres de la Manada à neuf ans de prison pour « abus sexuels » et non pour viol, déclencha une vive émotion, et une nouvelle vague de mobilisations. Le Tribunal Suprême cassa finalement la décision de la cour de Navarre et condamna la Manada à 15 ans de prison, en 2019. De cette ébullition naquit la loi du 25 août 2022 contre les violences sexuelles, connue comme loi du « Seul un oui est un oui ».

Quelles déflagrations provoquera le procès de Mazan ? Contribuera-t-il à servir d’étincelle, dans un contexte où, qu’ils s’appellent l’abbé Pierre ou Dominique Pélicot, ils éclairent du faisceau de l’indignité une société dans laquelle l’esprit et le corps des femmes, des enfants, sont à la disposition des hommes ? Les meutes n’ont pas de nationalité, pas de frontières, pas de limites jusqu’à ce que les sociétés leur en fixent. Dans les tribunaux, mais aussi et d’abord dans le quotidien, dans les maisons, dans les quartiers, dans les bureaux, dans les usines, dans les fêtes, dans les lieux militants. Dans les imaginaires.

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Une réflexion sur « Les meutes »

  1. Il vaut mieux n´avoir violé aucune femme, c´est tout simplement criminel, dégoûtant, méprisable.
    Nik feminismo katolikoa aldarrikatzen dut Iparraldean.

Les commentaires sont fermés.