LAUBURU
Depuis 50 ans, Lauburu a travaillé d’abord à protéger les stèles discoïdales puis à faire renaître l’art funéraire basque.
C’est un événement particulier qui a provoqué la naissance de Lauburu : l’été 1971, Mikel Duvert assiste au vol d’une stèle discoïdale au cimetière d’Irulegi : le propriétaire d’une voiture immatriculée dans le Nord embarque le monument dans son coffre. Faut-il porter plainte à la gendarmerie ? Qui doit porter plainte ? Et d’ailleurs, prendre une stèle discoïdale abandonnée, est-ce voler ?
Un démarrage encourageant
C’est avec cette constatation que Lauburu (avant le nom) s’est mis à replanter les monuments des XVIe au XIXe siècles, les sceller au ciment, les photographier et les dessiner, pour conserver la trace de ce que l’on a fait ici avant nous. Pour poursuivre les voleurs et les revendeurs de nos monuments. En 1974 – cinquante ans ! –, ce succès amène à créer une association. Un travail harassant qui dure depuis 53 ans.
Depuis la publication en 1924 de La Tombe Basque de Colas, il y a juste 100 ans, 47% des monuments dessinés du Labourd ont disparu, 62% en Soule, et 57% en Basse-Navarre. La moyenne des disparitions est de 55,28% du recueil de Colas. A Mithiriñe, un « cimetière capital pour comprendre les vieilles tombes » écrit Colas, sur soixante stèles discoïdales, il en reste six. A Heleta, sur quarante, il en reste quatre. Or Colas avait fait des choix : la crème de la crème disparaît sous nos yeux.
Lauburu a donc mis 15 ans (1971-1985) pour replanter tous les monuments abandonnés des 199 cimetières d’Iparralde, les cimenter, et alerter les maires, responsables des cimetières.
Une visite imprévue
En 1977, un appel du ministère de la Culture parvient à Lauburu, demandant si deux inspecteurs des Monuments Historiques pourraient rencontrer l’association. Il y eut trois réunions qui aboutirent à une collaboration, très soigneusement mise en place, qui dura jusqu’en 1994 : échange de documents, participation à des commissions chargées de protéger les monuments du Pays Basque, participation financière de l’Etat importante. En fait, le ministère désirait protéger ce type de monuments depuis 1941, mais était bloqué par des problèmes d’ordre juridique. 21 cimetières (sur 199) ont vu leurs monuments les plus significatifs inscrits ou classés « monuments historiques ». Mais depuis 1994, suite au départ à la retraite du conservateur palois en charge du dossier, son successeur s’est désintéressé de la question et il n’y a pas eu de suite.
Lauburu a continué le travail d’inventaire partout : photos, dessins, mesures de tous les monuments présentant un intérêt artistique, historique ou ethnologique du XVIe au XIXe siècle inclus. A la fin de l’année 2024, sur le total des 199 cimetières, il n’en reste plus que 26 à inventorier (zone de Garazi-Baigorri essentiellement). Ce qui demandera encore environ huit années de travail.
De la protection à la création
Dès 1974, de nombreuses personnes sont venues trouver Lauburu : elles désiraient une stèle, une croix, une dalle pour la tombe familiale. Elles voulaient des « stèles basques » et Lauburu ne souhaitait pas faire des copies d’anciennes stèles, mais voulait créer des monuments pour aujourd’hui et pour ici. Mikel Duvert a ainsi dessiné plusieurs centaines de projets, suivi ensuite par d’autres créateurs tels que Pierre Lafargue, Christiane Giraud ou Erdozaintzi-Etxart à Donaixti. Il était très rassurant de constater que cet art reprenait vie, concomitamment avec les ikastola et la nouvelle chanson basque. Tout ceci, il y a 45 ans, inaugurait une renaissance de notre culture. C’étaient des paris audacieux, dont on a peu idée aujourd’hui. A l’époque, tout était à l’abandon. La revue Zodiaque (cf. la prestigieuse collection Zodiaque sur l’art roman, connue dans le monde entier) s’est intéressée au phénomène en publiant deux numéros sur l’art funéraire basque traditionnel et sur la création moderne : c’était reconnaître de l’extérieur que nous étions sur la bonne voie.
Encore un défi
Au début des années 1990, parut une nouvelle demande de la part, cette fois, des municipalités. Elles avaient besoin d’agrandir leurs cimetières ou d’en créer de nouveaux. De redoutables problèmes se posent alors, à la fois sur le concept même, mais aussi sur le plan technique. Sur le plan juridique, la voie semble fermée puisque chacun peut faire la tombe qu’il veut (c’est une liberté publique) : on ne peut imposer un type de monument basque. Mais nous avons trouvé la solution !
Suite (à venir semaine du 25/11) : A quoi sert la culture ?
LOUIS COLAS
SON OEUVRE A 100 ANSLouis Colas est né à Argentan en 1869. Titulaire d’une double agrégation, il est nommé au lycée de Marracq, à Bayonne, où il enseigne l’histoire. Il se passionne très tôt pour l’art funéraire basque qu’il étudie rationnellement et répertorie pour la première fois le matériau qu’il dessine, en visitant systématiquement les cimetières du pays et devenant ainsi l’un des premiers bascologues à la suite de Louis Lucien Bonaparte, Antoine d’Abbadie… publiant après 15 ans de recherches sur le terrain La Tombe Basque en 1924, avec plus de 1 100 dessins de monuments funéraires. Il participe à l’équipe fondatrice du Musée Basque. Il plaide en 1923 pour ces discoïdales « que l’on casse, que l’on concasse et fracasse sans pitié ». Il décède en 1929 mais sans être entendu, comme on le voit, un siècle après la publication de son livre.