L’Edito du mensuel Enbata
Du 7 au 30 janvier se dérouleront les élections professionnelles agricoles. Elles ont pour rôle d’élire les représentants agricoles qui siégeront aux chambres d’agriculture. En France, ces structures, véritables outils de développement ou de déstructuration du monde rural, sont quasiment en totalité, et ce depuis toujours, « tenues » par la FNSEA, syndicat qui arrive en tête à chaque élection.
Si le premier syndicat agricole, créé en 1947, a contribué à l’amélioration des conditions de travail et du niveau de vie des paysans, il aura aussi été celui qui a oeuvré à la disparition d’un mode de vie et de savoir-faire, au chamboulement d’une organisation rurale et, au bout du compte, au déclin de la population agricole. De plus d’un million de fermes il y a trente ans, nous sommes passés à moins de 400 000 exploitations agricoles en 2020. Les prévisions anticipent le nombre de 200 000 fermes en France en 2030…
La réalité est dure. Et malheureusement, si les agriculteurs se font régulièrement, bruyamment entendre et voir, leur nombre est en baisse constante. Économiquement, en revanche, ce secteur pèse toujours énormément : avec une production agricole estimée à 81,6 milliards d’euros en 2021, la France demeure le principal producteur européen. Ceci explique que la filière agricole soit si dorlotée par les pouvoirs publics en période de turbulences. Mais, au-delà de la dimension financière, le paysan, le travailleur ne reçoit que peu de considération. Même de la part du premier syndicat agricole, qui est censé le défendre. Bras armé de l’agrochimie et de l’agroindustrie, il n’a que faire de ses travailleurs, tant que la productivité est maintenue.
Or le malaise et le mécontentement exprimés par le monde paysan depuis un an sont sincères et réels. Celui-ci semble, peut-être pour la première fois dans sa globalité, en danger. Sur le moyen terme, en danger de disparition.
« Le malaise et le mécontentement exprimés par le monde paysan
depuis un an sont sincères et réels.
Celui-ci semble, peut-être pour la première fois dans sa globalité, en danger.
Sur le moyen terme, en danger de disparition. »
Inconsciemment, ce sentiment se diffuse auprès des paysans tant les menaces sont nombreuses : en premier lieu et la plus perceptible, une politique agricole libérale et agressive, imposée par les multinationales, défendue par les différents partis et syndicats de droite et appliquée à tous les échelons de pouvoir (État, Europe, Organisation mondiale du commerce), qui broie l’humain — chacun se demande qui sera le prochain à arrêter le métier — ; ensuite, un vieillissement de la population agricole, celle-ci ne se renouvelant pas, ce qui isole et risque de décourager ceux qui restent ; enfin, le changement climatique qui rendra le métier peut-être impossible à terme.
Alors que tout semble perdu, se laisser aller au désarroi et à l’isolement serait suicidaire.
Quand les solutions au niveau global semblent inaccessibles, on se doit de renforcer les solutions locales qui sont à notre portée. Se prendre en main et se défendre permet de construire des solutions concrètes : la situation agricole en Pays Basque en est la preuve.
Les outils agricoles en place au Pays Basque existent dans l’intérêt des paysans et de ses habitants : réseau Arrapitz, EHLG… Le futur Office de l’agriculture et de l’alimentation que mettra en place la Communauté d’agglomération Pays Basque au printemps prochain entre dans cette logique. Le développement de l’agroécologie, le renouvellement de la population agricole, la production de nourriture pour les habitants du pays, la relocalisation des productions (à l’exemple des démarches Herriko Ogia et Herriko Haragia), le renforcement des filières de qualité, la bio, les AOP, la production fermière, la défense de prix rémunérateurs, sont des chantiers, des réponses face aux crises agricoles, à renforcer à l’échelle du Pays Basque.
Il en va de l’intérêt de tous, et dans un premier temps de celui du paysan, de s’inscrire dans cette dynamique. Si des organisations comme la FDSEA/JA freinent des quatre fers et retardent tout changement de direction, gageons que leurs adhérents oseront faire le choix de l’intelligence.
A ce titre, les élections de janvier donnent la possibilité à chaque paysan de choisir, anonymement, l’évolution agricole qu’il souhaite, pour lui et pour son milieu de vie.