20 ans après “Oslo” vers l’abandon

PalestineDavid Lannes livrait dans le numéro d’Enbata d’octobre sa première approche de l’enlisement du conflit israelo-palestinien. Il constate aujourd’hui l’impasse de la reprise des négociations. 

“Un instrument de la reddition palestinienne, un Versailles palestinien”: c’est ainsi qu’Edward Saïd décrivait les accords d’Oslo lors de leur signature par Yasser Arafat et Yitzhak Rabin en 1993. Parmi les défenseurs de la première heure de ces accords, nombreux sont ceux qui se sont aujourd’hui ralliés aux thèses d’Edward Saïd. Je mentionnais dans ma dernière chronique l’exemple représentatif de l’historien anglo-israélien Avi Shlaïm qui décrivait Netanyahu comme “le procrastinateur par excellence, le premier ministre à deux faces qui prétend négocier la partition de la pizza tout en continuant à la dévorer”. Une image qui s’applique parfaitement aux nouveaux pourparlers israélo-palestiniens entamés en juillet sous l’égide du secrétaire d’Etat américain John Kerry.

Aucun des trois gouvernements dirigés par Benyamin Netanyahu (1996-99, 2009-13 et de 2013 à aujourd’hui) n’a jamais accepté le principe d’une solution à deux Etats, et il préside actuellement une coalition qui y est majoritairement opposée. Plusieurs de ses membres défendent ouvertement des positions annexionnistes. On imagine donc mal John Kerry obtenir la moindre concession d’Israël… L’approche du secrétaire d’Etat s’appuie sur les “paramètres Clinton” proposés à la suite de l’échec du sommet de Camp David en 2000. Selon ces “paramètres”, l’Etat palestinien se verrait accorder environ 95% de la Cisjordanie, mais 80% des colons pourraient rester dans l’Etat d’Israël grâce à des échanges de territoires; une compensation pour les réfugiés et un droit au retour dans leur nouvel Etat sont également prévus. Mais pour Netanyahu, “à moins que les Palestiniens ne reconnaissent Israël en tant qu’Etat juif —ce qui revient à oublier les 20% de Palestiniens vivant en Israël— et qu’ils renoncent au droit au retour, il n’y aura pas de paix”. Et quand bien même les Palestiniens céderaient à ces exigences, Netanyahu n’offrirait aucune contrepartie sérieuse car “après des générations de provocation” les Israéliens ne croiraient pas selon lui “qu’une telle reconnaissance percolerait jusqu’au peuple palestinien”.

Détourner l’attention de l’étranger
Si le gouvernement israélien affiche de telles positions, pourquoi prend-il la peine de participer aux pourparlers ? Tout d’abord, parce que cela ne lui coûte rien ; Naftali Bennet, leader du parti d’extrême droite “Le Foyer Juif” et ministre de l’Economie se vantait ainsi de l’absence totale de condition préalable à la reprise du dialogue : “il n’y a ni gel de la colonisation, ni bien entendu obligation de conduire des négociations sur la base des frontières de 1967”. Les Etats-Unis ont de plus chargé Martin Indyk de superviser les pourparlers: cet ancien salarié du lobby pro israélien AIPAC, fondateur du Winep que le Monde Diplomatique présentait comme un “think tank au service du Likoud”, et ancien volontaire au côté d’Israël lors de la guerre de 1973 est peu susceptible de parti pris pro-palestinien. Avec de telles assurances, Israël ne risque pas grand chose à participer à ces négociations. Bien au contraire, elles lui permettent de “procrastiner”, pour reprendre le terme d’Avi Shlaïm, tout en multipliant les faits accomplis sur le terrain. La colonisation se poursuit en effet à un rythme qui n’a jamais été aussi élevé en dix ans– une véritable humiliation pour le Président de l’Autorité Palestinienne Mahmoud Abbas qui répétait depuis deux ans qu’il ne prendrait plus part à la moindre négociation tant que la colonisation continuerait.

Contrairement à l’objectif officiellement affiché, la reprise des discussions est un outil au service d’Israël bien plus que de la Palestine. Les Palestiniens sont en effets trop faibles pour espérer faire fléchir le gouvernement de Netanyahu, et aucune puissance étrangère ne vient leur prêter main forte (surtout pas la France qui semble davantage en phase avec les faucons américains qu’avec les quelques progressistes de l’administration Obama). Pour Israël, c’est tout le contraire, et Netanyahu le reconnaît ouvertement : la reprise des négociations “revêt un intérêt stratégique essentiel pour Israël”. En premier lieu, comme on l’a vu, parce qu’elle lui permet de détourner l’attention des puissances étrangères de sa politique de colonisation, mais aussi parce qu’elle lui donne une carte supplémentaire à jouer sur le dossier iranien. Comme le constate le secrétaire général de l’OLP, Netanyahu envoie le message suivant à Obama : “Aussi longtemps que vous n’acceptez pas ma position sur l’Iran, je vais affaiblir le processus de paix israélo-palestinien”.

Une des conséquences du manque de volontarisme
de la communauté internationale
pour obtenir des concessions d’Israël
est que “la fenêtre pour une solution à deux Etats se referme”,
pour reprendre les paroles
du secrétaire d’Etat anglais aux Affaires Etrangères.

Une des conséquences du manque de volontarisme de la communauté internationale pour obtenir des concessions d’Israël est que “la fenêtre pour une solution à deux Etats se referme”, pour reprendre les paroles du secrétaire d’Etat anglais aux Affaires Etrangères. Dans les deux camps, la solution à un Etat s’impose de plus en plus comme la seule option possible. Pour « Le foyer juif », membre de la coalition au pouvoir, cela prend la forme d’une “initiative de stabilité”, une formule que l’ancien ambassadeur israélien en Afrique du Sud qualifie d’“Etat apartheid”. Beaucoup estiment qu’une telle formule, assez probable à court terme, ferait perdre à Israël tous ses soutiens internationaux et serait donc vouée à l’échec à long terme. C’est pourquoi la perspective d’un Etat unique démocratique et dominé démographiquement par les Palestiniens en fait frémir plus d’un en Israël. Un ancien chef des services secrets israéliens se confiait ainsi dans le documentaire The gatekeepers : “la tragédie est que nous sommes face à une situation frustrante où nous gagnons chaque bataille, mais perdons la guerre”

Soutenez Enbata !

Indépendant, sans pub, en accès libre,
financé par ses lecteurs
Faites un don à Enbata.info
ou abonnez-vous au mensuel papier

Enbata.info est un webdomadaire d’actualité abertzale et progressiste, qui accompagne et complète la revue papier et mensuelle Enbata, plus axée sur la réflexion, le débat, l’approfondissement de certains sujets.

Les temps sont difficiles, et nous savons que tout le monde n’a pas la possibilité de payer pour de l’information. Mais nous sommes financés par les dons de nos lectrices et lecteurs, et les abonnements au mensuel papier : nous dépendons de la générosité de celles et ceux qui peuvent se le permettre.

« Les choses sans prix ont souvent une grande valeur » Mixel Berhocoirigoin
Cette aide est vitale. Grâce à votre soutien, nous continuerons à proposer les articles d'Enbata.Info en libre accès et gratuits, afin que des milliers de personnes puissent continuer à les lire chaque semaine, pour faire ainsi avancer la cause abertzale et l’ancrer dans une perspective résolument progressiste, ouverte et solidaire des autres peuples et territoires.

Chaque don a de l’importance, même si vous ne pouvez donner que quelques euros. Quel que soit son montant, votre soutien est essentiel pour nous permettre de continuer notre mission.


Pour tout soutien de 50€/eusko ou plus, vous pourrez recevoir ou offrir un abonnement annuel d'Enbata à l'adresse postale indiquée. Milesker.

Si vous êtes imposable, votre don bénéficiera d’une déduction fiscale (un don de 50 euros / eusko ne vous en coûtera que 17).

Enbata sustengatu !

Independentea, publizitaterik gabekoa, sarbide irekia, bere irakurleek diruztatua
Enbata.Info-ri emaitza bat egin
edo harpidetu zaitezte hilabetekariari

Enbata.info aktualitate abertzale eta progresista aipatzen duen web astekaria da, hilabatero argitaratzen den paperezko Enbata-ren bertsioa segitzen eta osatzen duena, azken hau hausnarketara, eztabaidara eta zenbait gairen azterketa sakonera bideratuagoa delarik.

Garai gogorrak dira, eta badakigu denek ez dutela informazioa ordaintzeko ahalik. Baina irakurleen emaitzek eta paperezko hilabetekariaren harpidetzek finantzatzen gaituzte: ordaindu dezaketenen eskuzabaltasunaren menpe gaude.

«Preziorik gabeko gauzek, usu, balio handia dute» Mixel Berhocoirigoin
Laguntza hau ezinbestekoa zaigu. Zuen sustenguari esker, Enbata.Info artikuluak sarbide librean eta urririk eskaintzen segituko dugu, milaka lagunek astero irakurtzen segi dezaten, hola erronka abertzalea aitzinarazteko eta ikuspegi argiki aurrerakoi, ireki eta beste herri eta lurraldeekiko solidario batean ainguratuz.

Emaitza oro garrantzitsua da, nahiz eta euro/eusko guti batzuk eman. Zenbatekoa edozein heinekoa izanik ere, zure laguntza ezinbestekoa zaigu gure eginkizuna segitzeko.


50€/eusko edo gehiagoko edozein sustengurentzat, Enbataren urteko harpidetza lortzen edo eskaintzen ahalko duzu zehaztuko duzun posta helbidean. Milesker.

Zergapean bazira, zure emaitzak zerga beherapena ekarriko dizu (50 euro / eusko-ko emaitzak, 17 baizik ez zaizu gostako).