Et maintenant au boulot !

BGActeur de l’élection municipale à Donibane Lohitzune, Peio Etcheverry Ainchart est aussi un analyste pertinent de la vie politique en général et du mouvement abertzale en particulier. Il savoure le succès…

Ca y est, l’élection municipale est achevée. Première page de Sud-Ouest édition Pays Basque, le mardi 25 mars – excusez du peu –et premier titre, en jolis caractères gras : “La percée des abertzale”. Joli résultat pour certains, carrément victoire pour d’autres, de manière générale le cru électoral 2014 aura été exceptionnel pour le mouvement abertzale.

Après s’être hissé à la troisième place lors des législatives de 2012, c’est désormais un essai transformé sur ce scrutin de proximité.

Les facteurs du succès

Lire les résultats d’une élection est toujours un exercice compliqué, surtout lorsque l’on est acteur et non analyste extérieur. Avançons tout de même quelques éléments. D’abord, l’effet mobilisateur d’une dynamique maintenant enclenchée depuis quelques années, celle de la structuration d’Euskal Herria Bai. Auparavant, on aura beau dire ce que l’on voudra, mais des gens se regardant en chien de faïence et s’opposant même dans la plupart des élections ne pouvaient prétendre à une efficacité totale au moment de se réunir pour des municipales. Les scores furent souvent bons en 2008, mais la présence abertzale péchait par son absence ou par sa faiblesse dans beaucoup de communes.

Cette année, fort d’une préparation bien en amont grâce notamment à la dynamique Bil Gaiten, s’appuyant sur une action municipale plus rôdée et donc plus convaincante,  irrigué par l’enthousiasme des précédents résultats législatifs et cantonaux, l’abertzalisme municipal se présentait en montrant ses muscles, en particulier au vu du nombre de listes apparentées ou proches dans les communes de plus de 1.000 habitants.

Plus mature, ce mouvement n’est plus la force de témoignage qu’il était par le passé. Au plan programmatique, il a présenté un projet travaillé, qui ne s’arrêtait plus au rabâchage de slogans et permettait d’ouvrir ses listes à de plus en plus de gens de tendances différentes sans se trahir lui-même. Au plan humain, il a constitué un maillage du territoire qu’aucun autre parti ne peut afficher : des candidats, les principaux partis en
trouveront probablement partout ; mais des militants dans chaque village, cela m’étonnerait fort. Aux plans stratégique et tactique, à l’exception de quelques points noirs à travailler sérieusement dans les mois à venir, le chemin et les partenaires à y rechercher sont également de mieux en mieux identifiés, notamment en ce qui concerne le PS : on l’a vu, entre socialistes jacobins et “abertzalo-compatibles”, on a su choisir et la rue de Solférino pourra le voir et – espérons – en tirer les leçons.

Une donnée incontestable

Mais s’arrêter à cela serait un peu court. Certes, nous pouvons nous satisfaire de nos qualités propres, conditions nécessaires à la progression de l’abertzalisme, mais ce serait se mentir que de considérer que cela a suffi. Il est clair, en tout cas à mon sens, que les succès de ce scrutin sont aussi dus à la déconfiture socialiste actuelle. On le sait, les élections dites “intermédiaires” sont souvent défavorables au pouvoir en place. Mais cette année, l’impopularité record de ce gouvernement socialiste, à laquelle il faut probablement ajouter la faiblesse des alternatives de gauche de type EELV ou Front de gauche, déjà constatée au Pays Basque lors des législatives de 2012, a favorisé la percée abertzale.

Alors évidemment, on pourrait se dire “oui, OK, mais c’est secondaire ; on monte et on continuera à monter encore ensuite”. Eh bien non, ce n’est pas si simple.

Une énorme erreur serait de considérer qu’un score passant aujourd’hui de 7% à 15%, a fortiori de 15% à 20%, signifie que la population est convaincue. Bien sûr, le mouvement abertzale a un socle électoral solide, qui s’élargit, mais bien malin serait celui qui pourrait préciser à quel niveau celui-ci se situe ; mais à partir du moment où il dépasse un certain seuil, il me semble évident qu’il est lui aussi concerné par ce phénomène
que connaissent tous les grands partis français, celui d’un “ventre mou” qu’il a capté en partie mais qui n’appartient à personne, et qui peut osciller d’une élection à l’autre.

Considérer que la progression abertzale est linéaire et que de 20% on passera ensuite à 25% est une illusion : à l’heure actuelle, les forces de gauche françaises ne séduisent pas, mais qu’en sera-t-il lorsque le gouvernement sera à nouveau de droite ?

Le mouvement abertzale a un socle électoral solide, qui s’élargit,
mais bien malin celui qui pourrait préciser à quel niveau il se situe ;
à partir du moment où il dépasse un certain seuil,
il me semble évident qu’il est lui aussi concerné
par ce phénomène d’un “ventre mou”.

Une responsabilité à assumer

On sort aujourd’hui d’un succès dont on peut se flatter. Une masse de gens ont voté pour nous cette fois-ci, ils ne l’avaient pour beaucoup jamais fait jusqu’à présent (c’est un pas considérable) et ils peuvent bel et bien le refaire la fois suivante.

Mais peut-être pas. Le piège est alors de se dire que la campagne a été épuisante, qu’on va dormir un petit peu sur nos lauriers et qu’on verra bien ensuite. Agir ainsi serait ne considérer l’abertzalisme que comme l’outil d’un vote sanction, un choix de protestation qui fondra comme neige au soleil quand le PS sera redevenu un adversaire crédible à la droite. Ce n’est pas à la hauteur de notre responsabilité politique.

Il nous faut donc nous retrousser les manches dès aujourd’hui pour dire aux gens “vous nous avez donné votre voix cette année, peut-être parce que nous vous avons convaincus mais peut-être seulement parce que vous avez voulu montrer votre ras-le-bol ; vous allez voir que vous n’avez pas eu tort”. Mais cela demande de ne pas attendre la campagne de 2020 pour s’y mettre, car le succès de “dans 6 ans” se joue dès aujourd’hui, par du sérieux, de la constance, et de la proximité. On a le vent en poupe, sachons donner de la voilure.

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