Enbata: La loi sur la réforme des Collectivités territoriales vient d’être votée au Sénat et à l’Assemblée nationale. Le Pays Basque n’y est pas pris en compte malgré les efforts de nos délégués. Pouvez-vous nous remémorer la démarche commune —Conseil des élus, Conseil de développement— pour maintenir une personnalité juridique au Pays Basque, en remplacement de la suppression du «Pays», lui permettant de contractualiser avec l’Etat, la région et le Département son projet de territoire?
Jean-Baptiste Etcheto: Permettez-moi, en préalable, d’apporter une précision d’ordre technique: le débat parlementaire sur la réforme des collectivités territoriales n’est pas terminé. Le Sénat a soumis un texte à l’Assemblée nationale qui vient d’en débattre et qui va devoir, à son tour, le renvoyer au Sénat puisque la Loi constitutionnelle impose que les deux Assemblées votent le texte dans les mêmes termes. D’autres «navettes» auront donc lieu fin juin début juillet.
Sur le fond, j’observe que les initiatives décidées et engagées début 2009, à l’initiative de M. J-J. Lasserre, par les deux structures, ont permis une prise en compte effective de notre territoire, notamment dans les répon-ses officielles de M. Perben et du ministre, M. Marleix à l’Assemblée. Que l’on considère la bouteille à moitié vide ou à moitié pleine, il n’en demeure pas moins qu’elle a désormais du contenu. La disparation du «Pays» nous placerait, en l’état, dans la difficulté de négocier et signer un Contrat territorial. Or, quel avenir pour le Pays Basque, sa cohérence et sa cohésion sans portage collectif? Pour prévenir le pire, nos institutions se sont donc mobilisées très en amont. Avant même la remise du rapport par M. Balladur, nous l’avions rencontré (*) pour lui soumettre trois propositions d’organisation territoriale. L’une évoquait l’improbable statu quo, l’autre imaginait une structure dotée de compétences déléguées et la troisième proposait la création d’une collectivité à compétences propres. Nous avons renouvelé l’exercice devant Mme Alliot-Marie. Un groupe de travail mixte (CDPB/ CEPB) a aussi réfléchi à des projets d’amendements. Avec le Président du Conseil des élus, nous avons alors rencontré systématiquement tous les parlementaires locaux, députés et sénateurs. Avant le débat parlementaire, nous avons pu présenter ces amendements à M. Perben. Là, accompagnés de M. Poulou, député, la forte prise en compte de cette question par une part non négligeable de la population fut soulignée. J’ai pu ainsi évoquer et commenter la consultation populaire récente, réalisée lors des élections régionales. Présent à l’Assemblée nationale lors du débat sur la suppression des Pays, j’ai pu apprécier, en direct, l’intervention déterminée de M. Grenet, député, posant la question de notre avenir, notamment en termes de contractualisation. Les autres déclarations des députés, MM. Poulou et Lassalle, complètent ces préoccupations. Les ré-ponses du rapporteur et du ministre sur la nécessité de conserver au Pays Basque un cadre juridique sont positives. Ce n’est pas terminé puisque nous avons reçu l’assurance de Mme Jarrot Vergnolle, sénatrice, de son interpellation, par une «question au gouvernement» lors des débats au Sénat, dans quelques semaines.
En résumé, je suis convaincu que le Conseil des élus, le Conseil de développement et les parlementaires locaux se sont inscrits dans une démarche dynamique, volontariste et ambitieuse. Nous ne devons pas baisser la garde.
Enb.: Comment avez-vous défendu la notion d’un «pôle métropolitain» amendé et adapté à la réalité du Pays Basque lors de votre entretien avec Dominique Perben, rapporteur du projet de loi?
J-B. E.: La question des Pays était déjà portée par des institutions nationales et, malgré notre posture particulière, nous aurions été inaudibles sous cet angle-là. De plus, et surtout, la réforme pouvait offrir de nouvelles opportunités. Nous avons donc choisi de repérer dans le projet de loi, un mode d’organisation sur lequel on serait en situation d’intervention. D’une certaine manière, c’est un peu la stratégie du «cheval de Troie» pour s’inviter dans le débat national. Les «Pôles métropolitains», même s’ils ne correspondent pas à un territoire comme le nôtre, pouvaient être une des formes possibles, à adapter. Les amendements étaient de trois natures: le premier pour abaisser les seuils à 250.000 habitants (contre 300.000 dans le texte) avec une «EPCI» à 100.000 habitants (contre 150.000), le second plaidait pour la possibilité d’y intégrer la Région et le Département (comme aujourd’hui), et le troisième à réinscrire dans ces pôles les Conseils de développement. Comme nous l’avions pressenti, ces amendements n’ont pas été retenus en l’état par la Commission des lois mais ont permis des interventions fortes de nos députés et des réponses officielles qui vont dans le bon sens. En outre un amendement proposé par le gouvernement pourrait donner la possibilité aux territoires transfrontaliers de bénéficier de ce statut de pôle métropolitain sous certaines conditions. Les discussions à venir au Sénat auront aussi de l’intérêt.
Enb.: Pourquoi le «syndicat mixte», prôné aujourd’hui par certains et relevant d’une architecture législative ancienne, n’a-t-il pas déjà vu le jour? Pensez-vous que les intercommunalités qui le composeraient accepteraient d’y déléguer leurs compétences? Qui devrait prendre l’initiative de la création de ce «syndicat mixte»?
J-B. E.: Il s’agit là, pour moi, d’une réflexion qui relève de l’anticipation. Il me revient une citation qui dit «qu’en politique, la vérité doit attendre le moment où quelqu’un aura besoin d’elle …». Ainsi la mise en commun de compétences se construit peu à peu, au fil des besoins. La création du Conseil des élus procède de cette volonté déterminée de travail en commun. C’est un acte fort qui distingue notre territoire et valorise ses représentants. Au fil des réflexions, la société civile, que représente le Conseil de développement, invite régulièrement les élus à agglomérer certaines de leurs compétences car les actions deviennent de plus en plus transversales à l’échelle du Pays Basque. Le projet Pays Basque 2020 en est la plus récente démonstration. La question n’est donc pas de savoir comment on s’organise mais pourquoi. Dés lors que l’intérêt général emporte la conviction, nos élus ont montré qu’ils savaient s’entendre. Hier, avec le support d’un Pays, demain sous une autre forme; c’est incontournable. A plus grande échelle, on observe que les crises, les défis nous montrent la voie de l’excellence en permettant à chacun de s’élever au-delà de son périmètre. Sans la déconfiture économique de la Grèce, l’Europe n’aurait pas raffermi son pouvoir. Toutes proportions gardées, la disparation des Pays nous invitent à la même évolution. La société civile, qui ne connaît pas les mêmes contraintes que les décideurs politiques, les invite à cette future mise en commun de compétences. Pour l’intérêt de tous mais dans le respect de chaque collectivité.
Enb.: Après l’exclusion du Pays Basque de la réforme territoriale, ne pensez-vous pas que la création d’une collectivité territoriale, demandée par la plateforme Batera, devrait dorénavant être portée par le Conseil des élus et le Conseil de développement?
J-B. E.: La force de notre dispositif est, à mon sens, de travailler dans le sens voulu par le plus grand nombre. Ainsi, alors que les acteurs locaux souhaitent conserver la capacité du Pays Basque à s’organiser, on ne peut nier qu’il y a différents degrés d’organisations souhaités. Seule compte à mes yeux la direction que nous prenons. Notre devons capitaliser ce qui fait consensus, sans ignorer les différents points de vue. Ainsi, lorsque nous évoquons plusieurs possibilités d’organisation territoriale à M. Balladur, du statu quo à la plus ambitieuse, ou lorsque nous ouvrons la porte du débat parlementaire, à l’Assemblée comme au Sénat, nous sommes dans notre rôle et avec le maximum d’efficacité. N’est-ce pas la meil-leure manière d’imaginer, chacun à notre place, le futur du Pays Basque?
(*) Participaient à cette rencontre: Jean Jacques Lasserre, Jean Grenet, François Maitia, Caroline Phillips et moi-même.