Arnaldo Otegi se situe dans la nouvelle ligne officielle de l’ex-Batasuna
qu’il a sans doute fortement contribué à mettre en œuvre. Il a répondu par écrit à un long questionnaire envoyé par le journal proche des socialistes El País publié le 17 octobre. Déjà d’autres leaders de l’ex-Batasuna avaient tenu des propos équivalents. La personnalité qui les tient aujourd’hui, sa situation dans les geôles espagnoles depuis le 16 octobre 2009, la clarté de ses propos, comme le prestigieux média qui les rapporte, leur donne un grand retentissement.
Interrogé sur ce qu’il aurait à dire à ETA, Otegi répond: «Qu’il décrète une trêve unilatérale, permanente et vérifiable par la communauté internationale, en étant cohérent avec le caractère unilatéral de cette phase du processus et en faisant écho aussi bien à la demande exprimée par la déclaration de Bruxelles, qu’à celle exprimée et souscrite par l’ensemble de la gauche abertzale avec d’autres forces politiques, sociales et syndicales».
Si demain ETA commettait un meurtre, le condamneriez-vous? Que ferait Batasuna? demande El País. Le leader basque répond: «Vous présentez une hypothèse qui pour moi est impossible ou hautement improbable, dans la mesure où ETA a annoncé l’arrêt de ses actions armées, mais je ne veux pas éluder la réponse. Si de tels faits survenaient, la gauche abertzale, en vertu de la réflexion qui est la sienne, des engagements pris avec la communauté internationale et des Principes de Mitchell, s’opposerait à de tels faits. La gauche abertzale s’est démarquée de l’hypothèse de la kale borroka, cela démontre clairement son engagement en faveur des moyens politiques et démocratiques».
Interrogé sur l’échec des négociations antérieures, voici sa réponse: «Le point fondamen-tal est que le gouvernement et en grande partie ETA, se sont conduits face aux difficultés inhérentes à tout processus de négociation avec en tête un schéma fondé sur la conviction que la menace de la répression comme la reprise des attentats, étaient la formule efficace pour faire bouger le point de vue de l’autre et balayer les obstacles qui surgiraient au moment de se mettre d’accord. Ce schéma a démontré que, loin de surmonter les blocages, il ne fait que les amplifier en enkystant les divergences au lieu de les éliminer».
Changement de ton à Madrid
La déclaration a infléchi quelque peu la position du gouvernement espagnol qui vient d’être remanié en propulsant le ministre de l’Intérieur Rubalcaba numéro 2 du régime. Zapatero considère que des faits «très importants» se sont produits, mais que les avancées de la gauche abertzale sont «insuffisantes», il attend que tout cela «ne soit pas vain». Le ton est nouveau. Les socialistes prennent avec un temps de retard la mesure de la révolution copernicienne qui affecte l’ex-Batasuna. Ils travaillent déjà sur l’hypothèse d’une trêve vérifiable. Une manifestation organisée début octobre à Bilbo par Adierazi EH a pu avoir lieu, alors que la précédente avait été interdite. Le Lehendakari Francisco Lopez a lancé une série de rencontres avec tous les partis politiques autorisés dans la Communauté autonome pour discuter de la fin d’ETA et con-server leadership et capacité d’initiatives face à ce changement politique majeur dans la vie du pays. Cela tranche avec les rebuffades traditionnelles qui étaient les siennes il y a peu.
Les cinq experts internationaux travaillant sous la houlette du médiateur sud-africain Brian Currin, ont été extrêmement actifs ces derniers temps. Une déclaration d’ETA dans le bon sens, c’est-à-dire un cessez-le-feu unilatéral, permanent et sous vérification internationale, serait rendue publique dans les prochaines semaines.