La zone de libre-échange transatlantique (« Transatlantic Free Trade Area », abrégé TAFTA) ou Partenariat transatlantique de commerce et d’investissement est un accord commercial et d’investissement en cours de négociation entre l’Union européenne et les États-Unis, envisagé pour 2015. Si le projet aboutit, il s’agira de la plus importante zone de libre échange de l’Histoire (820 millions de consommateurs), couvrant plus de 46 % du PIB mondial. ATTAC Pays Basque organise une conférence le vendredi 16 mai à 19h00 à l’IUT de Bayonne avec le militant éco-socialiste et internationaliste Raoul Marc Jennar sur le thème « Grand Marché Transatlantique, victoire des multinationales… défaite des peuples » . Raoul Marc Jennar, qui est aussi membre du conseil scientifique d’Attac, répond aux questions d’Enbata.info.
Depuis la crise (aux causes/facettes multiples (énergétique, écologique, financière, économique et sociale)) de 2008, les limites de la solution néo-libérale « laisser faire et laisser passer » sont évidentes. Et, pourtant le projet de « Grand Marché Transatlantique UE-EU » vise « le démantèlement ou l’affaiblissement de toutes les normes qui limitent les profits des entreprises, qu’elles soient européennes ou états-uniennes et inscrit le droit des multinationales au dessus de celui des Etats » pour, selon ses promoteurs, « relancer les économies et la croissance » et contribuer ainsi à la diminution du chômage… Comment expliquer ce paradoxe entre la réalité (« ce qui va se passer » ) et la « solution miracle » (vendue par les promoteurs… dans « l’intérêt général » )?
Raoul Marc Jennar : La crise globale décrite dans votre question précède la crise financière déclenchée en 2008. Ce qui nous permet un constat plus fondamental. Nous sommes en présence de deux conceptions radicalement opposées de la vie en société. D’une part, il y a la grande masse des citoyens qui attendent que les pouvoirs publics soient les gardiens de l’intérêt général et du bien commun. Ce qui aujourd’hui, confrontés aux défis démocratiques, sociaux et écologiques auxquels les peuples sont confrontés, devrait amener ceux qui gouvernent à décider de véritables mutations du système global. Or, ceux qui nous gouvernent – droite traditionnelle ou pseudo-gauche – partagent une autre conception de la vie en société qui se caractérise par une conception oligarchique du pouvoir et une adhésion totale à une économie de marché où le primat de la concurrence l’emporte sur toute autre considération. Tout en utilisant un discours qui prétend que c’est la seule façon de préserver l’intérêt général.
Les négociations semblent être effectuées en toute opacité pour les citoyens.. mais pas pour les lobbyes. Qu’en est-il exactement, et pourquoi est-on dans cette situation ?
Raoul Marc Jennar : Effectivement, le secret préside aux choix effectués par les 28 gouvernements lorsque furent définis les termes de la négociation. Les gouvernements ne disposent d’aucun mandat de leur peuple, ni de leur parlement pour engager des négociations qui conduisent à de tels changements de société. De même, le secret entoure le texte du mandat de négociation qui n’existe officiellement qu’en anglais et n’est pas rendu public par les gouvernements. Le secret s’explique par l’énormité des changements que le partenariat transatlantique apportera dans nos pays européens : alignement des normes sociales, sanitaires, alimentaires, environnementales et techniques sur les normes US ; transfert vers des structures d’arbitrage privées de tout conflit entre firmes privées et pouvoirs publics sur ces normes ; élimination des droits de douane sur les produits agricoles US ; disparition des indications géographiques (AOC, AOP,…)…
Que peuvent faire les citoyen-ne-s pour changer la donne : actions à mener ? sources d’information ? etc.
Raoul Marc Jennar : Les citoyen-nes doivent s’approprier le contenu du mandat de négociation (je l’ai publié avec un commentaire critique de chacun des 46 articles dans un petit livre paru chez Cap Bear Editions ; j’ai aussi réalisé un DVD : voir mon blog : www.jennar.fr). Et ensuite partager l’information avec le plus grand nombre afin d’interpeller les élus locaux, régionaux et nationaux sur leur position par rapport à ce projet. Comme il faut aussi interpeller les candidats aux élections européennes du 25 mai puisque le Parlement européen a été doté d’un pouvoir nouveau : celui d’accepter ou de rejeter un tel traité. Il faut donc bien choisir entre les candidats. Ceux qui sont depuis longtemps et sans ambiguïté contre un tel projet et les autres. Généralement, ceux qui, en vertu de valeurs de gauche, étaient hostiles au traité constitutionnel européen en 2005 et sont restés fidèles à cette position, sont dignes de confiance. Il est possible de faire de cette élection une sorte de référendum pour ou contre le GMT et cela aura des conséquences.