Bildu concrétise en Gipuzkoa

Finalement après deux semai-nes de tensions et de supputations, les quatre grandes formations politiques, le PP, le PSOE, le PNV et Bildu ne sont pas parvenues à se mettre d’accord pour évincer l’un ou l’autre camp de tel ou tel poste de maire. Chacun a préféré se compter et laisser faire la procédure. L’élection du premier magistrat de Saint-Sébastien était très attendue du fait de sa portée symbolique après 20 ans de règne socialiste et en raison de la répartition des élus: 8 Bildu, 7 PSOE, 6 PNV et 6 PP. Le 11 juin, au premier tour de scrutin, les conseillers PP ont voté en faveur du candidat socialiste, mais celui-ci n’est pas parvenu à la majorité absolue, comme l’exigeait la loi. Du coup, c’est le candidat arrivant en tête, c’est-à-dire Juan Karlos Izagirre de la coalition Bildu, qui s’est emparé du fauteuil de maire.
Mais les choses ne font que commencer. En effet, J. K. Izagirre avec ses huit voix, aura fort à faire face à 19 conseillers d’opposition. Pour le vote du budget et éviter le blocage de l’institution, il devra passer des accords ponctuels avec l’un ou l’autre de ses partenaires. La partie s’annonce donc difficile pour un homme nouveau qui n’a pas vraiment d’expérience politique. Sa marge de manœuvre apparaît sous dépendance, même s’il peut compter sur le soutien de ses amis à la députation de Gipuzkoa. Juan Karlos Izagirre et son équipe pratiqueront l’ingrat exercice du pouvoir et devront faire leur preuve dans la gestion d’une ville de 185.000 habitants, gérant un budget de 390 millions d’euros. Tout cela ne s’improvise pas, d’autant que la gauche abertzale qui fait partie de la coalition Bildu, devra passer d’une longue culture d’opposition à coup de slogans, aux affres de la gestion municipale si riche en frustrations et concessions de toutes sortes.

Izagirre pas membre
de la gauche abertzale
Le nouveau maire de Donostia, ses colistiers comme les élus PNV, ont prêté le serment du respect de la Constitution… mais en précisant qu’ils le faisaient «sous la contrainte de la loi». Juan Karlos Izagirre qui porte ostensiblement le pin’s «Presoak etxerat» à la boutonnière, prend soin de rappeler qu’il est indépendant des partis et n’est en rien mem-bre de la gauche abertzale, ni des deux autres partis, EA et Alternatiba qui composent Bildu. Il reste prudent et modeste dans ses premières déclarations, tout en demeurant fidèle à son programme.
Le PNV prend acte de son recul en Gipuzkoa. Il perdra la Diputacion et de seize municipalités hier, il n’en gouvernera plus que quatre: Hondarribia, Elgoibar, Aia et Urnieta. Il laisse Bildu se confronter seul aux réalités sans doute pour deux raisons. L’essentiel est la reconquête du pouvoir au gouvernement autonome de Gasteiz d’ici deux ans. Pour cela, il ménage une hypothèse: s’appuyer sur le soutien actif ou passif de Bildu et prudemment, fait un geste en lui offrant les clefs de deux cités, Lasarte (1) en Gipuzkoa et Tragaperra en Bizkaia dont les socialistes ont été évincés. Les élus PNV ont en outre voté blanc à Renteria, Andoain et Soraluze pour permettre à Bildu de gagner à la majorité simple. Autant de signes qui ne trompent pas et scandalisent le PSOE. Toutefois, le PNV n’a pas laché le morceau à Elorrio (Bizkaia) où la liste de Bildu arrivée en tête a été écartée au profit du PNV… grâce à la voix d’un élu PP.

Recherche
gestionnaires d’institutions
Aujourd’hui, Bildu n’est qu’une coalition électorale, dont un des acteurs principaux, la gauche abertzale, n’est toujours pas légalisée. Ces deux années ne seront pas de trop pour qu’elle prenne la mesure du «principe de réalité», en gérant l’essentiel des institutions d’une des trois provinces et sur la base d’un succès électoral inattendu, parvienne à se structurer en tant que force politique sé-rieuse.
Dans un contexte de crise économique, Bildu sait que son arrivée aux affaires n’aura rien d’une sinécure. Le budget de la Diputacion de Gipuzkoa est de plus de 800 millions d’euros. Il recherche déjà tous azimuts cadres et gestionnaires institutionnels expérimentés, susceptibles de l’aider à répondre aux défis qui l’attendent. Et le PNV compte que l’exercice du pouvoir rendra demain Bildu plus réceptif aux alliances possibles pour le gouvernement autonome.
Enfin la situation d’Aralar doit se clarifier. A noter que déjà cette formation a permis à Bildu de conquérir quatre municipalités: Getaria, Tolosa, Zarautz et Zumaia. Son apport peut s’avérer essentiel et faire de Bildu le premier parti de la Communauté autonome.
Sans surprise, Gasteiz en Araba retrouve un maire PP, en présence du leader espagnol du parti Mariano Rajoy, venu tout spécialement. Dans la province, le PNV dirigera 25 mairies, Bildu 12, en particulier Laudio et Agurain et le PP les municipalités de la Rioja alavaise, au sud de la province.
En Biscaye, le maire PNV de Bilbao Iñaki Azkuna entame dans un fauteuil son quatrième mandat, après avoir obtenu la majorité absolue. La province compte 67 maires PNV (dont Getxo qu’il craignait de perdre), 29 Bildu (les villes côtières Bermeo, Ondarroa, Lequeitio), un Aralar et 3 PSOE. La défaite est d’autant plus cuisante pour ce parti qui est quasiment né dans cette province il y a plus d’un siècle: il perd en Biscaye quelques-uns de ses fiefs les plus fameux: Basauri et Sestao.

Nouvelle génération,
ad augusta per angusta
En Navarre, l’UPN dirigera la capitale et la plupart des municipalités les plus peuplées. Iruñea sera dirigée par un maire UPN grâce au vote blanc des socialistes. Bera de Bidasoa échoie à Aralar avec le soutien du PNV et le Baztan que l’on craignait de voir tomber entre les mains de l’UPN, revient à Bildu qui bénéficie des voix de deux élus d’un groupe de gauche local.
Ces élections de maires se situent à peu de chose près dans la logique du scrutin du 22 mai. Cela donne un Pays Basque très con-trasté où la carte électorale recouvre en partie la carte linguistique. Le vote d’un seul magistrat du tribunal constitutionnel espagnol quelques minutes avant le démarrage officiel de la campagne électorale a changé la donne. Après un tunnel de huit ans, au moment où le PSOE s’effondre dans toute la péninsule ibérique, l’alliance entre trois forces politiques basques en pleine recomposition, a fait le reste.
Hier dans un contexte très difficile, quelques dirigeants de Batasuna ont franchi le Rubicon en faisant sauter un verrou majeur: le rejet explicite de la violence d’ETA. Ils ont saisi la planche de salut offerte par Eusko Alkartasuna et Alternatiba, alors qu’ETA à bout de souffle et sans perspective politique réelle, s’effaçait de la scène nationale basque. Les politiques ont pris le dessus sur les militaires. Une nouvelle génération arrive aux commandes et prend le relais. L’électorat apporte à la démarche un soutien franc et massif. La gauche abertzale mute en profondeur et le processus va se poursuivre. Scénario inespéré il y a encore quelques semaines. Comme au quatrième acte d’Hernani, la pièce de Victor Hugo, on pourra dire pour 2011: «ad augusta, per angusta», à des résultats magnifiques par des voies étroites.

(1) Cité dirigée par les socialistes depuis une trentaine d’années, elle a récemment défrayé la chronique avec un scandale financier en Amérique du Sud où son ancien maire Urchuegia est gravement impliqué pour enrichissement personnel par le biais d’une ONG.

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