LA récente rencontre à Bordeaux
de Patxi Lopez et d’Alain
Rousset a accouché d’un
accord sur la création d’une Eurorégion
entre la région Aquitaine et la
Communauté autonome basque.
Dans un premier temps, un Groupement
européen de coopération territoriale
sera créé. Les droits français et
espagnol prévoient la possibilité de la
mise en place de ce type de groupement
dont le siège sera établi près de
la frontière entre les deux Etats. Le
choix du pays d’accueil dont dépendra
le statut juridique du groupement —de
droit français ou de droit espagnol—
n’a pas été annoncé. Cette structure
devra ensuite faire le lobbying nécessaire
auprès des gouvernements français
et espagnol et, naturellement, des
instances européennes, pour obtenir
le statut d’Eurorégion.
Message fort
François Maitia qui joue les Monsieur
Bons-offices entre les deux dirigeants
s’est bruyamment félicité de la conclusion
de ce partenariat. La création de
l’Eurorégion facilitera la coopération
entre les deux entités dans le domaine
de l’économie, notamment des infrastructures
telles la LGV, les autoroutes
maritimes ou les universités, a
précisé l’ex-maire d’Izpura et toujours
conseiller général et conseiller régional.
Les signataires souhaitent lancer
un message fort à la population et plus
particulièrement à la jeunesse.
_ En l’occurrence, le message fort que
les socialistes envoient à la population
et à la jeunesse d’Iparralde, en signant
un accord pour la création de cette
Eurorégion Aquitaine-CAB, c’est qu’il
ne faut pas compter sur eux pour oeuvrer
en faveur d’une quelconque reconnaissance
institutionnelle du Pays
Basque nord, ou pour la création d’une
Eurorégion spécifique aux sept provinces.
Qu’ils soient de Gazteiz ou de
Bordeaux, les socialistes tournent le
dos à l’émergence d’une entité territoriale
de type européen que le gouvernement
Ibarretxe prônait comme
première étape de la reconnaissance
institutionnelle d’Euskal Herria dans sa
globalité. Ce qui, naturellement, impliquait
d’accorder un statut administratif
aux trois provinces du Nord.
_ La manoeuvre socialiste est cousue de
fil blanc. Pardon, le fil blanc est en
l’occurrence trop raffiné. La manoeuvre
est une grosse ficelle. Comment
mieux contrer la revendication institutionnelle
du Zazpiak bat qu’en la
noyant dans une entité sans âme,
entre une Aquitaine qui n’a jamais
existé et qui ne parvient même pas à
donner un semblant d’illusion de cohérence
entre ses diverses composantes
et une Communauté autonome qui ne
fédère qu’une partie du territoire
basque? Comment mieux écarter les
revendications culturelles et linguistiques
de notre territoire qu’en les excluant,
comme cela se produira, des
compétences de l’éventuelle Eurorégion
au motif qu’elles ne seront pas
partagées par l’ensemble des populations
concernées ?
Bouderie navarraise
Le gouvernement conservateur de Navarre
n’a semble-t-il pas beaucoup
d’appétit pour le ragoût institutionnel
que les socialistes espagnols et français
mijotent de part et d’autre de la
Bidassoa. On se souvient que le gouvernement
de Sanz avait quitté le
fonds commun Aquitaine-Euskadi-Navarre
pour cause d’incompatibilité politique
avec les nationalistes, pourtant
plus que modérés, au pouvoir à Gazteiz.
Même si au gouvernement foral il
bénéficie de l’appui inconditionnel des
socialistes navarrais, Sanz n’a manifestement
pas envie de faire le pâté
(edo lukinka) dans le sandwich socialiste
préparé par les responsables
Aquitains et Cabistes. Il sait que Rousset
repartira pour un tour à l’issue des
régionales de mars prochain. Il sait
aussi que Lopez a toutes les chances
de se succéder à lui-même dans trois
ans, tant le camp abertzale, notamment
sa composante de gauche, est
affaibli dans la Communauté autonome.
Peut-être même escompte-t-il
que, passé l’effet d’annonce, ce nouveau
groupement subira le même sort
que la Conférence des régions pyrénéennes
qui n’a amené aucun résultat
en matière de coopération économique
transfrontalière, qui ne se réunit
que de loin en loin et dont personne
ne parle même plus?
_ On laissera François Maitia à ses auto-
congratulations sur ses relations de
plus grande proximité avec Patxi lopez
du fait de leur appartenance politique
commune qu’avec Ibarretxe dont il
partageait la langue. Les abertzale
que nous sommes feront preuve de
discernement avant d’apporter leurs
suffrages à ceux qui refusent une
quelconque avancée sur la voie de la
reconnaissance institutionnelle de
notre pays mais qui, en revanche, sont
prêts à le défigurer par une LGV qui
ira à l’encontre de ses intérêts culturels,
sociaux et économiques.