Jean-Marc Ayrault, premier ministre, signifie le 20 novembre 2013 au Conseil des élus qu’il refuse une collectivité territoriale Pays Basque, mais indique que “les outils juridiques actuels… peuvent permettre au Pays Basque de se doter d’une structure juridique renforcée”.
Ces outils sont aujourd’hui présentés par le préfet Durand, soit une fédération des intercommunalités d’Iparralde, soit une intercommunalité unique des 158 communes du Pays Basque à la place des communautés de communes existantes.
La proposition séduit les pragmatiques qui voient là un premier pas vers cette collectivité que le pouvoir refuse. Cette structure donne enfin une assemblée à Iparralde même si, pour l’heure, le suffrage universel ne la légitime pas. Les délégués fléchés des 158 communes seraient entre deux et trois cents. Peu importe ce capharnaüm puisque nous serions entre nous dans les limites historiques promises par le préfet comme nous le sommes déjà dans le pays créé par arrêté préfectoral du 29 janvier 1997. Ca c’était avant!
Le 8 avril 2014, dans son discours de politique générale devant l’assemblée nationale, le nouveau premier ministre, Manuel Valls, déclenche le big bang territorial qui ébranlera pour des décennies l’armature politico-administrative de la France. Ceci ne figurait pas dans les 60 engagements du candidat Hollande. Avec une rapidité stupéfiante, peu conforme aux jeux politiques traditionnels, ce grand chambardement se met démocratiquement en place.
Après des manoeuvres de retardement —recours au Conseil constitutionnel et demande de référendum qui ont fait perdre une semaine— le Sénat, prétendument assemblée des collectivités, disqualifié, abandonne aux députés l’initiative d’une loi votée le 23 juillet, dessinant la carte des 13 nouvelles régions et le report à fin décembre 2015 des élections régionales et départementales. Toutes les familles politiques sont sonnées et leurs parlementaires se divisent. Le gouvernement trouve cependant une majorité pour poursuivre en octobre le débat sur les compétences. Cette loi introduit le droit d’option permettant aux départements qui le souhaitent de changer de région. Rien n’est donc figé et les enjeux territoriaux peuvent encore être pris en compte même si les voies de passage seront difficiles à franchir par la règle des 3/5èmes dans les territoires concernés.
A ce stade, il faut garder à l’esprit que si les Conseils généraux sont appelés à se dépouiller au profit de la région ou de l’intercommunalité. Le département, lui, ne disparaîtra pas. S’il y a une certitude, c’est bien celle-là, car, comme la commune ou la région, le département est une collectivité territoriale inscrite dans la constitution. Pour l’en faire sortir, il lui faut l’aval des 3/5èmes des parlementaires réunis en congrès ou un référendum national. Autant croire au retour de Louis XVI ! Rien n’interdit au législateur de réutiliser le département maintenu, ici ou là, pour répondre au “droit d’option”, à un besoin de proximité ou de spécificité. Il serait coupable de se désintéresser de ces éventuelles opportunités.
Voilà donc la séquence dans laquelle nous sommes. Jean-Marc Ayrault et son courrier relèvent de l’ancien testament! Pourquoi poursuivre nos calculs de boutiquiers alors que souffle sur l’Hexagone une tornade institutionnelle ?
Avec moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, on a jeté aux orties la pérennisation du Conseil général par une loi paritaire et le redécoupage des cantons qui, il y a un an seulement, nous faisait redouter, aux confins de la Soule, un mariage basco-béarnais. Face à cette conjoncture instable et innovante, resserrons nos forces. Pourquoi les abertzale, qui impactent comme jamais la société basque, pèseraient-ils moins aujourd’hui qu’en 1981? Nous portions alors, seuls, la revendication du département Pays Basque.
Elle fut inscrite dans les 110 propositions du candidat Mitterrand et transcrite dans une proposition de loi du groupe parlementaire socialiste. Si la vie institutionnelle locale nous échappe encore malgré nos progressions municipales, force est cependant de constater des avancées spectaculaires à l’échelle intégrée d’Iparralde: création de l’EPFL (office public foncier), syndicat intercommunal de soutien à la culture basque pour financer l’Institut culturel créé par Jack Lang, Laborantza Ganbara, Bil ta Garbi… On le voit, nos trois provinces ont décollé depuis 1981. Elles sont largement prêtes à une ambition institutionnelle si les abertzale définissent clairement une stratégie auprès des hommes et des femmes au pouvoir à Paris, en Aquitaine et ailleurs. Le consensus du Conseil des élus en témoigne. Si, malgré tout, l’horizon venait à s’obscurcir, il serait toujours temps de revenir au petit mécano du préfet. S’il est, comme prétendu, un premier pas efficace, quelle somme de temps et d’énergie aurions-nous alors perdu puisque cela était possible bien avant le big bang territorial de ce jour.