Podemos o no podemos

Pablo Iglesias, leader de Podemos
Pablo Iglesias, leader de Podemos

L’Espagne est-elle à la veille de profonds changements dans sa représentation politique? On peut le penser si on porte notre regard sur l’émergence du parti Podemos issu du mouvement des Indignés de la Puerta del Sol, disciples de Stéphane Hessel.

La corruption atteint des sommets en Espagne
(40 milliards d’euros par an selon des experts)
et il ne se passe pas un jour
sans que les media ne révèlent
des cas de corruption.

Un phénomène inédit s’est produit en janvier 2014 sur la scène politique espagnole : la naissance du parti Podemos issu du mouvement des indignés de la Puerta del Sol, de Madrid. Podemos a remporté 5 sièges aux élections européennes, avec 1,2 million de voix. Excellents en communication, ses leaders sont régulièrement invités sur les plateaux de télévision et parviennent à déjouer toutes les accusations des politiciens du PP ou du PSOE à leur encontre, à l’instar de Pablo Iglesias accusé d’être membre d’ETA pour avoir accepté de débattre dans un Herriko taberna.

Leur vocabulaire marque les esprits et touche leur cible. Parmi les termes les plus employés “la casta” pour désigner tous ces politiciens qui s’engraissent sur les fonds publics lorsque le peuple Espagnol souffre, ou encore “le précariat” ou le “pobretariado”.

Ses militants ont beaucoup travaillé, sans rémunération, à la construction du projet politique. Jeunes pour la plupart, ils sont particulièrement actifs sur les réseaux sociaux et cela marche ! En effet, selon un sondage de la semaine dernière, ils raviraient 19 sièges à Irunea et seraient la deuxième force à Donosti, derrière EH Bildu et devant le PNB.

Leur mode de fonctionnement diffère de celui des partis traditionnels. Ils ont créé 800 cercles, ainsi que des assemblées territoriales ou thématiques et ont voté par internet au premier congrès du parti organisé en octobre dernier.

Corruption endémique

Comme dit leur leader, le nouveau député Européen Pablo Iglesias, professeur de Sciences politiques à l’université madrilène de Complutense, “l’actualité fait campagne pour lui”.

En effet, la corruption atteint des sommets en Espagne (40 milliards d’euros par an selon des experts) et il ne se passe pas un jour sans que les media ne révèlent des cas de corruption:Filiesa et Naseiro, financement irrégulier du PSOE et du PP en 1989. Roldan, célèbre patron de la Guardia Civil, condamné en 1999 à 31 ans de prison pour détournement de fonds, escroquerie et falsification. Gürtel, vaste réseau de corruption touchant les élus du PP de Valence et de Madrid. Luis Barcenas, trésorier du PP pendant 18 ans, a consigné sur un cahier secret les sommes d’argent attribuées illégalement à beaucoup de politiciens du PP. Inaki Urdangarin est soupçonné d’avoir détourné 6 millions d’euros avec l’aide de son épouse l’infante Cristina de Borbon en organisant congrès et sponsoring avec l’institut N’ooS. Jordi Pujol, ex-président de la Generalitat de Catalunya soustrait au fisc 4 millions d’euros d’héritage familial dissimulé en Andorre. Punica, 51 personnes, soupçonnées d’appartenir à un réseau de pots de vin de 250 millions d’euros, ont été arrêtées le 27 octobre dernier, dont beaucoup d’hommes et de femmes politiques de Madrid, Leon, Valence et Murcie. Dernièrement, en novembre, c’est Monago, président de la communauté autonome d’Extrémadure, qui est accusé de se faire payer en frais de transport des milliers d’euros de voyages au Canaries où il rendait visite à sa maîtresse.

Bref, 1.700 affaires sont en cours dans les tribunaux espagnols.Il faut dire que le boum de l’immobilier et les investissements tous azimuts réalisés jusqu’en 2008 dans les diverses  communautés autonomes se prêtaient bien à ces dérives ainsi qu’un cadre légal déficient avec peu de moyens d’investigation.

Renouvellement de la vie publique

Pourquoi tous ces scandales ressortent-ils aujourd’hui? En partie, grâce à Podemos qui se bat contre la corruption et a permis de régénérer la vie démocratique. Bien que le PP ait instauré très récemment des commissions d’enquête préalables au choix des candidats aux élections législatives prochaines de mai 2015 (candidats soumis à cinq questions concernant leur patrimoine, revenus…), il y a fort à parier que le mécontentement des Espagnols, des Catalans et des Basques se traduira dans les urnes. Malgré tout, Podemos contraint à un renouvellement de la vie publique.

Nous suivrons son évolution avec intérêt. L’Espagne, parviendra t- elle à changer ses règles ? Mettra-t-elle en place des organes de contrôle de la vie publique ? L’attitude du nouveau parlement par rapport au droit à l’autodétermination des Catalans, des Basques ou des Galiciens changera-t-elle ? Le matraquage opéré pendant des décennies par les media espagnols, caricaturant la réalité du Pays Basque laisse des traces (Basque est associé systématiquement à terroriste) y compris chez les militants de Podemos. Quelles relations entretiendra Podemos avec les partis abertzale basques et catalans? Autant de questions que l’on peut se poser à l’heure où l’Espagne risque de vivre un bouleversement, en pleine crise économique (chômage et émigration des jeunes) et politique (perte de confiance dans le monde politique traditionnel).

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2 réflexions sur « Podemos o no podemos »

  1. Podemos ne m’inspire aucune confiance! Que vient faire ce parti en Euskal Herria et en Catalunya alors qu’il y existe déjà des partis rupturistes au moins aussi anti-corruption que lui? Vu son attitude envers CUP à Barcelone le week-end dernier, j’ai bien peur que Podemos ne soit qu’un contre-feu créé par le système politique en vigueur en espagne pour canaliser l’exaspération des citoyens, dévier leur attention vers un « nouveau » parti et couper l’herbe sous le pied des partis souverainistes basque et catalan; ça me rappelle étrangement un certain Front de Gauche dans l’hexagone…

  2. Alors que dans l’hexagone, l’indignation fait le lit du Front National, on ne peut que se réjouir de l’émergence d’un tel mouvement citoyen qui semble prouver que l’on peut se saisir à la base des problèmes qui nous concernent et faire de la politique non politicienne. Je souhaite que Podemos évite les embûches et trouve le chemin d’une autre gestion de la cité. Au lieu de défendre son pré carré, il vaudrait mieux, me semble-t-il, s’inspirer de ce genre de démarche. Daniele

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