Depuis la nuit des temps, il existe un sa-voir-faire des bergers du Pays-Basque et du Béarn pour transformer le lait des brebis de races locales en un fromage de pâte pressée non cuite. Dans les années soixante l’élevage des brebis laitières s’est fortement développé pour répondre à la demande des industriels de Roquefort et contribuer à son essor. Dans les vallées béarnaises les producteurs se professionnalisent dans leur savoir-faire fromager tandis qu’en Pays-Basque se développe la production laitière à destination des industriels aveyronnais pour la fabrication du Roquefort. Vers la fin des années soixante-dix la production laitière du bassin aveyronnais devient suffisante pour répondre au marché et les industriels de Roquefort ont tendance à se désengager du secteur Pays-Basque. Plusieurs acteurs se mobilisent et prennent des initiatives pour se mettre à transformer le lait de brebis localement, à l’image du fromage traditionnel des bergers, l’«ardi gasna». A l’initiative des producteurs s’engage une réflexion sur le devenir de leur production perçue comme une production secondaire vis-à-vis du fromage de Roquefort. L’idée de faire reconnaître le fromage de brebis (local) en fromage d’appellation d’origine germe dans ce contexte d’incertitude et de nécessaire adaptation à la nouvelle situation. Basques et Béarnais se retrouvent avec les transformateurs laitiers pour créer un syndicat de défense du fromage «Ossau-Iraty Brebis Pyrénées» et obtenir sa reconnaissance en Appellation d’Origine Contrôlée après plus de deux ans de travail en mars 1980. Le cahier des charges définit une zone de production, le dé-partement des Pyrénées-Atlantiques avec trois communes limitrophes des Hautes-Pyrénées, stipule l’utilisation exclusive du lait de brebis, à partir des races locales, un process de fabrication ainsi que des conditions d’affinage et d’étiquetage.
Les dix premières années et la mise
en place de la promotion collective
Dès la reconnaissance en AOC, les collectivités territoriales se déclarent prêtes à aider le syndicat dans la promotion du produit mais les industriels majoritaires au conseil d’administration n’en veulent pas, préférant développer leur politique de marques commerciales (Etorki, Py-rénéfrom, Capitoul, etc.). Pendant une dizaine d’années, le marché se développe ainsi que l’encouragement à la production. Les derniers industriels arrivés dans la zone de production montrent alors toute leur arrogance et leur appétit productiviste: «Vos brebis sont fainéantes, nous irons chercher du lait ailleurs».
Mais à l’automne 1990, changement de ton, l’hiver doux a généré une forte augmentation de la production + 22% et notre industriel provocateur n’est pas prêt à accueillir dans de bonnes conditions tout ce volume de lait. Résultat des courses le prix du lait de brebis chute de 10%, les industriels obtiennent de fortes compensations financières pour désengorger le marché et se met en place une promotion collective pour faire connaître le fromage de brebis des Pyrénées à l’échelle du territoire français. Une bagarre syndicale s’enclenche pour dénoncer cette chute vertigineuse du prix du lait (occupation de deux laiteries pendant trois jours) et pour intégrer le logo de l’AOC Ossau-Iraty dans le spot publicitaire télévisé. Depuis, la promotion collective se développe autour de l’AOC Ossau-Iraty. Elle sert de moteur de développement à l’ensemble de la filière du lait de brebis des Pyrénées-Atlantiques, en particulier à celle de la production fermière en Pays-Basque, réunie autour du collectif Idoki.
(Suite de cette chronique dans le prochain numéro).