Sans être de nature institutionnelle et ce que ce statut accorde d’office, sans avoir les finances publiques, Euskal Herriko Laborantza Ganbara a dû gagner chaque euro, chaque place, chaque confiance, chaque partenariat. Voici l’exposé des enjeux qui attendent la chambre d’agriculture alternative, lu en clôture de l’assemblée réunie à Ainiza pour le 10ème anniversaire d’Euskal Herriko Laborantza Ganbara.
Dix ans après le 15 janvier 2005, c’est le bon moment pour voir si l’initiative d’il y a 10 ans était bonne et nécessaire. Nous avons la conviction qu’elle était la seule possible.
Sans être de nature institutionnelle comme la chambre d’agriculture départementale, c’est-à-dire sans avoir la reconnaissance ni la fonction de chef de file que cela entraîne automatiquement, sans avoir les finances publiques (1,4 millions d’euros payés par les paysans du Pays Basque à la chambre départementale), sans avoir tout ce que le statut institutionnel accorde d’office, Euskal Herriko Laborantza Ganbara a dû gagner chaque euro, chaque place, chaque confiance, chaque partenariat.
Chacun peut juger de la place acquise, conquise : 15 salariés en équivalents temps pleins et près de 750.000 euros de budget. Euskal Herriko Laborantza Ganbara est présent chez les paysans, avec les communes et intercommunalités, les collectivités et l’administration.
Rien de ce qui a été acquis ne l’a été par le fait du prince !
Il a fallu convaincre et démontrer nos capacités à prendre en charge les questions les plus sensibles. Bien souvent, face à la démagogie, Euskal Herriko Laborantza Ganbara a fait le pari de l’intelligence des paysans, capables de s’approprier les enjeux nouveaux et souvent difficiles.
Malgré les énergies et le temps perdus à répondre aux multiples attaques de l’Etat, le parcours de ces 10 années ne peut qu’engendrer satisfaction.
Même s’il y a eu des lacunes, peut-être même des erreurs, nous pensons que nous ne pouvions pas faire beaucoup mieux. En dix ans, il fallu tout construire : identifier les priorités, définir les objectifs qui s’inscrivent dans la finalité globale de l’agriculture paysanne, élaborer le plan de travail qui permet d’atteindre les objectifs fixés ainsi que l’organisation de travail que cela suppose, recruter l’animateur technicien le plus à même de porter le travail en lien avec le groupe de paysans porteurs de la problématique.
Voilà le travail qu’il a fallu faire pour chacun des 25 dossiers ou services portés par Euskal Herriko Laborantza Ganbara.
Agriculture paysanne et question institutionnelle
Au bout de 10 ans, il est important de se questionner à nouveau par rapport aux deux objectifs qui ont motivé la création de Ehlg: l’agriculture paysanne et la question institutionnelle.
Animés par la conviction que la diminution constante de la population active agricole ou de la part de l’alimentation dans le budget des ménages ne sont pas les critères de modernité ou de progrès de l’agriculture ni de la société, convaincus que l’industrialisation et l’intensification de l’agriculture ne tiennent le coup que grâce à l’injection massive d’aides publiques, nous voulons continuer à promouvoir l’agriculture paysanne, liée au sol et au territoire, plus autonome et plus économe, recherchant la marge nette à l’unité produite ainsi que la qualité de vie dans des exploitations à taille humaine et nombreuses.
C’est un travail très concret autour des pratiques et systèmes de production dans les fermes, d’accompagnement des démarches collectives, de partenariats avec les collectivités.
Si l’ensemble des questions que nous traitons sont des composantes de l’agriculture paysanne, celle-ci est présente dans chacune des composantes.
Ainsi, nous utilisons la grille de l’agriculture paysanne pour faire le diagnostic de la ferme sur laquelle un jeune à son projet d’installation.
Autre exemple, dans la production de blé “Herriko” que nous animons, il y a une surface plafond pour chaque producteur de façon à répartir une production dont le prix d’achat est négocié avec de bonnes conditions (la répartition est l’un des six thèmes ou pétales de l’agriculture paysanne).
L’agriculture paysanne comme boussole, et le plus possible sur le terrain : c’est un défi permanent pour les années à venir.
Quant à la question institutionnelle, que dire?
Nous sommes toujours à la veille d’un moment historique ! Ce serait le cas aujourd’hui, c’était le cas lors de la définition de la collectivité territoriale, c’était aussi le cas lors de la visite du ministre de l’intérieur Nicolas Sarkozy, ou lors des assises de la décentralisation.
Chaque fois, on nous dit qu’il y aura un “avant” et un “après”. Au Pays Basque, le “après” ressemble toujours à l’ “avant” !
Jusqu’à présent, c’est ça. On veut bien croire que cela peut changer…
En tout état de cause, lorsque la société civile est en avance par rapport à ce que les responsables politiques sont en mesure de saisir, ceux-ci feraient bien de s’en inquiéter… Quoiqu’il advienne, l’agriculture devra faire partie du nouveau processus, processus duquel Ehlg n’acceptera pas de passer par pertes et profits!
Lorsque la société civile est en avance
par rapport à ce que les responsables politiques
sont en mesure de saisir,
ceux-ci feraient bien de s’en inquiéter.
Au bout de dix ans, les enjeux ne manquent pas. Au côté de toutes les structures de développement, économiques ou syndicales (Arrapitz, ELB, AOC et autres démarches locales…), dont l’action s’inscrit dans le même sens, nous devons donner à cette agriculture paysanne un cadre institutionnel.
Au moment où je quitte la présidence de Ehlg, je tiens à remercier tous ceux qui nous ont aidés à réussir le projet d’il y a 10 ans.
Je quitte cette fonction avec sérénité. J’ai confiance dans notre capacité collective. Elle nous a permis cette belle histoire collective des 10 premières années, elle assurera sans problèmes la période à venir. Bon vent à Euskal Herriko Laborantza Ganbara !