Un été en Ecosse par Gabi Oiharzabal

Le premier ministre du gouvernement régional Alex Salmond (SNP) qui a lancé en mai la campagne pour un référendum sur l’indépendance de l’Ecosse avec le slogan «Yes Scotland» prévu à l’automne 2014, reste prudent. La crise économique ne joue pas en sa faveur car les deux principales banques écossaises (la Royal Bank of Scotland et la Bank of Scotland) ont été sauvées par Londres. Mais, en réalité, d’après mon ami avocat, elles n’ont d’écossaises que le nom, car leurs capitaux sont australiens et anglais. Elles ne sont pas d’ailleurs en bonne santé à cause des actifs pourris qu’elles possèdent. Il n’y a pas non plus de Caisse d’épargne propre à l’Ecosse et le SNP ne revendique pas la création d’une banque spécifique écossaise. En plus, la déréglementation dans le secteur bancaire bat son plein. D’après mon ami, la corruption est omniprésente.

Aides en danger
Un des cas dont on parle beaucoup ici, c’est celui d’un richissime américain d’origine écossaise, Donald Trump, un magnat de l’immobilier américain (dixième puissance économique des Etats-Unis) qui veut réaliser un projet pharaonique démentiel: sur 6.000 hectares (plus de la surface de Jatxou, Halsou et Ustaritz réunis!), en bord de mer, près d’Aberdeen, d’un coût de plus d’un milliard de dollars. Il prévoit la construction de deux golfs, dont le premier a été inauguré en juillet, d’un hôtel de luxe de 450 lits, de 950 villas et 500 maisons. Il serait trop long de raconter cette nouvelle guerre du Golf. Après l’approbation du gouvernement écossais et de son premier ministre, de tous les pouvoirs locaux, du soutien inconditionnel de la presse locale (cela ne vous rappelle-t-il pas quelque chose au Pays Basque?), le chantage et la corruption vont bon train. D’un côté, ceux qui voient dans la réalisation de ce projet la création de centaines d’emplois, de l’autre, les défenseurs de la nature et le maintien des quatre familles paysannes menacées d’expulsion. La bataille fait rage.
Pour le moment, la crise n’a pas encore affecté les lois sociales votées par le parlement écossais (le SNP a 69 députés sur 129). Elles profitent vraiment à la population en difficulté, en particulier aux retraités. Ainsi, nos amis, majoritairement à la retraite (ils ont atteint 60 ans) peuvent circuler en train et en car quasi gratuitement dans toute l’Ecosse. Rappelons que les distances ici n’ont rien à voir avec notre petit Pays Basque. On peut allègrement parcourir 500 km quasi gratuitement, des Border, au sud, jusqu’à Thurso, tout au nord. Je ne connais pas d’endroit où existe un tel droit. Il en va de même pour les dizaines d’îles où il faut emprunter le bâteau. Mais ces avantages sont accordés sans discrimination. Les riches comme les pauvres en bénéficient. Ainsi, on constate que les usagers des transports en commun sont surtout des personnes âgées. De même, quand les hivers sont rigoureux, le gouvernement écossais donne à tous les retraités une aide financière ponctuelle de 500€ et plus, pour aider à payer les factures de chauffage. Bien entendu, la population craint qu’avec la crise, ces aides aux transports et au chauffage ne soient affectées ou supprimées.
Dans l’enseignement supérieur, la gratuité des études est maintenue pour les Ecossais alors qu’en Angleterre, il faut débourser 9.000 livres pour une année.

Avenir incertain
Cependant, par ces temps de crise, une partie de la population, celle qui réside surtout à l’est, accepte mal les efforts très importants fait par le gouvernement pour sauver la langue gaélique parlée dans les Highlands, les Iles des Hébrides et l’ouest du pays. Comme l’euskara, le gaélique écossais (différent du gaélique irlandais) revient de loin et son avenir reste incertain mais, au moins, reste-t-il ouvert. Ces dernières années, des progrès décisifs ont été réalisés car il est maintenant enseigné et a un statut de langue officielle en Ecosse.
Le parlement écossais, élu à la proportionnelle, présente quelques similitudes avec celui d’Hegoalde quant à sa composition en considérant que, si les abertzale étaient unis, ils seraient, en proportion, assez proches de la force du SNP pro-indépendance (68 députés), les travaillistes pro-unionistes (37 députés), les conservateurs pro-unionistes (15 députés), les libéraux-démocrates fédéralistes (5 députés), les Verts pro-indépendance (2 députés) et un élu sans étiquette. Il existe d’autres partis très minoritaires qui sont majoritairement pro-indépendance mais ne sont pas représentés au parlement.
Passée l’euphorie des J.O., la réalité de la crise demeure. Alex Salmond doit veiller à l’unité du SNP considéré ici de centre-gauche; il est tiraillé en divers courants. Des divisions lui seraient fatales. Les questions que se posent le parti: faut-il adhérer à l’euro? Faut-il exiger que les bases des sous-marins nucléaires de la Clyde quittent l’Ecosse? A l’approche du référendum, le sujet de l’indépendance va devenir de plus en plus d’actualité. La question qui sera posée n’est pas encore arrêtée. Les sondages ne sont pas favorables aux indépendantistes. Soulignons cependant une grande différence de fond avec Euskal Herria: Londres accepte d’organiser un référendum sur l’indépen-dance (bien entendu parce qu’il est persuadé que les Ecossais la refuseront) alors que l’Espagne le refuse aux Catalans et aux Basques.
Suite au prochain voyage.

Gabi OIHARZABAL

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