Le vote militant des débuts de l’abertzalisme a changé de nature sans cependant marquer de rupture. Le vote militant existe toujours, mais il est noyé dans un vote plus large qu’il ne contrôle plus, qui lui octroie de plus en plus de succès éclatants, mais pourrait lui faire aussi connaître des reflux. Les 22 et 29 mars, toute la mouvance doit se mobiliser.
Les élections départementales approchent et invariablement se pose la question de l’abstention prévisible d’une part, et d’autre part celle du poids que représentera le vote abertzale, considéré comme un vote “militant”.
J’avoue que n’étant pas sociologue, encore moins spécialisé dans les phénomènes électoraux au plan local, je n’ai de cette question qu’une vision superficielle et pour tout dire, quelque peu intuitive. Mais tout de même, il me semble que la vision qu’on a du vote abertzale peut souvent rester un peu idéaliste, ou pour le moins embourbée dans des souvenirs vieux d’une bonne vingtaine d’années.
En effet, il peut légitimement être considéré que durant les premières décennies de l’action électorale abertzale, il s’agissait d’un vote largement militant, c’est-à-dire que la force de pénétration de son message étant encore relativement limitée, on pouvait presque identifier chaque voix, commune par commune, sans grande chance de se tromper.
J’exagère, bien sûr, mais la tendance ne devait pas être très éloignée de l’image.
Cette situation avait le désavantage de voir le vote abertzale longtemps minoritaire, voire marginal dans certains secteurs géographiques du Pays Basque Nord, notamment urbains. Mais elle offrait au moins l’avantage de pouvoir se dire que cette masse de militants, même réduite, était fidèle et qu’aucune voix potentielle ne manquait le jour du scrutin.
Depuis cette époque, époque héroïque des pionniers, mais époque aussi relativement frustrante de la faiblesse électorale chronique, les choses ont beaucoup changé. Loin de moi l’idée de dire qu’on fait tout mieux – et donc plus efficacement – aujourd’hui qu’à l’époque.
Comme on ne compare pas aisément un merlu de ligne et une courgette, il faut comparer les périodes avec prudence, car à chacune correspond un contexte bien propre, constitué de facteurs très divers tantôt favorables ou défavorables à l’abertzalisme en général, et à sa déclinaison électorale en particulier. En outre, il est tout aussi évident que la lecture des résultats abertzale est à lire dans sa profondeur chronologique, et qu’on ne peut raisonnablement lui demander d’atteindre son apogée dès ses débuts.
Il n’en reste pas moins qu’alors qu’Allande Duny-Pétré rappelle, dans ses analyses de l’abertzalisme des années 1970-80, la hantise de jouer encore longtemps à l’équilibriste au-dessus de “l’enfer des 5%”, aujourd’hui le mouvement abertzale s’est imposé aux yeux d’à peu près tout le monde comme la troisième force politique d’Iparralde.
Matriochkas abertzale
Mon propos n’est pas ici de chercher à comprendre comment nous avons réussi à croître ainsi d’années en années. De toute manière, une chronique seule n’y suffirait pas. Ce qui m’importe ici, est plutôt de poser la question de la nature de ce vote : est-ce toujours un vote “militant” ? La réponse me paraît évidente : à force de parvenir à pénétrer de manière toujours plus profonde la société d’Iparralde, d’élection en élection mais surtout par un travail au quotidien, l’abertzalisme électoral a pris la forme des matriochkas russes. Les petites poupées constituent ce cercle très limité de militants actifs, ceux qui se “cognent” au quotidien le travail d’animation des partis et des groupes municipaux. Ces petites poupées sont entourées de plus grosses poupées, qui sont l’ensemble des militants abertzale moins actifs, encartés ou pas, qui soutiennent financièrement ou par des coups de main ponctuels quand il en est besoin. Puis les poupées deviennent encore plus grandes, ce sont celles des électeurs abertzale qui ne souhaitent pas militer activement mais ne sauraient voter autre chose, car ce sont des convaincus, une sorte de “vote captif”. Puis viennent les plus grosses poupées, qui sont autant de cercles plus larges de l’audience abertzale. Difficiles à identifier précisément, on y trouve tous ces gens qui ne voyaient auparavant les abertzale que comme des marginaux, mais qui aujourd’hui sont capables de leur donner leur voix. Mais leur vote est mouvant : selon le contexte, selon le type d’élection, selon les candidats, selon plein de facteurs différents. Tel est devenu le mouvement abertzale aujourd’hui : ce n’est plus un petit mouvement mais un mouvement qui compte, et dont le vote a changé de nature. Certes, le vote militant y existe toujours, mais il est noyé dans un vote plus large qu’il ne contrôle plus, qui lui octroie de plus en plus de succès éclatants, mais pourrait lui faire aussi connaître des reflux.
Les 22-29 mars pas une voix ne doit manquer
Tout cela fait que lorsque les analystes parlent de “vote militant” à notre sujet, au contraire d’un vote UMP ou PS qui serait plus volatil, je ne sais pas s’ils ont vraiment raison. Et puis surtout, j’ai aussi du mal à mesurer jusqu’à quel niveau d’efficacité militante vont aujourd’hui les plus petites poupées gigognes: si aucune voix abertzale ne manquait dans les années 1980, il serait intéressant de consulter les listes d’émargement pour voir combien d’abertzale fervents “oublient” d’aller voter, par flemme ou par confiance en un poids qu’ils considèrent dangereusement comme acquis.
Ma conclusion sera donc d’une simplicité affligeante, mais d’une importance majeure. Aujourd’hui comme hier, chaque voix compte. Pas une – en tout cas parmi celles qui se considèrent comme convaincues – ne doit manquer les 22 et 29 mars prochains, sous prétexte qu’il pleut le jour du vote ou que korrika est passé dans le coin la nuit précédente. Vouloir montrer à tous que nous sommes plus sérieux que les autres pour répondre à leurs intérêts passe déjà par le fait de prouver qu’on est sérieux quand notre propre intérêt le réclame.
Je voterais abertzalé. Cœur et Basque même si je ne suis pas né ici, chose que je regrette.
Voila un exemple d’intégration! Félicitations David
La question était prometteuse, mais la réponse est décevante.
Constat:
Tout en effet va se jouer là : Difficiles à identifier précisément, on y trouve tous ces gens qui ne voyaient auparavant les abertzale que comme des marginaux, mais qui aujourd’hui sont capables de leur donner leur voix.
Les abertzales doivent se rapprocher de tous ces gens : venus d’ailleurs (ni bezala), vivant ici depuis toujours (bien de mes collègues).
L’imprécation du « pas une voix ne dois manquer » est courte car elle ne fait appel qu’au vote militant.
Beaucoup a été fait, notamment par l’apport des idées abertzales à la société civile: constitution de Batera, du Conseil de développement, d’EHLG, Eusko, etc.. Chacune de ces ‘institutions’, à un niveau différent, avaient vocation à ouvrir les thèmes portés par les abertzales vers l’ensemble de la société civile – nos voisins – dans nos villes ou villages. Un travail politique a aussi été mené, par l’intermédiaire d’alliances notamment, pour impliquer la classe politique telle qu’elle est dans une gestion plus ‘autonome’ du Pays Basque.
Compromission obligatoire:
Mais un énorme travail reste à accomplir, car c’est maintenant les électeurs qu’il faut convaincre. Et ces électeurs aujourd’hui votent pour d’autres partis.
C’est pour cela qu’il faut accepter de travailler avec ces partis: listes communes, alliances ponctuelles, désistements, etc.
Mais aussi, plus de présence dans les médias purement français, c’est à dire parisiens.
Encore une fois, il faut collaborer, se compromettre, fuir la pureté idéologique et l’entre-soi. Car faut-il le rappeler, la démocratie n’a rien à voir avec la constitution de majorité, comme on le croit trop en France. Ce n’est qu’un outil qui permet à des personnes d’opinions différentes de faire quelque chose ensemble.
Ene iritzia duzu hemen, bainan Peio zure ihardokizuna nuke nahi, prest zirea abertzale ezdirenekin lan egitea?