La crise, l’austérité, le chômage, ne frappent pas tout le monde. Des pauvres et des sans-emplois de plus en plus démunis, des détenteurs du capital de plus en plus fortunés, voilà la réalité de la dérive de deux mondes qui ont bien peu de choses en commun qui illustrent l’accroissement des inégalités en Europe.
Chaque semaine ou presque apporte son nouveau “scandale”.
4 millions versés à O. Bridancourt pour le remercier de bien vouloir devenir PDG de Sanofi.
Révélation du système d’évasion fiscale à grande échelle organisé auprès des fortunés par la filiale suisse de la banque britanique HSBC.
Un peu plus tôt Apple annonçait des profits records pour l’année 2014 avec des impôts rachitiques payés par son siège social basé en Irlande.
On a presque oublié l’affaire Junker, nouveau président de la commission européenne qui s’engageait à faire de la fraude fiscale en Europe une de ses priorités alors que la presse révélait que durant ses 19 années à la tête du gouvernement luxembourgeois il n’avait cessé d’oeuvrer pour attirer les sièges des multinationales dans son pays dépouillant les autres États européens de centaines de milliards de recettes fiscales.
Comptes cachés de Cahuzac, affaire Clearstream, emprunts toxiques vendus par Dexia aux Collectivités, hôpitaux, Offices HLM dont les intérêts explosent…
Avidité sans bornes, morgue, impunité des classes possédantes, la plupart du temps en symbiose avec les classes dirigeantes, qui font les lois mais sont au-dessus d’elles.
Comment cela peut-il durer? On sait, mais il ne se passe rien… ou presque : l’abstention atteint des records, le FN est annoncé à 30%.
Capitalisme triomphant?
Ainsi va la vie sous le capitalisme triomphant. Triomphant ? Ne sommes-nous pas plongés dans une grave crise économique au nom de laquelle partout en Europe on impose des politiques d’austérité, la remise en cause du droit du travail, le recul du départ à la retraite, le travail du dimanche et autres “réformes”?
Entre 2008 et 2011 le seuil de revenu des 10 % les plus pauvres a diminué en France de 4,3 % (après impôts et prestations sociales), quand celui des 10 % les plus riches a progressé de 3,2 %. Une perte de 360 euros annuels d’un côté et un gain minimum de 1.800 euros de l’autre. Derrière les chiffres, le vécu de gens et le ressentiment face aux exemples cités ci-dessus. Exemples qui dévoilent la logique du système. Ces politiques d’austérité, sources de récession grave dont même le FMI s’inquiète ont pourtant leur propre rationalité comme l’explique l’économiste Michel Husson : “A travers la montée du chômage et l’austérité salariale, elles permettent aussi de rétablir le taux de marge des entreprises, autrement dit la part du profit dans leur valeur ajoutée. Les pays qui ont subi l’austérité budgétaire (et salariale) la plus forte sont aussi ceux où les profits se sont le plus nettement rétablis. Et il est frappant de constater que les pays de la périphérie (Grèce, Espagne, Portugal et Irlande) ont vu le taux de marge se rétablir malgré l’effondrement de leur économie et l’explosion du chômage. (…) Les politiques menées en Europe ne doivent donc pas être analysées comme des politiques ‘absurdes’ ou déficientes, mais comme une thérapie de choc, qui, au-delà de ses effets collatéraux négatifs, vise clairement trois objectifs combinés : rétablir la profitabilité, liquider autant que possible les acquis sociaux, et protéger les institutions financières et bancaires d’une dévalorisation de leurs actifs”.
Entre 2008 et 2011
le seuil de revenu
des 10 % les plus pauvres
a diminué en France de 4,3 %
(après impôts et prestations sociales),
quand celui des 10 % les plus riches
a progressé de 3,2 %.
Lutte pour la survie
C’est ça que le peuple grec, cobaye éreinté par la Troïka (UE, BCE et FMI) a remis en cause en portant Syrisa au pouvoir. On mesure la dure mission du gouvernement Tsipras confronté, d’une part, aux 27 gouvernements de l’UE et, d’autre part, à sa propre oligarchie, évadée fiscale à vie, responsable de décennies de corruption généralisée. Ce n’est pas l’alternative au capitalisme qui se joue aujourd’hui en Grèce. En voulant desserrer l’étau de la Troïka, le peuple grec se bat d’abord pour sa survie. Mais en refusant les diktats du capitalisme néolibéral il se bat aussi pour nous.
La ligne de partage n’est pas entre la Grèce et les autres pays qui devraient “payer pour son irresponsabilité” mais entre ceux qui profitent de la thérapie de choc et ceux qui se battent pour rendre possible une politique favorable aux classes populaires.
Nous avons besoin des moindres victoires du peuple grec mais ce dernier a un besoin urgent de notre solidarité.
1. Revenus, niveau de vie, patrimoine février 2015 : www.inegalites.fr
2. Les limites du keynésianisme : http://hussonet.free.fr
Excellent, mais vraiment excellent article de Jakes et de plus, à mon humble avis, très bonne analyse de la situation, mais pour moi, ce n’est pas nouveau, il y a longtemps que je sais de quoi il est capable. Nous sommes exactement sur la même longueur d’onde. Serge Nogués