La démagogie est le point fort de “notre” actuel monarque républicain. Une fois de plus il fait assaut de populisme en expulsant des “Roms” bulgares et roumains. Ce geste ponctuel incongru illustre à mon avis de façon caricaturale la politique habituelle de l’Etat français par rapport aux “gens du voyage”, et au-delà de celle-ci les limites pratiques de l’universalisme abstrait inhérent au jacobinisme français.
En France, c’est bien connu, il ne saurait y avoir de “minorités nationales” puisque nous sommes “tous égaux”. C’est très bien sur le papier. Mais dans la vie réelle, comment fonctionne ce beau principe? Comme disait Pascal, l’homme n’est ni ange, ni bête, et quand il veut faire l’ange, il fait la bête. On le voit bien dans le cas présent. Pour respecter les minorités, il faudrait d’abord les reconnaître de façon ouverte et positive, et non pas à postériori, de façon hypocrite et négative, comme l’Etat français l’a toujours fait avec les gitans, même quand ils sont de citoyenneté française, mais depuis la rafle de 1802, jamais il n’était allé aussi loin dans la discrimination, excepté sous le régime de Vichy, triste référence.
Pour être plus sédentaires, il y a aussi d’autres minorités nationales dans la Ré-publique française, notamment la nôtre, ce qui doit nous sensibiliser d’autant plus aux problèmes des Roms. L’on nous a bien entendu appliqué une politique plus subtile, permettant la quasi disparition des langues dites “régionales”, avec les trésors de culture et d’humanité qu’elles portaient et qui les faisaient vivre. Nous en sommes les témoins vivants, car nous avons dû subir dès les bancs de la communale un traitement négatif et réducteur. Il était d’ail-leurs stupide, antipédagogique: il a fallu trois générations pour que nous apprenions correctement la langue française, alors qu’une seule aurait dû suffire avec un enseignement adapté. A six ans l’on nous a pris comme des petits chiens ne sachant que japper et, à coups de sanctions di-verses, l’on nous a gavé de sons étrangements indigestes. Le simple bon sens aurait dû conseiller de nous faire avancer à partir de ce que nous savions déjà. Mais contre cette logique évidente, il y avait des textes négatifs qui disaient clairement: il s’agit de substituer la langue française à la langue basque, et non pas de l’y ajouter. Que de temps perdu et de gâchis, sans compter notre peine de jeunes enfants!
Mais pour faire autrement, il faudrait reconnaître des personnes concrètes, de “vrais gens”, et non pas des numéros interchangeables ou des purs esprits, ou en cas de difficultés des “sauvageons” (selon l’utra-jacobin Chevènement), qu’il faut civiliser de force, surtout s’ils sont de “races inférieures” comme disait Jules Ferry. Quand on n’y arrive pas, on vous parque dans un ghetto de banlieue, on vous relègue au fin fond de la campagne, ou en désespoir de cause on peut vous expulser si vous étes étranger (même européen comme dans le cas présent) ou citoyen français d’ascendance non gauloise ou présumée telle. Dans le temps l’on vous dressait par la guerre, les Etats-Unis d’Amérique s’y emploient encore, mais çà devient trop cher…
La République française n’est pas globalement pire que les autres Etats démocratiques. Mais sa conception absolutiste et monolithique de la Nation la met en porte-à-faux devant le problème des minorités, nationales ou autres. Les textes de lois ne sont pas en général aussi jacobins qu’on pourrait le croire, mais leur interprétation est trop souvent ultra-jacobine, et finalement “égaux” revient à penser “pa-reils”: mais pareils à qui, et pourquoi faudrait-il copier? François Mitterrand prôna un moment le droit à la différence, mais son idée fut rejetée par les jacobins de tous bords, au nom du principe d’égalité. Drôle d’égalité qui exclut les non-alignés, les non-formatés, les plus défavorisés, et si possible les expulse.
Jean-Louis Davant