EUSKAL Herriko Laborantza Ganbara est con-fortée avec le jugement rendu le 6 mai par la Cour d’appel de Pau. ça a été d’abord un immense soulagement et, bien sûr, un bonheur tout aussi immense! J’avoue que l’appréhension était très grande… Quoiqu’il arrivât, la décision rendue allait marquer durablement le sort d’Euskal Herriko Laborantza Ganbara. Nous étions convaincus que tous les éléments de droit, de légitimité et de contexte avaient été mis en valeur pour que la démarche et le “paquet global” que constituent le nom et l’objet de l’association ne soient pas remis en cause juridiquement. Mais nous savions également que rien n’est assuré, que tout est possible. Nous nous posions la question: est-ce que les juges vont se laisser entraîner par les propos de l’avocat général qui avait tenté de mettre le dossier EHLG dans le grand sac noir de tous les fantasmes qui viennent à l’esprit quand il s’agit d’un dossier du Pays Basque?
De même qu’à Bayonne pour le procès en première instance, le procès en appel m’avait mis une forte pression. En effet, on s’attend à une heure et demie de questions de la part des juges. Je me disais que normalement j’avais les billes, encore fallait-il les sortir au bon moment, ne pas être pris au dépourvu, ne pas connaître le “trou noir”, comme cela peut arriver, ou sentir le sol glisser sous ses pieds. C’était ma crainte et je me disais que je n’avais pas le droit de passer à côté de ce rendez-vous. Pour Euskal Herriko Laborantza Ganbara bien sûr, mais aussi pour toutes les personnes qui nous soutiennent et dont je sentais la force; toutes ces personnes pour qui je m’interdisais le droit à l’erreur.
Etre ce que nous avons été depuis le début
Il ne s’agissait pas de bien jouer la pièce. Il s’agissait d’être, d’être ce que nous avons été depuis le début. Je pense que notre force réside aussi là: la transparence et la sincérité. Depuis le début, les choses sont claires: “Voilà qui nous sommes, ce que nous voulons, le sens du combat et nous l’assumons”. C’est le même discours devant la société civile, les élus, les paysans, et à la barre d’un tribunal. Pour revenir au 6 mai, avant la minute fatidique que dure l’énoncé du jugement, on pense à tout ça… on pense à tous ceux qui attendent. On repasse dans sa tête le film du procès, avec des avocats qui, chacun dans son domaine, ont été percutants, les témoins qui ont chacun apporté une pièce essentielle au puzzle… L’attente est longue. Au bout de 40 minutes, le Président arrive: “Affaire Euskal Herriko Laborantza Ganbara: le jugement de Bayonne est confirmé en tous points…” Les coups de fil et les SMS fusent à travers tout le Pays Basque et au-delà…
Oui, ce jugement conforte EHLG. Au minimum, c’est un tournant; j’espère que c’est la fin d’un triste feuilleton qui n’avait pas lieu d’être. Certes, ce dossier au pénal n’est pas le seul contentieux auquel nous devons faire face, il y en a six au total! Mais c’est le dossier central, le dossier sur lequel s’appuient le préfet et l’administration pour porter toutes leurs attaques, avec toujours la même formule “… en raison des contentieux engagés et en cours par l’Etat, relatif à l’objet de l’association et à son appellation”. Le fait d’être relaxé pour la seconde fois de tous les chefs d’accusation, en particulier l’activité et la dénomination, devrait nous renforcer sur tous les autres contentieux. Mais, soyons prudents: au moment où j’écris ces lignes, je ne sais pas si l’Etat ira en cassation… Le jugement est tellement bétonné qu’il est difficile d’imaginer un tel scénario, mais l’Etat n’a pas besoin d’avoir raison, malheureusement…
Les enjeux les plus difficiles
et les plus essentiels
Euskal Herriko Laborantza Ganbara sort également renforcée dans son objet et ses activités. Elle a le droit et l’entière légitimité de porter ce projet d’agriculture paysanne si ambitieux et si nécessaire pour que demain les paysans puissent exercer un métier qui les fait vivre tout en répondant aux attentes de la société. Ce type d’agriculture peut être une perspective pour tous les paysans. Il peut démontrer que le productivisme et l’industrialisation ne sont pas le seul chemin obligé. Le chantier auquel s’est attaché EHLG est énorme: la volonté est là, et les partenaires savent que nous saurons nous atteler aux enjeux les plus difficiles et les plus essentiels.
Enfin, Euskal Herriko Laborantza Ganbara est renforcée dans sa dénomination, c’est-à-dire dans son droit et sa liberté de porter une revendication fondamentale. Nous l’avons déjà affirmé à maintes re-prises: nous devons avoir le droit de porter une revendication de la manière qui nous paraît la plus efficace, à condition qu’elle soit démocratique. La finalité de la dénomination est là. Elle pose une question à laquelle il faudra apporter une réponse. Elle pose un problème qu’il faudra un jour résoudre. En intentant le procès contre EHLG, en l’attaquant d’abord sur l’activité, puis sur la dénomination, le préfet visait EHLG dans sa globalité: qu’elle ne soit plus le contre-modèle agricole, et qu’elle ne pose plus la question institutionnelle pour l’agriculture du Pays Basque. Plus de question, plus de problème! Le jugement du 6 mai change la donne du tout au tout. Ne gâchons pas notre plaisir!
Pour conclure, je tiens à nouveau à remercier toutes les personnes qui nous soutiennent, qui ont souffert et espéré avec nous. Parce que l’Etat, par son obstination et sa bêtise, l’a voulu, le dossier Euskal Herriko Laborantza Ganbara dépasse la question strictement agricole du Pays Basque. Parce qu’il y avait les éléments de droit irréfutables, parce qu’EHLG vient de l’histoire déjà longue du mouvement paysan en Pays Basque, parce qu’il y a un vrai mouvement social, pluraliste et démocratique, la victoire d’EHLG est la victoire de tous. Si l’ensemble de ces conditions n’avaient pas été réunies, elle n’aurait peut-être pas été au rendez-vous. Luttes collectives,victoire collective, bonheur collectif… ça fait du bien!