Le 17 décembre dernier avait lieu à Elgeta l’Assemblée de Etxalde, mouvement paysan et citoyen qui repose sur trois idées forces: critique du productivisme, agriculture paysanne et souveraineté alimentaire.
Initiée par EHNE- Bizkaia, ce mouvement naissant rassemble des militants paysans de toutes les provinces, y compris d’Iparralde. Dans ses principes de base, il définit son objectif: «la mise en œuvre de la souveraineté alimentaire en Euskal Herria». Il se veut un lieu de débat, de forums, d’encouragement à une agriculture attractive pour les jeunes Il se définit indépendant des pouvoirs politiques et financiers. Il souhaite plaider pour une agriculture solidaire, basée sur l’égalité des droits des hommes et des femmes travaillant la terre; une agriculture créatrice d’emplois, respectueuse des ressources naturelles et de la biodiversité végétale et animale. Il souhaite encourager les alliances avec les citoyens et les mouvements sociaux, tant au niveau local qu’international. Il n’a pas l’intention d’être un syndicat, mais il veut interpeller les syndicats et les pouvoirs. Il se situe dans la philosophie de la con-vergence internationale «Via Canpesina».
Absence de confrontation d’idées
Si des militants paysans de Hegoalde ont senti le besoin de créer ce mouvement, c’est parce que chez eux, l’agriculture, en quelques années, s’est très fortement intensifiée et industrialisée, au point d’être aujourd’hui dans une impasse, incapable de se renouveler. La culture industrielle de Hegoalde s’est appliquée dans toute sa logique et sans réserve au secteur paysan, si bien qu’aujourd’hui leur situation de concentration vaut largement la situation des régions les plus intensives en France Cette évolution a été tellement forte, rapide et même brutale, que le quasi unique syndicat ENHE n’a pu en être un rempart; des critiques internes lui reprochent même de l’avoir accompagnée… Il faut savoir qu’en Hegoalde, il n’y a pas l’équivalent des chambres d’agriculture que nous connaissons; il n’y a pas non plus d’élections syndicales dans le secteur agricole. Le gouvernement basque a toujours considéré cela inutile. Les affaires sont gérées au sein du triangle: pouvoir politique, forces économiques et organisations sectorielles et corporatistes de l’agriculture. Les syndicats agricoles à vocation générale, avec leur projet politique global ne sont pas structurellement impliquées dans les processus qui mènent aux décisions. En ce sens, le modèle français, même s’il n’est pas le top de la démocratie, est un modèle plus abouti.
En Hegoalde, les choses ont été officiellement organisées ainsi, certainement avec un objectif d’efficacité, mais le résultat n’est pas bon. Une organisation de l’agriculture n’est pas qu’une construction technique et économique. Lorsqu’il n’y a pas de débats et de confrontation d’idées, le chemin mène, fatalement, à l’impasse un jour ou l’autre…
Etxalde veut utiliser de nouveaux leviers pour promouvoir une autre agriculture, recréer une espérance et répondre à une demande, semble-t-il nouvelle et croissante, de jeunes, issus ou non du milieu agricole, qui s’intéressent à l’agriculture, mais pas à celle qui aujourd’hui est dominante en He-goalde. Ils recherchent une agriculture souvent biologique ou proche, orientée vers la consommation locale, s’inscrivant totalement dans ce concept de souveraineté alimentaire. Une agriculture qui ait un sens et qui donne le sentiment de faire un boulot d’utilité publique!
Souveraineté alimentaire
Le cœur du message de Etxalde est donc la souveraineté alimentaire. C’est un droit qui doit être reconnu au niveau international pour garantir à chaque peuple de la planète le droit d’organiser sa sécurité alimentaire, à partir d’une agriculture diversifiée, c’est à dire adaptée à chaque territoire, à chaque terre, à chaque climat. C’est le contraire de l’agriculture industrielle qui est mécanique et uniforme sous toutes les latitudes, produisant les mêmes choses de façon standardisée partout. La souveraineté alimentaire n’est pas qu’une affaire des pays du Sud; elle nous concerne aussi chez nous. Elle passe par la relocalisation de la production sur les bases d’une agriculture paysanne, créatrice de valeur ajoutée et de qualité. Plutôt que de miser sur une agriculture quantitative irrationnelle, Hegoalde a tous les atouts, avec son bassin de population, pour donner corps à la souveraineté alimentaire, c’est à dire à l’agriculture locale pour l’alimentation locale. Pour ces raisons évidentes, et celles liées à la situation critique de l’agriculture et au déficit du débat d’idées, Etxalde est appelé à se développer en Hegoalde; Iparralde devra y participer également, même si chez nous, ELB, la fédération Arrapitz et EHLG sont déjà impliquées, chacun sur son terrain et complémentaires, sur ces questions.
Espérons que Etxalde sera considéré par les différents acteurs syndicaux, politiques et économiques, non pas comme un obstacle ou un élément négatif, mais comme une chance et une opportunité à saisir pour aborder les questions essentielles sur le devenir de l’agriculture, comme un appui, pour ceux qui veulent sortir de la spirale industrielle et aller vers une agriculture plus humaine.