Tout devient pacifiquement possible

GED-Toutpossible
Chaîne humaine de Durango à Pampelune rassemblant des milliers de citoyens de ce pays organisé par Gure Esku Dago en juin 2014.

Deux abertzale d’un village de Goierri, l’un de la mouvance PNV, l’autre de celle de Batasuna, décident de dépasser le non-dialogue insupportable entre les appareils politiques basques en initiant un mouvement citoyen qui deviendra Gure esku dago.

La fin de la lutte armée d’ETA replace désormais notre pays dans le schéma démocratique européen où s’articulent d’autres aspirations de peuples à la souveraineté. Le leader emprisonné de Sortu, Arnaldo Otegi, ne dit pas autre chose.

Ce n’est pas de démocratie représentative que nous manquons puisque nous ne cessons d’être convoqués, de part et d’autre de la Bidassoa, à des élections pour désigner nos gestionnaires dans des assemblées et des cadres institutionnels dessinés par Paris et Madrid.

Hélas, jamais nous ne sommes appelés à définir le cadre répondant à la satisfaction de la nation basque. Ce système se décline à l’identique dans toutes les nations sans Etat de l’Europe.

Nos deux abertzale de Goierri sont fascinés par la démarche référendaire écossaise. Ils organisent des échanges populaires avec les Highlands et, s’inspirant de la mobilisation écossaise, lancent une chaîne humaine de Durango à Pampelune rassemblant des milliers de citoyens de ce pays. L’élan atteint Iparralde et dimanche 21 juin dernier 1.500 personnes sont réunies sur les remparts de Bayonne venant de la mairie en longeant la Nive pour, symboliquement, assembler une multitude de tissus en une énorme bannière fédératrice de variétés d’opinions, de vallées, de quartiers et de générations d’Euskal Herria. Ceci n’est pas un aboutissement mais le lancement d’une démarche citoyenne vers la liberté collective pour laquelle aucun scrutin électoral ne nous est offert.

Pour y participer nul viatique partisan. Le militant de la gauche la plus radicale peut y retrouver le président Ortuzar du PNV. Les Pays Baltes, au crépuscule de l’empire soviétique, ont ébloui le monde de l’image saisissante de ce long ruban humain, main dans la main, traversant leurs territoires en quête de l’indépendance. Cette stratégie citoyenne, depuis quelques années, s’est emparée de la Catalogne. Par tranches successives, cinq cents municipalités ont organisé des référendums locaux pour “une Catalogne indépendante dans l’Europe” qui ont mobilisé neuf cent mille votants. La Diada, Aberri eguna catalan, de l’an dernier sur le même thème a fait voter avec les pieds, dans les rues de Barcelone, un million et demi de Catalans, alors qu’une chaîne humaine transfrontalière nord/sud de 400 km, passant par Perpignan, réunissait des centaines de milliers de citoyens.

Cette recherche d’une possible expression citoyenne pour l’obtention d’une institution propre préside, à notre manière, le combat basque d’Iparralde. Le premier vote historique de nos 158 maires le 30 octobre 2005, relève de cette aspiration. A 63%, par un vote par correspondance à la mairie d’Ustaritz, ils demandaient l’organisation d’un référendum pour la création d’un département Pays Basque. Le Biltzar des communes, dont le président était alors Daniel Poulou, maire d’Urrugne, organisait cette consultation inédite qui fit trembler le landerneau.
Deux sondages organisés par Sud Ouest et La Semaine du Pays Basque confirment l’adéquation de l’opinion publique avec ses élus locaux. Plus tard c’est la plateforme Batera qui redonnera un nouveau souffle à cette quête de consultation citoyenne en organisant la collecte de 35.000 fiches individuelles signées par les électeurs de ce territoire pour demander un référendum au Conseil général des Pyrénées-Atlantiques. Cette somptueuse moisson fut solennellement remise à la sous-préfecture comme pour témoigner devant l’histoire du désir de démocratie participative en Pays Basque.

Aujourd’hui les armes se sont tues. Rien ne peut polluer la nouvelle démarche citoyenne venue du Gipuzkoa, recouvrant l’ensemble de notre pays, Gure esku dago. Même les égoïsmes partisans commencent à s’estomper, permettant à la Navarre de renouer avec le Zazpiak Bat et à Gasteiz de se donner un maire abertzale en rupture avec les comportements du passé.

Tout devient pacifiquement possible.

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