On n’avait encore jamais vu une collectivité territoriale offrir gracieusement à Seaska, qui ne l’a pas sollicité, un terrain d’un hectare pour y construire une unité d’enseignement immersif en euskara.
Le 30 janvier 2014, le conseil municipal de Biarritz, n’ayant aucun foncier disponible, votait à l’unanimité, moins la voix de l’élu communiste, l’achat d’une parcelle en bordure de la nationale proche de l’entrée de l’autoroute, à hauteur de 575.000 €, plus les frais de notaire, destinée à Seaska pour y édifier un lycée professionnel. Tel était le libellé de la délibération.
Grâce à cet engagement de la ville de Biarritz, la direction de Seaska obtient du conseil régional d’Aquitaine, dans le cadre de la loi Astier, une subvention de six millions d’euros, consommable dans les trois ans. Ce consensus biarrot se prolonge par l’inscription du lycée Seaska sur le programme des listes aux élections municipales de mars 2014, telles celles de Michel Veunac, élu maire et de Max Brisson son opposant. Tout est donc bien scellé, hitza hitz. Que s’est-il donc passé pour que Seaska soit aujourd’hui contraint d’abandonner ce projet pour être recasé dans un lotissement industriel de l’Acba au nord de Bayonne ?
Deux mois à peine après l’acquisition de Biarritz, le Conseil municipal de la commune voisine de Bidart estime que la localisation du lycée Seaska compliquerait la circulation de la sortie de la technopole Izarbel et de son extension envisagée à 10-15 ans. Bidart convainc la nouvelle majorité de Biarritz et le conseil communautaire gestionnaire d’Izarbel de réaliser une étude de déplacements. Un an de perdu lorsque l’étude est entreprise le 6 février 2015 et rendue le 27 avril. Ses conclusions sont accablantes pour les commanditaires car elle préconisent la recherche d’autres accès que celui sacrifiant le terrain du lycée réduit à 5.000 m2 utilisables après élargissement des voies de contournement et la réalisation d’un rond-point routier.
Un autre schéma, avec ouverture par le sud d’Izarbel, est alors esquissé mais rejeté par le maire de Bidart. Voulant éviter la manifestation d’une lourde contrariété du monde euskalzale, la concertation entre les maires de l’agglomération débouche sur une alternative dans une zone industrielle au nord de Bayonne.
Cette proposition devra être votée par les conseillers communautaires et mise gracieusement à la disposition de Seaska. La fédération des ikastola, par lettre du 7 juillet 2015 au président de l’Acba, Jean-René Etchegaray, voyant qu’il ne reste plus qu’un an pour utiliser la subvention de la région, accepte, contrainte, la localisation bayonnaise non sans y relever “trois handicaps par rapport au site de Biarritz: 1- il se situe à l’extrémité de la conurbation Bayonne- Hendaye, perdant ainsi sa centralité et, de ce fait, un attrait certain par rapport aux futurs lycéens de la partie sud de la côte. 2- la parcelle proposée est en deuxième ligne, alors que le site de Biarritz avait l’intérêt incontestable d’être une vitrine pour Seaska. 3- la parcelle proposée est 25% plus petite que la parcelle initiale de Biarritz”.
Les militants abertzale de Biarritz, le groupe local d’EH Bai et l’association Biarritz autrement-bestelakoa, qui ont initié et suivi ce projet de lycée en étroite concertation régulière avec la direction de Seaska, convoquent la presse le 19 août pour en dénoncer la dérive. Dénoncer le temps perdu et les tracas subis par Seaska au risque de compromettre la subvention régionale par le délais et le non-respect de la convention stipulant la localisation à Biarritz par “la mise à disposition de la parcelle par la mairie de Biarritz” qui constitue la phase I du financement.
Nul doute qu’une nouvelle délibération soit nécessaire avec le risque d’une autre majorité aux élections de décembre pour une nouvelle super-région. Risque aussi d’un non-alignement des élus de l’Acba sur leurs maires pour un terrain alternatif et gracieux. Dénoncer enfin le détournement d’un vote du conseil municipal de Biarritz dont la destination ne sera plus la localisation d’un lycée mais celle d’un rond-point. Et que dire de son corollaire la destination de 575.000€ des contribuables biarrots? Quel gâchis, d’autant que la deuxième étude de déplacements, avec accès au sud d’Izarbel sur le territoire de Bidart, rendait parfaitement compatible lycée et extension de la technopole.
La mise en minorité du maire Bernard Marie avait débouché en 1992 sur une élection municipale partielle où la liste Borotra et la liste abertzale s’étaient alliées au second tour pour ouvrir, entre autres, une politique de rebasquisation de Biarritz.
Commencée par la construction de la première ikastola municipale, suivie de multiples autres avancées, la dernière mandature Borotra s’est achevée par l’offre à Seaska d’un terrain pour son lycée de 400 élèves dont 150 hébergés.
Mais Biarritz 2015, dans le cas qui nous occupe, donne priorité à Izarbel au détriment d’un lycée immersif euskaldun. Nos valeurs ne sont pas les mêmes.