A l’occasion de la dernière loi de finances, au prix d’un travail de lobby et d’un rabâchage lassant mais qui a peut-être contribué à faire bouger les lignes, la mesure permettant de surtaxer les résidences secondaires dans certaines zones tendues a été adoptée. Un joli pas en avant, même si le boulot est loin d’être fini, ce que je me propose d’aborder ici.
Petits rappels
Il n’a échappé à personne suivant de près l’actualité politique de cette rentrée –en particulier les élu(e)s– qu’un vent de fronde antigouvernementale a soufflé au sein de l’Association des Maires de France, au sujet de la baisse des dotations générales de fonctionnement versées par l’État aux communes.
Fondée sur une véritable et légitime inquiétude face au désengagement de l’État, mais mue aussi un peu par l’effet d’aubaine permettant de taper sur le PS avant les élections régionales, la motion de l’AMF a fait le tour des conseils municipaux depuis la mi-septembre. Chaque maire a fait ses petits calculs pour savoir dans quelle mesure cette baisse de DGF impactait les finances communales locales, et a brossé le sombre tableau des conséquences pour l’avenir. Les plus chanceux – entendez les maires des communes les plus riches – ont pleuré sur leur sort tout en se satisfaisant néanmoins de leur position bien moins dramatique que celle de bien d’autres ; c’est notamment le cas des maires des villes touristiques les plus huppées. Et parmi ces plus chanceux, certains privilégiés ont depuis longtemps identifié la manière avec laquelle ils pourraient en partie compenser ces pertes par de nouveaux gisements, les trouvant dans cette fameuse augmentation de 20% du taux de taxe d’habitation des résidences secondaires. Ceux-là mêmes ont d’ailleurs pas mal de toupet, eux qui juraient leurs grands dieux qu’ils étaient opposés à cette mesure injuste qui “stigmatise toujours les mêmes propriétaires”, mais qui ne se sont pas fait prier pour la voter.
Face à cette situation, il n’est pas inutile de rappeler quel est l’esprit de cette taxe. Pas besoin de revenir sur la situation de l’immobilier et du foncier dans les “zones tendues” et en particulier ici aujourd’hui, cela fait des années qu’on en parle dans Enbata comme ailleurs. Par contre, il n’est pas superflu de rappeler que si cette hausse effrénée des prix est bien liée à un déséquilibre entre l’offre faible et la forte demande en logements, non et trois fois non, ce n’est pas parce qu’on manque de logements au Pays Basque !
Quand on a dans certaines villes côtières à peine moins de logements (appartements et maisons confondus) que d’habitants en valeur absolue, on ne peut parler de manque car, sur le papier, tout le monde pourrait être logé.
Par contre, si l’on retranche à ce nombre de logements plus d’une moitié constituée de biens inoccupés car vacants, résidences secondaires ou locations saisonnières, on ne parle toujours pas de manque mais on peut réellement commencer à parler de privation !
Éviter l’enfumage
Devant cette situation, on peut avoir une position dite “libérale” et considérer que le marché est libre et que les gens font ce qu’ils veulent de leur bien, quitte à ce que cela laisse une énorme partie de la population (80%) en dehors des prix du marché, et donc de la possibilité de loger à l’année. On peut au contraire prôner la collectivisation du foncier et des logements, mais cela paraît pour le moins farfelu en pratique. Et puis on peut se dire qu’une solution intermédiaire est de considérer que les propriétaires de logements inoccupés, en grande partie responsables des déséquilibres sociaux, doivent fiscalement contribuer à corriger ces derniers, l’augmentation de leurs taxes étant consacrée à financer la préemption foncière ou l’équilibre économique fragile des programmes de logements sociaux.
C’est de là que vient cette augmentation de 20% de la taxe d’habitation des résidences secondaires, et pas d’ailleurs. À ce niveau indolore de “matraquage fiscal”, pas la peine d’espérer que ces biens seront remis sur le marché ; nous n’en sommes pas là et loin s’en faut, ce n’est pas le but de la manoeuvre.
Par contre, le but est bel et bien d’aider à la production de logements sociaux, et pas de compenser la baisse de la DGF. Surtout, ne nous laissons pas enfumer quand on nous dit “cette baisse est un scandale, heureusement qu’on peut chez nous la compenser un peu par la surtaxe de 20% !”
Une solution intermédiaire est de considérer
que les propriétaires de logements inoccupés,
en grande partie responsables des déséquilibres sociaux,
doivent fiscalement contribuer à corriger ces derniers,
l’augmentation de leurs taxes étant consacrée à financer
la préemption foncière ou l’équilibre économique fragile
des programmes de logements sociaux.
Reprendre le bâton de pèlerin
Devant cette situation, on se retrouve un peu démuni car il n’est pas prévu par la loi – et, de fait, il n’est pas sûr que ce soit constitutionnel – de pouvoir “flécher” la taxe vers un poste particulier de dépenses publiques. Et pourtant, non seulement il est aujourd’hui nécessaire de continuer à insister pour qu’une véritable contribution fiscale soit réclamée aux résidents secondaires, à un niveau assez élevé pour entraîner une remise sur le marché et une mutation en logements principaux ; mais il est tout aussi important que le produit de quelque surtaxe ou impôt de ce type soit réellement dirigé vers ce pour quoi ils ont été créés, car ce ne sont pas des variables d’ajustement fiscal.
Tout cela nécessite donc d’abord de porter ce discours au sein de nos conseils municipaux, mais ensuite de reprendre le bâton de pèlerin parlementaire pour que l’on obtienne cette importante mesure avant qu’il ne soit trop tard, c’est-à-dire avant que la droite ne revienne au pouvoir. Je ne suis pas innocent au point de penser que c’est possible sous ce gouvernement presque aussi peu latéralisé que mon fils cadet âgé de moins d’un an, mais je crains que ce ne soit la dernière chance avant longtemps.