Les regards perspicaces se sont rendus compte qu’il s’agit de francs et non d’euros. Eh oui! Ces deux communiqués concernent, non les réfugiés du Moyen Orient ou d’Afrique, mais ceux de mai 1940, de cette débâcle dont nous avons déjà parlé 2 à 3 millions de Français fuyaient le nord du pays devant l’avancée des troupes nazies. S’y joignaient des centaines de milliers de Belges, Luxembourgeois et Hollandais. Une partie vint jusqu’ici. Combien? Nous l’ignorons. Voici quelques chiffres pris dans les journaux et qui donnent une idée de la situation.
Eskualduna nous dit qu’il en vint “trumilka”, (en foule), que les villes de la côte sont pleines “mukurru” (à ras-bord). On parle à St-Jean-de- Luz, de “l’arrivée massive et inopinée de nombreux évacués provenant de Belgique et même des Pays Bas, s’ajoutant aux nombreux Espagnols déjà réfugiés parmi nous,… une affluence considérable” : la population locale était de 8.000 habitants. Le retour était bien amorcé quand , “il en restait encore 2.000”. Il en venait par trains, en auto, en charrette, à cheval, à bicyclette et… en tandem pour ce qui est d’un couple monté de Paris à Izturitz. Un Belge raconte qu’il lui a fallu 50 heures de train pour venir à Biarritz ! Sur les 149.000 écoliers de Paris 76.000 avaient quitté la ville, 107.000 sur les 230.000 de la banlieue. A Biarritz qui comptait à l’époque 20.000 habitants, le Centre d’accueil de la Maison Basque s’occupait de 8 à 10.000 Belges et de presque 40.000 Français! Au total 80.000 personnes ont été secourues. Tous les jours 500 repas étaient servis. La municipalité trouvait les logements. Nous lisons pour Biarritz : “Fidèle à ses généreuses traditions, la population de Biarritz a réservé un accueil ému et affectueux aux réfugiés Français et Belges venus lui demander l’hospitalité. Malgré leur nombre élevé, tous ces malheureux ont été restaurés et logés dès leur arrivée et ont reçu les plus réconfortants témoignages de la sollicitude des autorités officielles et des particuliers.” A St-Jean-Pied-de- Port, “toutes les dispositions sont prises pour recevoir nos hôtes.” Sur la Soule, Eskualduna nous dit : “Agertzen direlarik, gogo hounez batzarri houna eginen deregu, zerbeit ikhusirik beitirade”. Les gens répondirent généreusement aux appels d’argent : on trouve de nombreux dons de 100 F et même certains de 500 ou 1.000 : le kilo de gigot de mouton coûtait 28,50 F. Certains profitèrent des circonstances pour réclamer des locations “exhorbitantes”, augmenter le prix des aliments, ou faire des stocks. Deux Biarrots furent jugés pour avoir caché 100.000 oeufs pour les vendre plus cher. D’autres achetaient les bijoux à des “prix dérisoires”. C’est après l’arrivée des Allemands ici, début juin, qu’il leur fut demandé de rejoindre leurs communes d’origine : trains gratuits pour les indigents, essence pour les propriétaires de véhicule: l’essence était une denrée rare. Entre le 15 juillet et le 30 août, sur l’ensemble du sud de la France, 30 trains quotidiens assureront le retour de 1,6 million de personnes dont 390.000 Belges et Luxembourgeois.