Les initiatives de Manuel Valls de ses derniers jours ont suscité un profond émoi en Pays Basque. Arrestations de Mâcon, déclarations contre la Collectivité territoriale Pays Basque, et enfin, livraison d’Aurore Martin aux autorités espagnoles. Une gestion du dossier basque qui est d’abord l’expression d’un profond mépris à l’encontre de la société civile d’Iparralde, dont le soutien au processus de paix est quasi-unanime et qui a été capable d’élaborer ses derniers mois un large consensus autour d’une modalité de reconnaissance institutionnelle du Pays Bas-que Nord. Reconnaissez, respectez le Pays Basque!: un mot d’ordre plus que jamais d’actualité… En second lieu, les initiatives de Manuel Valls constituent une agression frontale à la feuille de route d’Aiete. Des personnalités internationales comme Kofi Anann —ancien secrétaire général de l’ONU—, Jonathan Powell —ancien secrétaire d’Etat de Tony Blair, et artisan des accords de paix en Irlande du Nord— , Gro Harlem Bruntland —ancienne premier ministre de Norvège, à laquelle ont doit l’officialisation du concept de développement durable— et même Pierre Joxe —ancien ministre de l’intérieur français— ont affirmé que la résolution du conflit en Pays Basque passait par la négociation et le dialogue. Mais Manuel Valls a raison malgré eux et par-dessus eux: pour lui, la seule solution c’est la répression policière. Nous sommes engagés dans un processus historique, dans le «double sens» du terme: vis-à-vis du passé, nous cherchons à mettre fin à une séquence de quarante ans de conflit armé, mais aussi vis-à-vis de l’avenir, nous voulons construire un Euskal Herria offrant un cadre du vivre ensemble pacifié basé sur le respect des droits démocratiques dont celui du droit de décider du Pays Basque. A ce titre, que peuvent bien penser des jeunes de 15-20 ans face au mépris et aux provocations brutales du ministre de l’intérieur en plein processus de paix? L’attitude de Manuel Valls est totalement irresponsable! Pitoyables aussi ses réponses dans Sud Ouest de dimanche dernier: «je n’ai pris aucune décision». Comme si la brigade de gendarmerie locale de Mauléon pouvait prendre seule l’initiative de livrer Aurore aux espagnols sans que la hiérarchie du ministère de l’Intérieur n’en soit informée! Et d’où vient donc l’ordre de constituer un convoi leurre pour faire croire que la livraison d’Aurore se réalisait par la vallée d’Aspe (au lieu de Biriatou)? F. Fillon de passage en Pays Basque le week-end dernier confirme (cf Sud Ouest de lundi) qu’il y avait une forme d’accord tacite pour ne pas livrer Aurore aux espagnols (après l’épisode de l’arrestation ratée de juin 2011). Valls a fait sciemment ce que Guéant s’était refusé de faire, et cela en plus, aux lendemains d’Aiete…, mais il n’est même pas capable de l’assumer pleinement: lui n’a pris aucune décision. Comme le souligne un dessin humoristique du Journal du Pays Basque (édition de mardi), Aurore aurait extradée à l’insu de son plein gré… Encore une fois c’est pitoyable! Et maintenant que faire? Comment aller de l’avant? Premier aspect fondamental: plus que jamais il faut que la mobilisation en faveur du processus de paix se renforce. Dans cet objectif, la manifestation de samedi pour les preso représente un rendez-vous qui revêt un caractère majeur et donc incontournable. Pas une personne ne doit manquer à l’appel pour cette manifestation. Il faut qu’Aurore sorte de prison, mais aussi tou(te)s les prisonnier(e)s politiques basques! Nous devons faire bouger l’Etat français de sa position, et l’obliger à s’inscrire positivement dans le processus de paix. Le cas d’Aurore montre que nous de-vons passer à une étape qui va au-delà des accords «tacites». Il nous faut des accords de nature politique qui entérinent à court terme la fin de toute répression policière, le démantèlement des procédures d’exception (dont le MAE) qui entravent l’activité politique, des premières mesures de libération de prisonniers, la possibilité pour les réfugiés de retourner dans leurs foyers. Il nous faut également un changement d’attitude du pouvoir parisien et l’instauration d’une relation avec le Pays Basque basée sur le respect et une disposition à écouter et entendre la volonté de reconnaissance politique et institutionnelle exprimée par la grande majorité de la société civile et des élus d’Iparralde. Le combat sera rude, mais nous n’avons pas d’autre issue que de le gagner.