Donner au Pays Basque une institution qui lui soit propre est une nécessité légitime, conforme à son identité et à sa réalité territoriale. Notre identité demeure plus que jamais le socle qui nous unit, nous rassemble à un moment où nos sociétés semblent tant en manquer. Cette identité a été et demeure un élément de dynamisme et de développement territorial sans équivalent ailleurs. Ces mots sous ma plume ne vont pas étonner les lecteurs avertis d’Enbata qui me lisent depuis un certain temps déjà. Pourtant l’honnêteté intellectuelle aurait dû me conduire à les mettre entre guillemets, car je ne suis pas l’auteure de ces lignes qui sont la profession de foi des opposants(1) au projet d’un EPCI unique en Pays Basque !
Je me suis juste permis de les faire miennes tant ce postulat correspond à des propos maintes fois tenus, mais qui m’ont rendue suspecte aux yeux justement de ceux qui les écrivent aujourd’hui !
En découvrant dans la superbe brochure offerte par un collectif de maires, l’utilisation à tout va du mot “identité”, je n’ai pas manqué d’être des plus surprises.
Jusqu’ici ce vocable était pointé comme la marque la plus prégnante d’une dérive identitaire de grande ampleur. Autrement dit, en fonction de la personne qui les prononce le sens des mots peut se trouver altéré !
Le Pays Basque jouit donc d’une identité, qui est “notre” identité : la progression idéologique est de taille et il convient d’en prendre acte.
Dans les débats autour de la future organisation institutionnelle, nous avons jusqu’ici été habitués à moins bien dans l’expression. On a pu lire que “l’intercommunalité n’a rien à voir avec l’identité”, ou encore que “la question identitaire sur-détermine les autres questions” renvoyant ainsi les pro-EPCI unique à une dimension forcément réductrice qui ne prend pas en compte tous les éléments de la discussion !
En stigmatisant ce qui serait une vision identitaire néfaste par essence, nos contradicteurs se plaçaient au contraire dans une alternative pragmatique, volontairement déliée de tout rapport à l’identité, se préoccupant en premier lieu des réalités incontournables que sont les bassins de vie. Et, à l’appui de ces démonstrations, on a eu droit à tous les débordements “frontaliers” possibles allant jusqu’à la création d’une interco basco-béarnaise !
Or, écrire que “notre identité demeure plus que jamais le socle qui nous unit, nous rassemble” renvoie de facto au périmètre historique du Pays Basque, celui-là même qu’il convenait de proscrire et qui faisait de ses zélateurs les tenants d’une sorte de nationalisme rampant et inavouable !
Je fus même affublée du titre “d’adjointe indépendantiste” alors que, dans mes propos, je n’ai jamais fait plus que de prétendre que “cette identité a été et demeure un élément de dynamisme et de développement territorial sans équivalent ailleurs.”
Il faut donc en conclure que pour parler au territoire d’un projet possible pour son avenir, il convient au préalable “d’emprunter” les mots en résonance avec sa réalité, et il faut, sans doute, ici démontrer que l’affaire n’a rien à voir avec un quelconque refus lié à la reconnaissance institutionnelle du Pays Basque. Il n’est donc plus question de “patriotisme basque” comme nous l’avons entendu à notre encontre mais de “profond attachement à l’identité du territoire”. J’espère que vous suivez toujours !
Cela devient compliqué, tant les affirmations contradictoires se succèdent. Au final, il semble que la stratégie privilégiée soit celle de la confusion. Pour exemple, retenir pour ce projet dit alternatif, le terme de “Communauté Pays Basque” jusqu’ici utilisé par Batera dans ses publications ou sur son célèbre bus démontre de la même façon que le débat éclairé n’est pas pour tout de suite. Communauté d’agglomération, communauté urbaine sont des réalités mais un pôle métropolitain, fut-il assoupli, demeurera un “pôle” et ne pourra jamais se parer du nom de “communauté” !
Mais il est évident que cela ajoute au trouble, n’améliore pas la compréhension du débat et de fait un quotidien local est tombé dans le piège récemment en attribuant, par erreur, à Batera la création du nouveau site dénommé “communauté Pays Basque”…
Faut-il donc pour “vendre” ce nouveau projet s’entourer de si grandes précautions ? Ne se suffit-il pas à lui-même pour convaincre que là réside une ambition et que l’on peut construire un territoire attractif et dynamique en faisant l’impasse sur tout ce qui est lié à l’identité, la culture, la langue, l’histoire ? Il me semblait pourtant qu’avec un “coeur de chauffe” allant d’Hendaye au sud des Landes on avait trouvé la réponse la plus appropriée pour un bel avenir commun !
Ou alors, ce changement radical de discours, cette subite conversion peut nous laisser espérer que l’identité est maintenant reconnue par tous comme le moteur de ce territoire, qu’elle ne peut s’exercer qu’à l’intérieur d’un périmètre défini comme le Pays Basque et que dès lors la forme la plus intégrée pour s’organiser devient une évidence !
(1)Les maires d’Anglet, Biarritz, Bidart, Boucau.