Enfant, j’entendais mon père dire tout le mal qu’il pensait de ces Enbata zikina, lui que touchaient pourtant profondément les chants d’Etxamendi Larralde ou les bertsu de Xalbador. Adolescent, je lisais -déjà- Enbata, et rentrais peu à peu dans le militantisme, dans le sillon d’un copain de collège qui avait ses deux grands frères « déjà » abertzale…
Un pays vivant
Allergique au mot nationalisme, tel que le sens qu’il prend en français résonne à mes oreilles, je suis abertzale, un point c’est tout. Je ne cherche pas à le traduire. Et quand je dois répondre aux sempiternelles accusations de xénophobie, repli sur soi, mouvement réactionnaire, de droite, je ne rentre pas dans des définitions théoriques ou des considérations philosophiques.
Je dis juste à mes contradicteurs du moment qu’ils peuvent faire tous les procès d’intention qu’ils souhaitent, de mon côté je me borne à constater les faits.
Quelques mètres à peine séparent les Landes du Pays Basque nord, il fait le même temps à Tarnos qu’à Bayonne, et quand je me balade en vélo, je ne sais même pas à quel endroit précisément je passe de l’une à l’autre de ces villes. Par contre, quand je suis l’actualité de l’un et l’autre de ces deux territoires, la différence saute aux yeux.
50 ans d’histoire abertzale ont fait du Pays Basque nord, à l’époque profondément à droite et soumis à ses notables tout puissants, un territoire qui bouillonne aujourd’hui d’expériences alternatives, de résistances, de constructions collectives et progressistes. Dans le même temps, des bastions de gauche comme Tarnos ou Boucau, à quelques mètres de là, glissaient dans le même état d’apathie militante que la majorité de l’Hexagone, dont le baromètre le plus évident sont les cheveux blancs des militant-e-s y animant les associations, syndicats et mouvements divers.
Nos objectifs
50 ans après, nous n’avons rien obtenu des grandes revendications posées par les pionniers d’Itxassou. Ni le droit à l’autodétermination affirmé par la fameuse Charte, ni même les revendications les plus minimalistes contenue dans la motion politique adoptée le 15 avril 1963, telles que le département Pays Basque jouissant d’un statut de la langue basque (et encore moins la région autonome rassemblant les sept provinces basques et fédérée aux autres entités européennes…).
Mais l’affirmation d’Itxassou a été le déclencheur d’une dynamique collective qui a largement contribué à ce qu’est aujourd’hui le Pays Basque nord, et à ce en quoi il diffère de la majeure partie de l’Etat français.
Sur un petit territoire d’à peine 300 000 habitants, des milliers et des milliers de femmes, d’hommes, de jeunes et de vieux animent aujourd’hui une multitude de chantiers et de batailles différentes : les Ikastola, les Gau eskolak, les grandes mobilisations pour l’euskara rassemblant des dizaines de milliers de personnes comme Korrika ou Herri Urrats, les associations travaillant pour une agriculture paysanne et durable ou bien EHLG, la chambre d’agriculture alternative, les centaines et milliers de bénévoles du Festival EHZ ou de Lurrama, Herrikoa et ses plus de 4000 actionnaires, le travail collectif qui se mène au sein du Conseil de développement et du Conseil des élus du Pays Basque, les mobilisations de Batera, les radios et la presse basque, les centaines d’associations culturelles, groupes de danse, troupes de théâtre ou chorales de chants basques, les syndicats, mouvements sociaux ou écologistes, la monnaie locale Eusko qui en quelques semaines à peine est devenue la plus importante de l’hexagone.
Nous sommes plus nombreux que nous le croyons
Bref, aucune des principales revendications des pionniers d’Itxassou n’a été satisfaite mais la route qui a été prise pour les obtenir a quand à elle construit un Pays Basque prenant peu à peu en mains les clefs de sa destinée.
50 ans après, qu’est-ce qui nous fait abertzale ? L’objectif que nous cherchons à atteindre ou le chemin que nous empruntons ? Dans ce cas là, nous sommes sans doute beaucoup plus d’abertzale que nous croyons.
50 ans après, qu’est-ce qui nous fait abertzale ?
L’objectif que nous cherchons à atteindre ou le chemin que nous empruntons ?
Dans ce cas-là, nous sommes sans doute beaucoup plus d’abertzale que nous croyons.