Par Gael Roblin
Liam Ó Ruairc, écrivain républicain et socialiste Irlandais, vient de publier grâce à l’aide du collectif Breton Stourmomp un ouvrage intitulé Paix ou Pacification ? L’Irlande du Nord après la défaite de l’IRA.
Cent ans après l’insurrection de Pâques 1916, la lutte de libération nationale Irlandaise n’en finit pas de résonner dans notre actualité. Mais la contribution des révolutionnaires Irlandais de 1916 à nos jours ne se limite pas à la seule Irlande. Comme le rappelle Liam Ó Ruairc, cette lutte de libération nationale aura un impact important au cours du siècle chez tous les peuples sous domination britannique, et même au-delà.
Célébrer cette insurrection sans rappeler que l’Irlande reste aujourd’hui divisée n’a pas grand sens.
Une fois ce constat fait, on doit chercher les explications à cette division qui perdure.
Au-delà du titre Paix ou pacification ?
L’Irlande du Nord après la défaite de l’IRA, c’est bien sûr ce qui semble être à l’auteur les reculades idéologiques d’une partie du camp républicain qui intéressera le lecteur abertzale en quête d’explications. L’auteur ne cache pas que son point de vue est minoritaire, y compris dans le camp républicain mais il signe un ouvrage exigeant sur le plan idéologique, à mi-chemin entre le pamphlet politique et un travail universitaire dont il explique le titre de la façon suivante : “Depuis des années, les pouvoirs dominants et leurs médias vantent les mérites du “processus de paix ” nord irlandais. La présente étude cherche à montrer que ce processus n’arrive pas à lier paix et justice , et que pour cela il est plus exact de parler de “ processus de pacification ”.
Tout en évitant le “Sinn Fein bashing” il ne ménage pas la direction politique du parti de Gerry Adams et de Martin Mc Guiness dont il liste les renoncements idéologiques, ni l’IRA provisoire.
A propos des accords de paix, il affirme que “si on traduisait la chose en langage syndical, on devrait dire que la direction républicaine a réussi à obtenir une semaine de six jours et une baisse des salaires” mais il faut souligner que cet ouvrage critique non la ‘paix’ mais le ‘processus’.
Loin des clichés romantiques, une des forces de l’ouvrage de Liam Ó Ruairc est d’éviter de présenter le retour à la violence armée comme une alternative crédible.
Lors d’une interview réalisée par des militants du NPA de Bretagne, il affirmait à propos des groupes armés républicains toujours actifs, et dont une centaine de militants sont toujours emprisonnés : “Ces organisations mènent des actions armées mais n’ont même pas commencé à se lancer dans la bataille des idées. La bataille la plus importante à mener aujourd’hui est la bataille des idées. L’impératif est de forger une direction intellectuelle et morale (pour emprunter un concept gramscien) et non des actions armées qui ont des effets politiques très réduits”. Il rappelle aussi que “le droit à l’autodétermination possède un caractère révolutionnaire, autant par ses origines que parce qu’il révolutionne les rapports entre les peuples et les États” et qu’il est un “fondement d’une paix juste et durable” mais que ce concept est le grand absent comme celui de la justice dans le processus en cours depuis 1998.
A l’heure ou beaucoup réfléchissent sur le processus unilatéral en cours au Pays Basque l’ouvrage de Liam Ó Ruairc, face aux discours dominants réduisant ce qu’on appelle la “ question irlandaise ” à un problème insulaire et à des haines ancestrales, replace ce conflit dans le contexte du colonialisme, de l’impérialisme et des luttes de libération.
C’est un ouvrage qui souhaite ramener le lecteur vers des fondamentaux pour aborder avec la rigueur du marxisme la lutte de libération nationale Irlandaise dans son étape actuelle, ce qui est pour le moins ambitieux dans la période de dépolitisation que nous connaissons. C’est néanmoins un exercice stimulant sur le plan intellectuel pour poursuivre la bataille des idées en Irlande, en Euskal Herria ou ailleurs en faveur du droit des peuples à disposer d’eux-mêmes et à construire un futur basé sur la justice sociale et sur la souveraineté réelle.
Liam Ó Ruairc
Philosophe de formation et formé en études politiques irlandaises à la Queens University of Belfast, Liam Ó Ruairc habite Belfast. Il a fait partie du comité éditorial des revues républicaines oppositionelles The Blanket et Fourthwrite et milité à l’IRSP. Il a publié des articles entre autres dans History Ireland, Radical Philosophy et Fortnight Magazine. Il est l’auteur de Portraits From a 50s Archive, co-écrit avec l’historienne Marianne Elliott et le politologue Kevin Bean. Récemment, il a rédigé des entrées relatives à l’Irlande pour The Palgrave Encyclopedia of Imperialism and Anti-Imperialism, Saer Maty Ba & Immanuel Ness (eds) en 2015 publié par Palgrave Macmillan. Son Histoire de l’IRA Provisional a été publiée par Libération Irlande en 2011. L’ouvrage est disponible pour 14€ à la librairie Elkar à Bayonne et sur commande auprès du collectif Stourmomp via son blog : https://stourmomp.wordpress.com