LGV : La faillite comme modèle de financement ?

« François Hollande, avant de quitter la présidence de la République, inaugure « en petites pompes » la LGV Tours-Bordeaux. Une infrastructure dont les bénéfices ont été privatisés au profit de Vinci et dont les pertes d’exploitation de 150 à 200 millions d’euros par an annoncées par SNCF Mobilités seront assumées par le public c’est-à-dire par nos impôts. »

 

Pierre Recarte, vice-président du CADE

« Il faudra surveiller attentivement le trafic côté Méditerranée car cela préfigurera ce qui se passera ici » C’est ce conseil que la DREAL Aquitaine répétait à l’envi lors des réunions de l’Observatoire des trafics. Il est vrai que la mise en service de la LGV Perpignan-Figueras-Barcelone était sensée générer un déferlement du trafic ferroviaire fret et voyageurs à la frontière franco-espagnole. Depuis cette prédiction l’Observatoire des trafics ne se réunit plus. Il a été mis en sommeil en attendant des jours meilleurs. Le CADE dénonce les tractations sur le financement de la LGV Bordeaux-Toulouse et Bordeaux-Dax.

Histoire d’un fiasco

En 2003, TP Ferro, entreprise détenue à parts égales par les groupes de BTP espagnol ACS et français Eiffage, décroche une concession de 50 ans pour la construction et l’exploitation de la ligne à grande vitesse entre Perpignan et Figueras (44 km). C’est le maillon transfrontalier d’une LGV bien plus longue : Paris-Barcelone.

Pour mener à bien le projet, qui comporte le percement du tunnel du Perthus (8,3 km sous les Pyrénées), TP Ferro mobilise 410 millions d’euros d’emprunts, 110 millions de fonds propres et 590 millions de subventions.

En février 2009, après cinq ans de travaux, le chantier est livré en temps et en heure. Il a coûté 1,2 milliard d’euros et ne débouche… sur rien car la LGV entre Figueras et Barcelone, n’existe pas encore.

Un retard de 3 ans dans la mise en fonctionnement affecte le calendrier d’amortissement des dettes et oblige les pouvoirs publics français et espagnol à accorder à la société 132 millions d’euros d’aides et un allongement de la concession.

Faillite pour insuffisance de trafic

En mars 2015, la société se déclare en pré-cessation de paiement afin de renégocier plus de 400 millions d’euros de dettes avec ses créanciers.  En vain. En juillet de la même année, elle fait « une demande volontaire de mise sous administration judiciaire » devant le tribunal de commerce de Gérone, ce qui revient à déposer le bilan. Elle n’a pu obtenir des gouvernements espagnol et français une rallonge de 34 millions d’euros. La société est liquidée en septembre 2016. La dette s’élève à  557,2 millions d’euros, elle sera contractuellement reprise par les concédants, c’est-à-dire les Etats français et espagnol. Une nouvelle société formée de SNCF Réseau et de son homologue espagnol ADIF est chargée désormais d’exploiter cette ligne déficitaire.

Les retards de la mise en service de Figueras-Barcelone n’expliquent pas tout, c’est l’insuffisance de trafic qui est pointée du doigt. En effet, circulent sur la ligne 34 convois de marchandises et 70 trains de voyageurs par semaine, soit 7% du trafic fret prévu et 15% du trafic voyageurs attendu. Une pierre dans le jardin de SNCF Réseau, coupable une fois de plus, de prévisions de trafic trop optimistes !

Ce constat prend un certain relief à l’heure où François Hollande, avant de quitter la présidence de la République, inaugure « en petites pompes » la LGV Tours-Bordeaux. Une infrastructure dont les bénéfices ont été privatisés au profit de Vinci et dont les pertes d’exploitation de 150 à 200 millions d’euros par an  annoncées par SNCF Mobilités seront assumées par le public c’est-à-dire par nos impôts. Une perspective qui augure d’un sombre avenir pour le projet de LGV du grand sud-ouest que l’on veut nous imposer.

La faillite, un modèle de financement ?

Depuis la signature de la Déclaration d’Utilité Publique (DUP) de la LGV Bordeaux-Toulouse-Dax, on s’affaire dans les soupentes de l’Elysée et les arrières boutiques de Bercy et du ministère des transports. Des conseillers, des inspecteurs des finances sont à la recherche de « financements innovants » : opérateurs privés, fonds souverains, Caisse des dépôts, fonds européens encore disponibles, recours à l’emprunt à long terme… Une série de propositions devrait être faites avant un arbitrage en mai ou plus tard.

La question qui taraude ces  conseillers en tous genres : comment contourner la « règle d’or » qui interdit à SNCF Réseau d’autofinancer des investissements au-delà d’un ratio dette/marge opérationnelle de 18% ? Or, ce ratio est déjà atteint et largement dépassé.

Des bruits de couloir laissent entendre que TP Ferro pourrait servir de modèle. On s’orienterait vers la création de sociétés de projet de droit privé, associant SNCF Réseau, mais sans l’engager financièrement. La Caisse des dépôts et des groupes bancaires proches du  BTP seraient chargés de financer les lignes nouvelles.

Après quelques années d’exploitation déficitaire, la société serait mise en faillite et ses biens intégrés au sein de SNCF Réseau. Resterait à SNCF Mobilités à assumer le déficit d’exploitation des lignes construites ! Peu importe que le système ferroviaire français traîne une dette colossale de plus de 50 milliards d’euros. On en est plus à cela près pour satisfaire l’égo surdimensionné de certains élus.

Voilà jusqu’où irait le cynisme de l’Etat dans ce scénario probable où la faillite deviendrait le mode de financement de projets non rentables.

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