Le compte à rebours démarre

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Sur les murs de Barcelone, les indépendantistes catalans font appel au Caudillo.

Le président de la Catalogne l’a décidé, un deuxième référendum d’autodétermination aura lieu le 1er octobre. Entre préparatifs discrets et secrets, entre condamnations, menaces et intimidations, le bras de fer se durcit. Il prend la forme d’un gigantesque jeu du chat et de la souris entre Barcelone et Madrid.

Voulez-vous que la Catalogne soit un État indépendant sous la forme d’une république ? Telle sera la question posée aux électeurs dans les trois langues officielles de la Catalogne, à savoir le catalan, l’espagnol et l’aranais (variante de l’occitan dans le Val d’Aran). Mais le référendum pourra-t-il avoir lieu et dans quelles conditions ? Le président Carles Puigdemont affiche une belle assurance. Si le oui l’emporte, la Catalogne mettra en oeuvre une loi de transition vers l’indépendance pleine et entière. Cette rupture unilatérale prend la forme d’un projet de loi en 71 articles qui mettra en oeuvre un processus participatif incluant les partis politiques et la société civile, puis l’élection d’une assemblée constituante chargée d’élaborer la Constitution du nouvel Etat et enfin la ratification de la loi fondamentale via un référendum. Le projet de loi prévoit la prise en charge des fonctionnaires de l’Etat catalan, l’amnistie des personnalités condamnées par l’Espagne pour “sécessionnisme”, la délivrance des nouveaux passeports pour tous ceux qui résident dans le pays depuis plus d’un an, l’obligation pour tous les magistrats et les policiers d’apprendre le catalan, etc.

La formule de la guerre éclair

Avant d’en arriver là, le gouvernement catalan doit organiser sérieusement le scrutin. Il l’a déjà fait le 9 novembre 2014 et cela a coûté deux ans d’inéligibilité et de lourdes amendes à son ancien président Artur Mas comme à deux de ses ministres. Cette fois-ci, Carles Puigdemont fait tout pour passer entre les gouttes face à l’arsenal judiciaire mis en place pour empêcher ce référendum. Le tribunal constitutionnel a déjà fait annuler le 5 juillet l’adoption par le parlement catalan d’un chapitre du budget qui prévoyait de dépenser 6,2 millions d’euros pour le financement du scrutin du 1er octobre. Le président catalan a donc fait adopter une loi qui permet une procédure accélérée pour organiser en quelques jours la consultation et ainsi prendre de vitesse les hautes juridictions espagnoles. Tout devait se jouer en une quinzaine de jours, peu après la Diada (aberri eguna catalan) le 11 septembre, avec l’adoption d’une loi référendaire organisant le référendum (conseils électoraux, cessions de locaux, garanties apportées aux participants, missions d’observateurs internationaux, etc.). Cette formule de guerre éclair n’empêchera pas le tribunal constitutionnel de statuer, mais limitera l’effet de sa décision. Les fonctionnaires qui participeront à l’organisation du scrutin sont considérés comme “volontaires”. Seul un appel d’offre a été lancé aujourd’hui en vue de l’impression des bulletins de vote, l’achat des enveloppes et des urnes, l’édition des instructions pour l’organisation des bureaux de vote, le tout pour un total de 897.000 euros. Mais rien n’est décidé pour l’instant. Jordi Turull, porte parole du gouvernement, indique que cet achat se fera dans la plus grande discrétion, tant est violent “le siège de l’Etat, sur terre, sur mer et dans les airs”.

La guardia civil enquête

A l’initiative d’un juge d’instruction, la garde civile mobilise fin juin ses enquêteurs qui interrogent les fonctionnaires du Govern, gouvernement catalan, pour recueillir le plus d’informations possibles sur le futur référendum et nourrir un dossier à charge. La Benemerita a ouvert une enquête pour désobéissance et détournement de fonds publics suite à une annonce institutionnelle demandant aux Catalans qui résident à l’étranger de s’inscrire sur les listes électorales. Le 3 juillet, le secrétaire d’Etat à l’administration territoriale a adressé un courrier aux secrétaires de mairies et aux contrôleurs financiers des 947 communes de Catalogne afin de leur rappeler leurs devoirs : “L’obligation de respecter la légalité constitutionnelle et statutaire, (…) préserver la destination adéquate des fonds publics” alors que “la Generalitat veut se décharger sur les mairies d’une grande part de la responsabilité de l’organisation de ce référendum”. Les Mossos d’Esquadra ou police autonome catalane sont eux aussi sommés d’obéir aux ordres de Madrid et non pas à ceux du gouvernement autonome. Obéiront-ils à un gouvernement espagnol leur intimant l’ordre de saisir les urnes ? La guardia civil devra-t-elle s’en charger ? 200.000 fonctionnaires et employés publics sont pris en tenaille entre deux légitimités, avec à la clef, insécurité juridique, chantage à l’emploi et menaces de condamnations pénales. Des voix s’élèvent en Espagne pour utiliser l’article 155 de la Constitution qui permet à Madrid de prendre le contrôle d’une partie des fonctions exercées par un gouvernement régional rebelle. Mais il faut pour cela obtenir un vote du sénat. La loi de sécurité nationale votée en 2015 offre au gouvernement des possibilités similaires par simple décret.

Frapper au porte-monnaie

Le 21 juillet, le gouvernement espagnol a décidé de frapper au porte-monnaie. Le conseil des ministres annonce que les commissaires aux comptes, contrôleurs financiers et autres directeurs du budget et de la politique financière du gouvernement catalan devront chaque semaine certifier par écrit qu’aucune dépense liée au référendum illégal n’a été engagée. Dans le cas contraire, Madrid suspendra les transferts de fonds à la région qui transitent par le FLA (Fonds de liquidité autonome) correspondant à 3,6 milliards d’euros cette année. Une mesure d’autant plus lourde que la Catalogne est exclue des marchés financiers pour lever des fonds. Dès le 24 juillet, le ministère du budget a mis la pression sur la Generalitat pour qu’elle justifie d’une dépense “suspecte” de 6.150 euros. La veille, Carlos Puigdemont s’est étonné d’une telle rigueur budgétaire dans le pays le plus corrompu d’Europe où s’enchaînent les affaires au plus haut sommet de l’Etat, à un rythme accéléré. Il réclame de Madrid le règlement des intérêts correspondant au retard de paiement des 3,6 milliards d’euros dus à la Catalogne et le versement d’une partie des 60 milliards dépensés par le gouvernement central pour sauver ses banques et des 5,5 milliards d’euros gaspillés pour la construction d’autoroutes à péages autour de Madrid et qui ont fait l’objet d’un scandale financier. Pour faire bonne mesure, il ajoute les 1,350 milliards d’indemnités versés pour les plateformes de stockage de gaz défectueuses qui ont suscité plus de 500 séismes à Castellón… La cour des comptes espagnole en a remis une couche le 24 juillet. Elle somme l’ex-président de la Generalitat Artur Mas, l’ex-viceprésidente Joana Ortega, l’ex-porte parole du gouvernement catalan Francesc Homs et l’ex-ministre de l’enseignement Irene Rigau, de payer avant le 1er octobre 5,1 millions d’euros, soit les frais correspondant à l’organisation du référendum d’autodétermination du 9 novembre 2014. Non seulement, les quatre leaders politiques ont été déclarés inéligibles par la justice espagnole, mais les voici ruinés.

Le gouvernement espagnol
a décidé de frapper au porte-monnaie.
Le conseil des ministres annonce
que les commissaires aux comptes,
contrôleurs financiers et autres directeurs
du budget et de la politique financière
du gouvernement catalan
devront chaque semaine certifier par écrit
qu’aucune dépense liée au référendum illégal
n’a été engagée.

Remaniement ministériel

Des pressions aussi énormes ne sont pas sans effet. Carles Puigdemont a été obligé de remplacer quatre membres de son équipe gouvernementale et plusieurs hauts fonctionnaires timorés ou émettant des réserves face à la tempête annoncée. Jordi Baiget, ministre régional aux entreprises, craignait d’être ruiné face aux accusations de malversation de fonds publics pour financer le scrutin dont il était l’objet de la part de l’Espagne. Le chef du gouvernement catalan a nommé le 15 juillet une nouvelle porte-parole du gouvernement, ainsi que deux nouveaux ministres, à l’Education et à l’Intérieur. Le secrétaire général du gouvernement et le patron de la police autonome sont également remplacés par des personnalités prêtes à se jeter dans la fosse aux lions. Oriol Junqueras, vice-président du gouvernement, est chargé de la mise en oeuvre du référendum, mais a demandé que la responsabilité collective du gouvernement soit clairement engagée sur ce dossier. Le gouvernement espagnol indique qu’il fera tout pour le déclarer inéligible dès la signature du premier texte de loi portant sur la consultation du 1er octobre. Le 19 juillet, le procureur général de l’Etat annonce qu’il poursuivra pénalement pour détournement de fonds publics ceux qui achèteront secrètement des urnes. Le bras de fer prend des proportions inouïes. La presse espagnole a beau jeu d’annoncer des sondages défavorables aux thèses indépendantistes ou de parler de “fuite en avant” et de “catalibans” radicaux pour présenter une classe politique qui fait preuve en réalité d’un courage exceptionnel. Elle est dans l’oeil du cyclone dans une opération à hauts risques. De la Jonquera à Tortosa, l’été et l’automne 2017 seront chauds, très chauds. La violence de l’affrontement politique, tel un télescopage de deux locomotives lancées à toute vapeur, laissera des traces indélébiles dans l’histoire des deux nations.

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2 réflexions sur « Le compte à rebours démarre »

  1. Existe-t-il un peuple catalan ? Si la réponse est Non, alors que l’on envoie l’armée réduire la sédition. Si la réponse est Oui, alors il a le droit à disposer de lui même en décidant librement de son destin. Pour l’heure, avec ou sans référendum, que cela plaise à Barcelone ou déplaise à Madrid, Catalunya no es Espana.

  2. Les catalans comme les basques forment bien un peuple, par la langue, l’histoire les coutumes. Tant que la langue catalane est parlee et / ou cultivee, cette nation existe et montre sa volonte d’exister et de durer. Cette conscience nationale derange beaucoup les partis espanolistes qui soient nient l’existence de nations minoritaires sur la peninsule iberique, soit veulent maintenir des autonomies locales internes en reduisant l’usage des langues locales ou en les limitant en legiferant « que ceux qui veulent l’apprendront ». Le gouvernement espagnol veut bien ne pas donner d’importance a la volonte d emancipation de la Catalogne, en disant que cela n’interesse qu’une minorite de citoyens mais montrent un evident derangement devant ce « processus illegal » . Le gouvernement espagnol doit considerer que dans le dernier siecle d’Histoire, tous les peuples qui ont emande leur independence, soit par la lutte armee soit par la confrontation politique et democratique ont finalement gagne. La legitimite de la Catalogne est plus forte que la legalite espagnole.

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