L’Edito du mensuel Enbata – Ému, fasciné une heure durant, vendredi 27 octobre, devant ma télévision retransmettant en direct le vote historique du parlement autonome catalan créant la république de Catalogne. A l’appel de son nom, chaque député venait déposer dans une urne, à bulletin secret, sa contribution, ou son opposition(1), à un acte qui rend désormais irréversible l’émancipation du peuple catalan. Quel que soit le déroulé des relations avec l’Etat espagnol ou les humeurs du concert des nations.
Cette déclaration d’indépendance, par les représentants élus du peuple catalan, découle bien sûr du référendum du 1er octobre, positif à 90% pour 43% de participation.
La violence policière espagnole sur les électeurs, la saisie de millions de bulletins de vote et d’urnes, contrariant une participation électorale plus large, n’a fait qu’ajouter une note dramatique à la reconnaissance démocratique de cette nation.
Cette gestuelle espagnole sous le regard des caméras d’une multitude de télévisions, a pris le monde entier à témoin.
Mais elle s’est aussi inscrite dans la longue marche de plusieurs siècles de la Catalogne vers sa liberté, des proclamations de la République en 1641 et en 1934, à la Diada, célébrée chaque année le 11 septembre depuis 1716, en protestation de la conquête militaire de Barcelone.
Ainsi, nous sommes parvenus à une confrontation Catalogne/Espagne chimiquement pure. Les indépendantistes catalans ont été au bout de leur logique, inimaginable il y a seulement quelques semaines.
D’abord par leur détermination sans faille, malgré les menaces policières et les condamnations judiciaires.
Par leur capacité à l’union d’un spectre politique et social peu homogène sur lequel Madrid et les observateurs de tous poils escomptaient voir voler en éclat.
Enfin, par leur sens aigu de l’art politique, conservant l’initiative à chaque étape et jouant d’un discours flou qui fait gagner du temps pour contraindre Madrid au mauvais rôle de l’interdit, du déni sans alternative institutionnelle afin de tenir en haleine l’opinion et les médias internationaux.
En face Mario Rajoy n’a pu opposer que la légalité du Royaume d’Espagne et l’Etat de droit en se réfugiant derrière la constitution de 1978, en oubliant le contexte politique de la sortie du franquisme et la réconciliation des tenants de la dictature et des démocrates de l’intérieur et de l’exil.
En oubliant que pour banaliser la restauration des autonomies historiques de la Catalogne et du Pays Basque, qui furent rétablies par des référendums spécifiques, l’Espagne érige toutes ses provinces en communautés autonomes sans même les consulter. En oubliant, enfin, le rejet par le tribunal constitutionnel en 2006 d’un nouveau statut d’autonomie, pourtant approuvé par référendum en Catalogne et voté par le congrès des députés espagnols, parce que son préambule déclare la Catalogne comme nation. C’est dire l’incapacité des Espagnols à respecter la dignité catalane.
Quel est donc ce droit espagnol prétendant nier celui d’un peuple à disposer de lui-même, garanti par la Charte des Nations Unies? dit opportunément, dans Le Monde, le philosophe et professeur de sciences politiques à la Sorbonne, Yves Roucaute.
L’Espagne a donc décidé, par un vote au Sénat au même moment que la proclamation de l’indépendance de la Catalogne, la mise sous tutelle par l’article 155 de la Constitution.
Mise à part la télévision publique, qui aurait vraiment ressemblé aux diktats turcs d’Erdogan, toutes les institutions gestionnaires de l’autonomie seront directement entre les mains du gouvernement de Rajoy qui, par ailleurs, convoque des élections au parlement catalan le 21 décembre.
Si la culture pacifique des catalans à jusqu’ici prévalu, nul ne peut prédire ce qu’il va advenir.
L’on sait que c’est le refus des Mossos d’Esquadra, les policiers catalans, d’obéir aux ordres de la justice espagnole pour saisir les urnes et empêcher le référendum du 1er octobre qui a conduit la Guardia civil à déployer ses matraques.
Que feront demain ces mêmes policiers s’ils refusent d’être le bras supplétif de Madrid pour arrêter les élus catalans révoqués ou inculpés par l’Espagne pour sédition?
De même pour déloger de leurs bureaux les fonctionnaires locaux et installer ceux de Madrid?
Par ailleurs, la jeune république catalane pourra-telle simultanément mettre en oeuvre ses nouveaux pouvoirs et notamment convoquer le corps électoral pour une constituante? On sait qu’en France le bouleversement de mai 68 s’était évaporé par l’élection générale issue de la dissolution de l’Assemblée nationale par De Gaulle.
La conscience catalane qui vient de s’affirmer spectaculairement peut-elle se dissoudre dans des concurrences électorales ou bousculera-t-elle le schéma espagnoliste de Rajoy ?
La foule immense des “unionistes” rassemblée dimanche 29 octobre à Barcelone criait “Puigdemont en prison”, certes. Mais le pacifisme catalan avait déjà accouché de l’acte irréversible de l’indépendance.
(1) 70 voix pour l’indépendance, 10 voix contre, 2 blancs, 53 n’ont pas participé au vote.
rien de plus democratique que le referendum ! el partido popular est il en train de perdre son pouvoir ? (la corruption qui l’anime semble le prouver ) ! franco est mort mais la franquisme a des racines vivaces !!