Que peut-on retenir de la COP 23 qui s’est tenue à Bonn ces derniers jours mais sous présidence des îles Fidji ? C’est la première fois qu’une COP se tient sous la présidence d’un territoire directement affecté par les conséquences des bouleversements climatiques. Cela aurait pu, aurait dû inciter à des décisions de nature à peser sur l’inexorable processus en marche. Mais les 196 pays signataires de l’Accord de Paris en 2015, de fait aujourd’hui 195 avec la pitoyable décision de Donald Trump, ont donné le spectacle d’une COP inachevée, incapables de prendre les mesures drastiques qui s’imposent aujourd’hui plus qu’hier.
Présents tout de même les Etats-Unis, car formellement ils ne pourront se retirer qu’en 2020, ont eu la bizarre idée de venir pour promouvoir la défense des énergies fossiles. La provocation du plus grand émetteur de GES de la planète indique le degré d’irresponsabilité de ses gouvernants.
Et sur ce dossier comme sur d’autres ce n’est pas rassurant. Un sentiment profond d’une COP pour rien ou presque domine après les très petites avancées de ce sommet.
De petits pas qui semblent juste vouloir cacher l’incapacité des Etats à entendre les alarmes pourtant retentissantes des experts du climat, des 15.000 scientifiques de 184 pays, du monde écologiste, de millions de personnes conscientes des dangers encourus. Avant, il convenait de mettre en doute, le lien de cause à effet entre les activités humaines et la tendance à un réchauffement de la planète. Actuellement et en dépit de phénomènes extraordinaires que chacun et chacune peut constater, le déni perdure. Pire, parfois le discours intègre la réalité mais on remet à plus tard les actions qui pourraient influer sur son implacable évolution. Comme si, de toute façon, on ne pouvait plus rien y faire et qu’il convenait de laisser aller.
Au plus haut niveau des Etats, dont le nôtre, on convient que la situation est gravissime, on laisse entrevoir qu’on va faire et on retarde à chaque fois la mise en oeuvre de décisions qu’il aurait déjà fallu prendre depuis belle lurette. C’est juste ahurissant.
Au plus haut niveau des Etats, dont le nôtre,
on convient que la situation est gravissime,
on laisse entrevoir qu’on va faire
et on retarde à chaque fois la mise en oeuvre
de décisions qu’il aurait déjà fallu prendre depuis belle lurette.
En France actuellement on déstabilise les politiques territoriales mises en place par le gouvernement précédent et notamment par Ségolène Royal qui avait compris que le “faire” serait plus efficace au plan local et qui avait initié des contrats de projets en partie financés par son ministère. Nous assistons à une re-centralisation de l’action et à une remise en question des moyens de l’ADEME (agence de l’environnement et de la maitrise de l’énergie) qui sont tout à fait préoccupantes. Ces derniers jours, le réseau TEPCV (Territoires à énergie positive et pour la croissance verte, 500 au total) s’est particulièrement mobilisé (le Pays Basque en fait partie) après une lettre préfectorale qui laissait entendre que l’accès au financement de projet prévus par convention avec l’Etat pourraient être remis en question. Puis le ministre Lecornu est revenu sur la question, affirmant que les engagements seraient respectés, et mettant en avant les nouveaux contrats pour la transition énergétique dont on peine à comprendre ce qu’ils seront exactement dans le grand flou de la parole ministérielle.
Des Assises (alimentation, mobilité) sont lancées, on discute, on passe du temps, on évoque des solutions connues depuis des années mais on ne consolide pas ce qui déjà était en chantier. Et passe le temps alors qu’il est compté et que le futur rapport du GIEC (groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat) confirmera que la barre des 2 degrés d’élévation de la température moyenne à la fin de ce siècle sera largement dépassée. Ces plus 2 degrés qui sont considérés comme incontournables pour que la situation se stabilise à peu près risquent de se transformer en 3 ou 4, ce qui sera incompatible avec une vie à peu près normale sur la plus grande partie de la planète.
Or ce sont les émissions actuelles qui auront un impact différé, car hormis la vapeur d’eau tous les gaz à effet de serre mettent très longtemps à s’évacuer et cela peut aller jusqu’à une centaine d’années. Plus le temps passe et plus l’obstacle qui est devant nous, sera difficile sinon impossible à franchir et, entre ce jour et la fin du siècle, la situation s’aggravera d’une façon plus ou moins rapide sans que l’on puisse évidemment à ce stade imaginer comment et à quel rythme. Nous sommes dans une forme de folie collective, ultra matérialisée dernièrement par un lamentable “vendredi noir” hautement symbolique d’un monde consumériste qui va à sa perte, qui le sait mais qui décide de pas le savoir. “La maison brûle et nous regardons ailleurs” ? Non, elle est déjà en partie détruite sous nos yeux mais nous persistons à la voir intacte.