M22M, lutte des classes à l’UPPA

Photo de la conférence de presse du M22M lors de sa première campagne.
Photo de la conférence de presse du M22M lors de sa première campagne.

Txomin POVEDA, doctorant en sociologie à l’UPPA

Le Mouvement du 22 Mars (M22M) est le nom que nous avions emprunté en 2016 lors de la constitution de la coalition entre étudiant·e·s basques, occitan·e·s, syndiqué·e·s de Solidaires et bon nombre d’indépendant·e·s en vue des élections étudiantes de l’Université de Pau et des Pays de l’Adour (UPPA). Deux ans plus tard, à la fin de leur premier mandat, des étudiant·e·s M22M se présentent ce mardi 27 mars pour le renouvellement des sièges pour continuer à « travailler avec » les instances universitaires tout en sachant poser des oppositions de principe en rappelant toujours, à qui de droit, la mission de service public de l’UPPA.

10156031_1089664717763452_5044227509917261286_nLe 22 mars est une date anniversaire particulière pour le monde étudiant, notamment cette année, 50 ans après les soulèvements de mai 1968. Plus proche de nous, le Mouvement du 22 Mars (M22M) est également le nom que nous avions emprunté en 2016 lors de la constitution de notre coalition entre étudiant·e·s basques, occitan·e·s, syndiqué·e·s de Solidaires et bon nombre d’indépendant·e·s en vue des élections étudiantes de l’UPPA. Ce jour-là, nous remportions une victoire haut la main après quinze jours de campagne acharnée de porte-à-porte, d’interventions dans les salles de cours, de réunions publiques, de conférences et communiqués de presse, de pose de banderoles, de collage de centaines d’affiches, de distribution de milliers de tracts,… Bref, une véritable campagne menée par plus de cinquante personnes déterminées à porter les huit principes revendiqués par notre charte : Service public de qualité, Université de proximité, Démocratisation du savoir, Démocratie participative, Transparence, Diversité culturelle et linguistique, Implication dans la vie étudiante, et Ouverture internationale et coopération transfrontalière.

Ce sont ces principes qui ont guidé nos positions dans l’ensemble des conseils où nous avons été élu·e·s ce qui a permis de remettre un tant soit peu de contenu programmatique dans ces instances de signature à main levée où domine depuis la fin des années 2000 une orientation macroniste avant l’heure que dissimule finalement assez mal une épaisse couche technocratique. Il y règne une telle opacité que le flou ne peut être attribué qu’à un seul loup mais bien à une meute dont le hurlement se perd dans le dédale assourdissant des couloirs de l’administration, véritables espaces décisionnels. Il faut bien comprendre que la logique « en marche ou crève » de concurrence généralisée de toutes et tous pousse, bon gré mal gré, les fidèles de l’alma mater à choisir la défense de leur propre chapelle plutôt que le rôle peu attrayant de thanatopracteurs d’une institution décadente.

Avancées modestes mais concrètes

Même si les sièges étudiants sont statutairement minoritaires au sein des conseils, nous avons pu faire pénétrer notre discours, aujourd’hui largement repris par les autres forces étudiantes mais aussi par la direction de l’UPPA. De cette façon, nous avons pu obtenir des avancées modestes mais concrètes concernant, entre autres, la place de l’euskara et de l’occitan au sein de l’établissement avec la création d’une commission spécifique associant étudiant·e·s, enseignant·e·s et offices publics qui a permis l’adoption à l’unanimité d’une signalétique trilingue.

Egalité femmes-hommes, défense des conditions d’études, transition écologique, droit des étudiant·e·s étrangers·ères, collusion public-privé, vie associative et syndicale, expérimentations animales, sélection des étudiant·e·s, acquis sociaux des salarié·e·s de l’université,… voilà un panel de thématiques sur lesquelles les militant·e·s du M22M ont porté un discours clair et malheureusement bien souvent solitaire. Car si nous avons su travailler « avec », nous avons aussi su poser des oppositions de principe en rappelant toujours, à qui de droit, la mission de service public de l’UPPA, sa responsabilité à répondre à la demande sociale émanant des territoires ; demande sociale de laquelle provient d’ailleurs – on ne le rappellera jamais assez – le financement des salaires de celles et ceux qui lui adressent bien souvent en retour mépris et condescendance.

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Etudier, travailler et vivre au pays

L’enseignement supérieur et la recherche repose en effet avant tout sur la captation et l’orientation d’une partie du travail des sociétés vers la connaissance d’elle-même et de son environnement au détriment de domaines ô combien nécessaires. C’est donc un choix courageux mais à la fois vital pour toutes les sociétés en reconversion d’une économie industrielle à une économie de la connaissance. L’implantation de pôles universitaires est en effet aussi bénéfique pour l’enrichissement intellectuel que pour le développement économique local. C’est ce que révèle l’étude « Campus Footprint » mesurant l’impact socio-économique et environnemental direct, indirect et induit de sept campus-pilotes (Clermont-Ferrand, Cergy-Pontoise et Saint-Ouen) et dans laquelle sont livrés deux indicateurs frappants : « 10 emplois directs soutiennent 16 emplois au total » et « 1€ dépensé génère 2,2€ de production totale ».

Le Pays Basque Nord est précisément de ces territoires où l’activité industrielle historiquement modeste appelle à une intensification des activités d’enseignement et de recherche s’il souhaite continuer à exister économiquement, culturellement et scientifiquement. Or, aujourd’hui, le compte n’y est pas et loin s’en faut. Pour s’en convaincre, un simple regard sur les rares statistiques existantes suffit. En Pays Basque Nord, toutes filières confondues, près de 3 000 bacheliers·ères sortent des lycées chaque année lorsque l’on y compte seulement 6 000 étudiant·e·s dans l’enseignement supérieur. A titre de comparaison la Nouvelle Aquitaine compte un peu plus de 46 000 bacheliers·ères par an pour 160 000 étudiant·e·s. De surcroit, une étude du Conseil de Développement avait montré en 2003 que le Pays Basque Nord détenait le taux de poursuite d’étude dans le supérieur le plus faible de la région (65%) surtout sur son propre territoire (25%). Depuis, des améliorations ont été constatées avec la création de nouvelles formations, ceci expliquant sans doute cela. Malgré tout, la marge de progression reste colossale lorsque l’on voit que les agglomérations de Poitiers et de Limoges, réunissant toutes deux un nombre d’habitant proche du Pays Basque Nord, comptent ensembles pas moins de 43 000 étudiant·e·s.

Le Pays Basque Nord souffre donc d’un sous-développement en la matière qui est aussi accentué et prolongé qu’il a été dénoncé, ce qui interroge quant à son origine et son maintien. Le décalage inadmissible entre l’excellent taux de réussite au baccalauréat et la faible poursuite d’études au Pays Basque Nord, suffit à comprendre qu’étudier et produire de la connaissance au pays est une condition du « travailler et vivre au pays ».

Égalité de toutes et de tous à l’accès à la connaissance

Plus généralement, ce sous-développement est sources d’inégalités inacceptables puisqu’il accentue les difficultés d’accès à la formation des publics (milieux modestes, éloignés géographiquement, femmes, chômeurs en reconversion) en faisant reposer sur les étudiant·e·s et leurs familles la carence d’offre de formation supérieures qui doivent alors « éponger » le désengagement des institutions pour ce territoire. Lutter pour un développement de l’accès à l’enseignement supérieur en Pays Basque Nord, c’est lutter pour une égalité territoriale, sociale et de genre. C’est revendiquer l’égalité de toutes et de tous à l’accès à la connaissance, ici comme ailleurs.

Toutefois, de plus en plus d’acteurs institutionnels semblent enfin récemment s’aligner en faveur de ce développement. C’est le cas des présidents de la CAPB et de l’UPPA, dont les mandats prennent fin dans deux ans. Deux ans, c’est également la durée des mandats des étudiant·e·s qui se présentent ce mardi 27 mars pour le renouvellement des sièges que nous avions occupés. Cette séquence pourrait aboutir à une nouvelle impulsion dans le développement de l’enseignement supérieur et de la recherche en Pays Basque Nord. Cependant, l’observation des coulisses des conseils universitaires nous a montré que les réticences, parfois oppositions, bordent cette voie et que la balle pourrait rebondir et faire échouer ce développement.

Tout ceci appelle la société civile à une vigilance accrue et une appropriation du sujet car elle ne peut rester en dehors des décisions prises en son nom concernant un bien public qui lui appartient et conditionne son avenir pour relever les défis sociaux et environnementaux que nous tend ce début de XXIème siècle.

 

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Une réflexion sur « M22M, lutte des classes à l’UPPA »

  1. La défense des langues minorisées se fait elle par le biais d’une communication uniquement francophone? Je ne le pense pas..

Les commentaires sont fermés.