Deux faits d’actualité récents, l’évacuation de la ZAD de Bure et l’abandon du projet Sud Mines au Pays Basque Nord ont mis en lumière des défis majeurs liés à des questions environnementales. Dans le premier cas, c’est la question des déchets radioactifs qui est posée. Dans le deuxième, celles des technologies de la transition énergétique. Voici l’importance vitale d’une bonne justice écologique.
On peut avoir été anti-nucléaire toute sa vie et avoir mené tous les combats de ces dernières décennies, en tant qu’habitant- e-s des pays à forte proportion d’énergie nucléaire, on n’en est pas moins comptable vis à vis des autres pays et des générations futures des déchets produits depuis 50 ans. La bataille pour sortir du nucléaire est déjà engagée et bien avancée dans des pays comme l’Allemagne mais la question des déchets restent à ce jour sans solution satisfaisante. Le combat mené à Bure dénonce une technologie (enfouissement profond) dangereuse sur le long terme et d’ailleurs déjà abandonnée par certains pays. En attendant mieux, la moins pire des solutions est le stockage peu profond d’après les spécialistes non-inféodés au lobby nucléaire. Ni immersion au fond de la mer, ni sur un atoll du Pacifique, ni dans un pays tiers, dominé dans le cadre de la division internationale du travail et qui accepterait en muselant toute opposition de débarrasser un pays riche de ses déchets nucléaires. Si l’on veut, et l’on doit, sortir du nucléaire le plus tôt possible, il faudra donc, en bonne justice écologique, organiser le stockage peu profond dans les pays producteurs de déchets, donc “près de chez nous”… Les choix seront difficiles et il faudra s’y préparer, techniquement et politiquement, personne n’acceptant de bon gré une décharge nucléaire même hyper-sécurisée dans son environnement proche. Paradoxalement le cadre de pensée des “communs” pratique ancienne en plein renouveau, pourrait nous être utile. Ce dernier est basé sur le triptyque : ressource limitée et/ou menacée, communauté d’usagers et gouvernance démocratique (règles collaboratives, adapatives). Dans ce cas la ressource serait remplacée par une nuisance incontournable à gérer collectivement, localement avec la participation des acteurs de la société civile et non comme habituellement pour la filière nucléaire par des décisions imposée d’en haut par la technostructure.
Si l’on veut, et l’on doit,
sortir du nucléaire le plus tôt possible,
il faudra donc, en bonne justice écologique,
organiser le stockage peu profond
dans les pays producteurs de déchets,
donc “près de chez nous”
Défis vertigineux
L’abandon du projet minier au Pays Basque qui avait, avec raison, mobilisé très largement fait apparaître des défis non moins vertigineux dont s’est fait l’écho un ouvrage récent. Pour faire simple : de même que le mode de développement actuel est basé sur les énergies fossiles, la transition énergétique, rendue nécessaire par l’épuisement de ces dernières et indispensable pour freiner le changement climatique, est basée en partie sur les métaux rares. Ces derniers et notamment ceux appelés “terres rares” ont des propriétés très recherchées pour les nouvelles technologies dites “vertes” : éoliennes, véhicules électriques, etc, sans compter les technologies du numérique (smartphone, ordinateurs, tablettes…).
Leur extraction peu à peu abandonnée par les pays occidentaux suite à la prise de conscience écologiste, se concentre aujourd’hui principalement en Chine et se fait dans des conditions environnementales épouvantables, empoisonnant des régions entières. Ainsi les opinions publiques des pays riches ne mesurent absolument pas le coût écologique des nouvelles technologies par la délocalisation de leur production en amont et de leur recyclage en aval.
L’auteur préconise de relancer l’extraction minière dans les pays occidentaux mais de le faire en imposant des conditions environnementales draconiennes, un contrôle citoyen strict, une transparence totale des processus productifs et des études d’impacts. Et l’auteur d’affirmer : “Un tel choix serait profondément écologique, altruiste, courageux et conforme à l’ éthique de responsabilité prônée par de nombreuses associations environnementales”.
La proposition a de quoi faire débat et avant tout alimenter celui sur la sobriété énergétique et le changement profond de nos modes de vie. Ne pas oublier non plus que l’équation de la transition écologique se pose dans un système de production capitaliste où, faute de contraindre profondément sa logique ou de s’en émanciper c’est la rentabilité du capital qui impose ses solutions plus que les aspects écologiques rationnels et “de bons sens”.
Et l’on pense à ce dessin humoristique mettant en scène une assemblée d’actionnaires à laquelle l’orateur explique : “nous allons vers une catastrophe inévitable pour l’humanité… mais la période qui précède présente des opportunités extraordinaires de retour sur investissement.”