Onéléchampions (1)

PanemCircenseKarl Marx, s’il revenait parmi nous, devrait revoir sa maxime. Il y a belle lurette que la religion n’est plus l’opium du peuple. Les dictateurs de tous poils, de Franco à ses collègues d’Amérique du Sud portés au pouvoir par la CIA, ont largement détrôné les romains —pas si fous que çà— et leur fameuse devise à l’endroit du peuple “Du pain et des jeux” (Panem et circenses). Et Sud Ouest pourrions nous rajouter, qui a multiplié ses une sur la coupe du monde.

Aujourd’hui, le sport spectacle —et plus précisément le football— est un surpuissant anesthésiant des foules.

Une société unie et pacifiée est le rêve totalitaire et capitaliste d’un social qui ne soit plus conflictuel ! Sous couvert de “communion collective”, on invite l’humain à s’extasier devant des jeunes footeux millionnaires.

De ce que l’on peut savoir(2), et uniquement sur le match gagné de la finale, les 23 joueurs de l’équipe de France perçoivent 30% des 33 millions d’euros alloués par la fédération internationale de foot.

Soit près de 400 000 euros par tête de pipe. “Notre Didier Deschamps national bayonnais”, (Le Point du 5/7), deuxième sélectionneur parmi les mieux payés après l’Allemand Joachim Löw, s’embourbe 3,4 millions d’euros d’émoluments par an (hors coupe du monde). Soit à minima 300.000 patates par mois ! 300 fois le SMIC !

C’est beau de voir tout un peuple, dont nombre de pauvres, communier avec autant d’allant en payant leur place ou leur redevance TV en ingurgitant de si belles invitations à consommer davantage !

Ils se foot de nous !

Et puis, comment ne pas s’interroger sur l’exploitation politique qui en est faite par tous les tenants au pouvoir. Quels qu’ils soient. “Après le mondial, Macron rêve tout haut : ‘Grâce aux Bleus, je tiens tout le monde en liesse !’”, comme le titre le Canard enchaîné de ce 18 juillet. C’est assez classique. Pour détourner le bon peuple de ce qui le regarde, rien de tel que de taper en touche. Ou de s’inventer un ennemi intérieur ou extérieur. Et ça (en) marche ! La presse écrite et audio visuelle nous en a gavé. Et le temps s’est arrêté sur le territoire français et ailleurs. On peut même s’étonner que le nouveau casse du siècle n’ait pas eu lieu durant la demi ou la finale : toutes les forces de police devaient glandouiller devant leurs écrans !

Pourtant, à y réfléchir de près, pourquoi tout cet engouement ? Même s’il est en Pays basque ou en Corse moindre qu’ailleurs ? N’y a t il que des abertzale, anarchistes, écolos ou autres gauchistes à s’étonner de cet emballement dérisoire, de ces comportements infantiles et puérils ? L’humain a-t-il besoin tant que ça d’expédients, de futile et ce, sans aucune “distance”, aucune auto dérision ? Pourquoi cette propension à idolâtrer, à sombrer dans le sacré ?

Qatarstrophique !

Nous ne sommes pas dupes. Cet événement planétaire sportif est avant tout une grande opération commerciale. Les droits télé représentent une manne financière considérable pour la fédération internationale. Et tous les dérivés qui vont avec. Et ils sont eux aussi considérables. En France, les fabricants de drapeaux et autre supports tricolores sont à l’abri du besoin pendant quelques temps. Les retombées post coupe du monde continuent de faire le bonheur de quelques uns avec le nouveau maillot de l’équipe de France et ses deux étoiles. Les 32 équipes nationales se sont partagées, en Russie, 344 millions d’euros, soit une augmentation de 12% par rapport à 2014. Antoine Griesmann a empoché, selon France Football, à lui tout seul, cette année 26 millions d’euros. Vous avez fait la division par douze ? Et ce n’est pas fini. La FIFA, véritable club de malfaiteurs, est au coeur d’un énorme scandale notamment autour de pots-de-vin pour appuyer la candidature du Qatar. Cela ne l’empêche pas d’encaisser des sommes de plus en plus phénoménales : 4,6 milliards d’euros pour ce mondial soit presque 2 milliards de plus qu’en 2010. Avec plus de 1 milliard de téléspectateurs pour la finale, les chaînes de télés signent des chèques de plus en plus fous : TF1 et Bein auraient aligné plus de 170 millions d’euros(3). L’argent n’a pas de prix !

Cancer du colon !

Cette mascarade commerciale s’appuie essentiellement sur des ressorts tribaux, basiques, reptiliens. On appelle cela le nationalisme. Depuis la fin du service militaire obligatoire, l’école a du mal, a elle seule, à glorifier la patrie comme au bon vieux temps. Nombre d’enseignants y rechignent. A défaut d’engager une guerre, il reste le sport spectacle. C’est bon, çà, coco ! Le peuple pense à autre chose et il s’emballe pour un Etat qui ne veut pas se déclarer en nations plurielles. L’Europe, depuis 1945, voit émerger et officialiser ces nations sans Etats. Les colonies africaines ou asiatiques, mais pas que. La France, depuis les années 70, a débaptisé certaines de ses colonies en “Dom Tom” et d’autres en “protectorat”. On pille toujours leurs ressources, mais de façon plus discrète. Et les joueurs de foot —ou de l’athlétisme— font partie de ces “ressources”. La France se présente comme diverse mais ce n’est, malheureusement, qu’une illusion d’optique. Et dans un cadre très restreint. “La success story des Bleus masque la réalité d’un milieu où l’on compte beaucoup d’appelés et peu d’élus… Pratiquement aucun joueur noir, après leur carrière professionnelle, ne se retrouvent aux postes d’encadrement.” s’étonne Rafik Chekkat(4).

Coupe du monde de fous

Loin d’être la face lumineuse d’une société multiculturelle, nous savons d’expérience que cette équipe de France est l’arbre qui cache l’immense forêt des discriminations… Les autorités, en France, mènent une chasse implacable aux migrants et les populations des anciennes colonies continuent de subir toutes sortes de discriminations”. Comme le “Black-Blanc-Beur” de 1998 qui n’a pas fait long feu avec Le Pen au second tour de 2002, une bonne partie des supporters continueront de voter extrême droite, sans aucun soucis moral. L’idée d’une France métissée a du mal à exister face à la réalité actuelle d’enfants migrants enfermés dans des centres de rétention administrative ou “de demandeurs d’asile soudanais torturés à leur arrivée à Khartoum après avoir été expulsés par les autorités françaises”. Ils n’avaient qu’à être bon au foot !

(1) Autant écrire un titre au niveau de la syntaxe chantée !
(2) Le Canard enchaîné n° 5099 du 18/0718
(3) Source Capital en version numérique du 12/06/18
(4) Médiapart du 15/07/18

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