Bruno Lhoste est directeur d’Inddigo, société de 200 collaborateurs accompagnant depuis 1986 les acteurs publics et privés vers le développement durable, de la stratégie à la mise en œuvre, à toutes les échelles. A l’occasion d’Alternatiba 2018, il a participé à la conférence « Quelles perspectives pour la mobilité demain au Pays Basque ? ». Il a répondu aux questions d’Enbata.Info sur la mise en place de démarches de transition écologique.
Inddigo accompagne les territoires et les organisations dans la transition vers une société soutenable, au travers de solutions innovantes, performantes et accessibles, réconciliant l’économique et le vivant. Quels sont les enjeux de la transition écologique pour les acteurs publics comme les collectivités territoriales ?
Les collectivités territoriales, en particulier les intercommunalités, ont un rôle clé à la charnière entre l’Etat, qui dispose des leviers de la réglementation et la fiscalité, et les acteurs locaux. Elles peuvent agir directement sur leur patrimoine, sur les services publics dont elles ont la responsabilité (mobilité, déchets, eau) et indirectement à travers l’aménagement du territoire qui façonne le mode de vie et la mobilisation des acteurs.
Quels sont les blocages ou freins à la transition qui sont le plus souvent mis en avant par ces acteurs ?
Il faut d’abord au départ une réelle volonté politique.
Ensuite, le périmètre de compétence de la collectivité n’est pas forcement à la bonne échelle pour agir.
Le fonctionnement en silo entre les différents services est également un frein à la mise en œuvre de projets par essence transversaux.
Il faut enfin une vision partagée entre les élus, les services techniques, les citoyens et les acteurs du territoire pour que chacun joue sa partition dans ce qui doit devenir de véritables écosystèmes territoriaux de la transition.
Le financement n’est pas forcement le principal problème, beaucoup de choses pouvant se faire à moyens constants. Il peut devenir un facteur limitant dans la massification des actions, comme pour la rénovation énergétique.
Comment faites-vous pour surmonter ces blocages et faire en sorte que la transition écologique devienne un axe prioritaire dans la tête des élus ?
Les principaux leviers sont les incitations réglementaires et les projets de territoire qui mettent en mouvement les collectivités. L’obligation de réaliser des Plans Climat Air Energie Territoriaux est une bonne occasion de sensibiliser les élus. Les projets de territoires, comme les Territoires à Energie Positive (TEPCV), les Territoires Zéro Déchets Zéro Gaspillage (TZDZG) invitent à la mobilisation. Ils peuvent permettre d’agir à la bonne échelle. Nous accompagnons le TZDZG des Pays de Savoie, regroupant plusieurs collectivités (450 000 habitants autour de Chambéry et d’Annecy) et les entreprises dans une démarche d’économie circulaire. Enfin il est nécessaire de co-construire les projets avec tous les acteurs, en prenant le temps de partager le diagnostic et de construire la vision, avec des moyens d’animation. Nous accompagnons Grenoble Alpes Métropole dans leur très ambitieuse politique de gestion des déchets, avec un très fort objectif de réduction s’appuyant sur une tarification incitative sur toute l’agglomération. Cela a été possible grâce au travail constant avec les services techniques, très réticents au début, mais qui avaient levé leurs craintes au moment des décisions.
La Communauté d’agglomération Pays Basque, née le 1er janvier 2017, a 300 000 habitants et est composée de 158 communes. L’extension de la taxe transport à l’ensemble du Pays Basque est effective au 1er juillet 2018. Les recettes permettront de financer une offre nouvelle de mobilité. Cependant, certains élus et acteurs économiques craignent que le versement transport ne soit ajusté au service des mobilités rendus aux territoires ruraux notamment. Pourriez-vous nous présenter un cas de mise en place de versement/taxe transport à l’échelle d’un territoire que vous auriez accompagné ?
Les extensions du versement transport aux zones rurales sont très récentes, la plupart ayant été réalisées en juillet 2018. Il n’y a donc aucun recul. Elles auront sans doute peu d’effets financiers puisque la plupart des entreprises de plus de onze salariés sont dans les agglomérations. Cela va cependant obliger les Autorités Organisatrices à se saisir de la mobilité dans ces nouveaux territoires. Cela ne passera pas le plus souvent par des extensions des lignes de transport en commun, en raison de l’inadaptation à des faibles densités. Les collectivités déjà engagées dans ces démarches cherchent à améliorer le Transport à la Demande (TAD) et surtout à inventer d’autres manières de partager les voitures, avec de nouveaux services de covoiturage. Il y a une floraison d’expérimentations, mais avec encore peu de résultats. Le projet de covoiturage rural autour d’Ales en Cévennes, que nous avons initié, est l’un des 23 lauréats de l’AMI French Mobility visant à soutenir des innovations de mobilité en zones rurales.