Start-ups, industrie traditionnelle, suis-je dépassé ?

DonibaneLohitzuneZiburuContre le discours ambiant qui ne jure que par la start-up, je crois aussi au développement d’une industrie de main-d’oeuvre pour Iparralde. Si des start-ups réussissent, il faut s’en féliciter. Mais j’ai comme une prudence pour les termes employés pour les évoquer tels “seul sur son marché”, “technicité d’avant-garde”, “innovation de pointe”, “fort potentiel”, “premium”.

Après une période parisienne de cinq ans dans le conseil d’entreprise, mon retour “au Pays” et mes expériences “Herrikoa” m’ont appris qu’en terme de création d’emploi, la ténacité, la prudence et le travail concret du pas à pas étaient souvent un gage de réussite.

Les dossiers “externes” (portés par exemple par des éminents spécialistes débarquant au Pays Basque), ou “techniques” (par rapport à mon niveau de connaissance), ou “à fort potentiel” (dans lequel les pertes de la première année seraient compensées très vite) ont souvent été le prélude à de fortes désillusions.

Ainsi ma petite expérience limitée m’incite à une grande prudence qui se marie mal avec la passion actuelle pour la start-up.

Laborieux pas à pas

Beaucoup de lecteurs ont en mémoire les débuts de nombreuses sociétés :

Copelectronic qui se sépare de Copelec, avec les fameux produits industriels tels le taxateur téléphonique puis qui se lance dans le métier difficile de la sous-traitance de tableaux électroniques, est maintenant une société exemplaire qui a fait cette année l’objet d’une visite de la semaine de l’Industrie sous le patronage de l’UNIM.

Sokoa qui faisait avec un noyau de quelques personnes de l’importation de produits “espagnols” donc “de mauvaise qualité” et qui prospère désormais avec 250 salariés et une structure de prix de revient dont la part main-d’oeuvre dépasse les 50%, sans intégrer les nombreuses filiales.

Loreki qui après un an d’étude en association pour se tester, possède aujourd’hui plusieurs établissements.

Les nombreuses entreprises de Soule liées aux métiers de l’aéronautique, portées par M. Pourilloux, M. Etchebest, sans oublier l’ingénierie industrielle avec M. Elkegaray : ces projets ont souvent difficilement débuté.

Évoquons aussi Alki, qu’une augmentation de capital avait permis de relancer …

Beaucoup de ces dossiers doivent à leurs dirigeants et salariés leur salut et leur croissance, dans des métiers de main-d’oeuvre traditionnelle ou de sous-traitance réputée, avec raison “les plus dangereux et les plus risqués économiquement”. Ils n’étaient pas “à la mode” ni par la technicité, ni par le secteur dans lequel ils étaient, ni par l’environnement dans lequel ils évoluaient. Leur réussite est pourtant aujourd’hui démontrée, dans beaucoup de cas.

Croissance, progrès social et technicité

Je n’ai cité que quelques exemples dont j’ai vécu les premiers pas. D’autres auraient pu illustrer cette idée, comme Olaberria, Alkar, Geroari, les Poteries Goikoetxea, Elizaldia etc.

Chacun de ces dossiers, au démarrage lent, laborieux et tenace parvient au bout de 20 à 40 ans à une phase de maturité qui frise l’exemplarité en termes de création d’emploi tout d’abord, puis d’acquisition de technicité pointue et de progrès social (intéressement, gouvernance, transmission, etc.).

Beaucoup se lancent aussi dans la croissance externe autour de leur métier mais pas que…

La start-up

Mon propos n’est pas d’opposer les deux types de créations. Si des start-ups réussissent, il faut, bien entendu, s’en féliciter. Mais j’ai comme une prudence pour les termes souvent employés pour les évoquer tels “seul sur son marché”, “technicité d’avant-garde”, “innovation de pointe”, “fort potentiel”, entreprise “premium”, etc. L’expérience montre que les risques étant élevés, les financements sont hasardeux. Si les structures qui financent ces entreprises sont des fonds structurels proches de l’Etat ou des banques puissantes, après tout, pas de problème. Mais si les apporteurs sont vous et moi, ou Herrikoa, c’est plus appauvrissant pour le territoire. D’autant plus que certains “gros” du secteur, dont le siège social est en général parisien et loin de nos préoccupations, rachètent aux porteurs du projet la société et ses brevets, en cas de début de réussite, se payant ainsi un bureau d’étude et une veille technologique à peu de frais et ne nous laissant que les yeux pour pleurer nos sous perdus.

Attention, ce n’est pas le cas de toutes les start-ups. Certaines réussissent et bravo ! Certaines sont aussi passées par Herrikoa (comme par exemple Mac Sea, il y a déjà plus de 30 ans, mais plus près de nous Pragma Industrie).

Bémol

Je ne voudrais pas ici généraliser mais plutôt mettre un bémol à cet enthousiasme pour l’innovation technique, qui fait quelque fois oublier les réussites des métiers traditionnels de l’industrie, bien que le regretté Jean Michel Larrasquet s’opposait quelque fois à ma vision en ayant sur l’économie “dure” un doute important.

Oui, il y a aussi une place en Iparralde pour l’industrie de main-d’oeuvre ! Ne jurer que sur les créations de haute technologie ou des entreprises “premium” n’est pas la solution. A propos, comme rien n’est impossible et qu’un conserveur (breton ou charentais ?) a pignon sur rue à Bayonne, pourquoi à Donibane ne pourrait il pas être lancé une conserverie de sardines et d’anchois territoriaux ?

Si à Santoña on parvient à maintenir et à faire progresser, par la qualité, une cinquantaine de conserveries artisanales, ce doit être possible ici. Avec les nouvelles machines “à taille humaine et décentralisées”, nous savons maintenant que la recherche de la maxi taille n’est pas toujours la solution.

Dans la production du chocolat à partir de la fève de cacao, il se passe, à moindre échelle, un mouvement similaire de réappropriation. Comment et autour de qui réussir le pari de la petite conserverie artisanale type Santoña ?

L’écosystème doit être mis autour de la table : école de pêche, transporteur frigorifique, ville de Ciboure, Herrikoa, comité local des pêches, port de pêche, CCI, Uztartu, expertise piscicole qui existe aussi en Iparralde ?

Après tout, en 40 ans, j’ai aussi appris que rien n’était impossible. Mais j’y ai mis le temps…

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