N’étant pas monarchiste, je n’attends pas du Président de la République Française, l’actuel ou tout autre, qu’il fasse des miracles, guérisse les écrouelles et accessoirement sauve une fois de plus la France. Étrange pays qui cherche constamment un sauveur providentiel, comme si l’on était au bord du précipice ! Ce grand pays malgré tout, j’en fais partie d’extrême justesse. Si j’étais né cinquante kilomètres plus au sud, je serais sujet du roi d’Espagne. Cette perspective ne m’enchanterait pas non plus, en raison de mon atavisme républicain. Surtout j’aurais aimé que nos deux grandes voisines nous oublient et laissent notre petit pays indigène vivre paisiblement sa propre vie, “à cheval sur les deux versants des Pyrénées occidentales” comme disent les dictionnaires, avec ses propres capacités d’initiative.
En raison de mon âge, il me reste très peu de chances d’y voir émerger ma République préférée. Mais la roue de l’histoire continue de tourner, et le drapeau de l’Europe a de la marge pour accueillir de nouvelles étoiles, par exemple Catalogne, Ecosse, Euskadi… L’on me dira que la trentaine actuelle complique assez la gouvernance de notre demi-continent, mais la bannière des États-Unis d’Amérique du nord en compte cinquante, et aucune n’est de trop semble-t-il.
Certains, mal informés, nous reprochent de vouloir retourner à l’Ancien Régime. Or c’est tout le contraire. En effet l’Ancien Régime a laissé un Pays Basque éclaté, d’une part divisé entre la France et l’Espagne, d’autre part morcelé en sept “provinces” qui se tournent le dos. Notre projet vise à les rassembler à la faveur de la construction européenne.
A quand les États-Unis d’Europe imaginés par Victor Hugo ? Leur ennemi est le nationalisme des États. L’éveil des nations sans État contribue à le saper, appelant du même coup l’émergence d’un sommet européen qui, tel une tête de poulpe, coordonnerait l’action des multiples cerveaux qui animent ses régions-nations comme autant de tentacules imaginatives, souples et actives.
Revenons à la République qui nous régit présentement. L’opposition de Sa Majesté, à droite comme à gauche, dénonce enfin sa verticalité, comme si celle-ci venait d’être instaurée par le nouveau Président. Mais ce dernier ne fait que la revêtir pleinement en poussant jusqu’au bout la personnalisation du pouvoir central, suivant la logique interne de la Vème République.
En fait le pouvoir en France a toujours été vertical, imposé de haut en bas, même si par moments il a été géré de façon collective par des assemblées parlementaires.
En fait le pouvoir en France
a toujours été vertical,
imposé de haut en bas
La Constitution de 1958 a rendu cette verticalité plus visible en la personnalisant par le présidentialisme. L’immense majorité des Français paraît tenir à cette monarchie républicaine. Pour moi c’est un scandale intellectuel et moral ! Mais après tout, n’est-ce pas leur affaire ? Notre problème principal à nous, Basques, n’est-il pas ailleurs, face à la verticalité systémique et systématique qui nous est de toute façon imposée de Paris, à travers tous les changements de régime, de République et de Président ? Ce dernier ne fera que passer après cinq à dix ans de règne, comme ses prédécesseurs, sans faire de miracle, parce que c’est humainement impossible, et notre problème fondamental restera inchangé : être ou ne pas être basques.
Il est vrai cependant que dans notre vie quotidienne nous sommes tous et toutes concerné(e)s par les lois et décisions venant de Paris, donc forcément obligé(e)s d’en tenir compte dans nos choix électoraux et autres, condamné(e)s dans la pratique à une certaine schizophrénie, toujours tiraillé( e)s entre notre nationalité basque et notre citoyenneté française.
Que faire ?
Rester toujours conscient(e)s et vigilant(e)s, gérer au mieux en chaque circonstance cette contradiction interne, limiter les dégâts du centralisme, semer de l’alternative pour l’avenir en contournant la ligne Maginot de la pensée unique et du politiquement correct.
Surtout éviter de plonger à corps perdu dans les querelles franco-françaises, à fortiori parisiennes : nous sommes trop loin du sérail à tous points de vue pour espérer l’influencer si peu que ce soit.
Enfin garder le sens des proportions : ce n’est pas nous qui pouvons, dans ce petit reste de Navarre, faire ou défaire le roi de France.