Coluche n’y allait pas par quatre chemins pour ferrailler contre le système politique et celles et ceux qui le portaient. Il a pourtant failli se présenter aux érections pestilentielles —comme il aimait le dire— de 1981. En tant que fou du roi, que n’aurait-il raillé aujourd’hui parmi les sujets Macron, gilets jaunes, Mélen(chi)chon, Dupond Gnangnan et la bande brune à Le Pen ? Depuis le big bang électoral de 2017, avec l’implosion du PS et de LR, la recomposition le dispute à la décomposition. Dans deux mois se dérouleront les élections européennes sur fond, toujours, de grande abstention (56% en 2014). Pis, les sondages annoncent des résultats calamiteux pour les candidatures de gauche avec la première place offerte à LREM (22,5%) talonnée par l’extrême droite (22%). La droite classique arriverait à 14%. Et suivraient plus loin, EELV avec 9%, FI avec 7,5%, le PS 6%, Génération.s 5% et le PCF 2%. Le total des gauches, donc, atteignant à peine 30% ! Du jamais vu !
Rookies !
Première spécificité de ce scrutin : la majorité des têtes de liste sont des rookies, “des personnes —pas vraiment connues—qui ne se sont jamais confrontées au vote” : Nathalie Loiseau pour LREM, Manon Aubry pour la France Insoumise, Jordan Bardela pour le Rassemblement National, Raphaël Glucksmann pour le PS ou encore François- Xavier Bellamy pour les Républicains. Si le précédent découpage en huit grandes circonscriptions nous laissait perplexes, les élections de cette année sur une unique circonscription hexagonale encouragent l’électorat à se détourner un peu plus des enjeux européens pour se focaliser sur un débat politique franco-français : pour ou contre la politique de Macron. Pour l’anecdote, une liste estampillée Gilets jaunes recueillerait 2,5%…
En vert et contre tout !
En Pays Basque nord, ces élections ne passionneront donc pas outre mesure d’autant que les abertzale d’EH Bai ont décidé non seulement de ne pas soutenir la liste EELV et Régions et Peuples Solidaires mais aussi de ne pas donner de consigne de vote alors que le Corse François Alfonsi, positionné à la 9ème place, est potentiellement éligible. Un Basque y est aussi engagé au 77ème rang, en la personne de Lucien Betbeder, maire de Lekorne-Mendionde. De fait, les esprits des mouvances militantes sont tournés voire focalisés sur les élections de proximité par excellence : celles qui propulsent des élu.e.s au sein des mairies et pour la première fois, et dans un même élan, à la Communauté d’Agglomération du Pays Basque. Le compte à rebours a déjà commencé jusqu’à l’échéance de mars 2020. Focus.
Y’a du talo sur la planche !
Si dans la majorité des cités, essentiellement rurales, les lignes de démarcation entre les listes se font sur des considérations plus locales que politiques, il n’en va pas de même pour les principales villes du territoire. Et plus précisément sur le BAB. Où un enjeu supplémentaire prédomine : la présidence de la Communauté d’Agglo. Pourtant, la participation aux deux dernières municipales sur ces trois villes est particulièrement faible. Au premier tour de ces élections, Anglet arrivait en tête en 2008 et 2014 avec un même taux : 62,5%, c’est à dire un point de moins que la moyenne hexagonale. Biarritz atteignait 53,1% en 2008 contre 58% en 2014. Et en bas de tableau, Bayonne, à la peine, ne décollait pas entre 2008 (56, 80%) et 2014 (56, 44%). Soit 43, 56% d’abstention ! On le voit, le premier enjeu, surtout dans ces deux dernières villes, résidera en la capacité des listes en présence de faire déplacer les boudeurs.
En Pays Basque nord, ces élections européennes ne passionneront pas outre mesure
alors que le Corse François Alfonsi,
positionné à la 9ème place, est potentiellement éligible.
Un Basque y est aussi engagé au 77ème rang,
en la personne de Lucien Betbeder, maire de Mendionde.
Équation à trois inconnues
La seconde inconnue sera le nombre de listes en présence. Biarritz a fait fort en 2014 avec neuf candidatures pour 25.000 habitants (ce qui explique le taux de participation à 58%). Il est fort à parier que 2020 refasse bis repetita, d’autant que cette fois-ci les abertzale y partiront de façon autonome. A contrario, Bayonne et son double de population n’a jamais dépassé les cinq listes. Ce qui risque de ne pas durer à la vue de la nouvelle recomposition, notamment à gauche. Quant à Anglet et ses 40.000 habitants, là aussi, seules cinq listes ont ferraillé lors des deux dernières consultations municipales. Enfin, troisième défi et pas des moindres : Bayonne est gouvernée par les conservateurs depuis ad vitam æternam. En 2014, dans une triangulaire, la liste des droites conservait son trône à 26 voix près sur 17.285 suffrages exprimés face à la liste initiée par le PS. Les observateurs n’ont pas manqué de constater qu’en se maintenant, la liste abertzale et le Front de Gauche avaient favorisé cet infime succès, même en ayant perdu 40 % de leurs voix entre les deux tours. Qu’en sera t il en mars 2020 ?
Attention au diabète !
Si la question mérite d’être posée à Bayonne, elle ne se pose pas à Biarritz, ville sociologiquement très à droite. Pas plus qu’elle ne semble se poser à Anglet où la gestion du tandem jacobin Espilondo/Mondorge entre 2008 et 2014 a laissé des traces peu ragoûtantes. Reste la, ou plutôt les stratégies du mouvement abertzale au sein des trois premières villes. Si la question de constitution dès le premier tour d’une liste abertzale “pur sucre” mérite d’être interrogée(1), celle de la volonté de sortir d’une liste de témoignage est capitale. Les leaders abertzale bayonnais, voudront-ils enfin participer à la gestion de la ville dans une co-construction dûment préparée ? Question annexe : vers une alliance à gauche ou à droite ?
Hasta la victoria !
Du coup, durant la campagne municipale, les yeux et les oreilles seront sûrement focalisés vers la capitale d’Iparralde, du jambon, du chocolat et du rugby (heu ?). La bataille s’annonce rude entre les forces de droite, représentées jusqu’alors par les têtes de liste Etchegaray et Durruty et celles de gauche en pleine recomposition. On le sait, quatre élu.e.s d’opposition sur les huit de la liste Bayonne Ville ouverte menée par Henri Etcheto ont décidé de créer une nouvelle dynamique citoyenne non cornaquée à un parti politique, autour d’un triptyque écologique, euskaltzale et social dans le cadre d’une démarche de gouvernance partagée. S’y côtoieront des personnes engagées dans la vie politique, culturelle, sportive, syndicale, abertzale, environnementale… dans une perspective de vraie alternative à gauche. C’est cette initiative-là que je soutiens depuis ses débuts et qui, nous l’espérons, sera en capacité de convaincre en fédérant autour de nos valeurs. Y’a plus qu’à.
(1) A Baigorri, les abertzale ont décidé en 2014, d’intégrer une liste très ouverte n’ayant qu’un tiers des élu.e.s et en laissant la tête de liste à un non abertzale, ce qui permis la victoire.