« Il est bon que l’ignorance s’exprime »

5000 manifestant·e·s à Biarritz pour demander au Ministre de l’Education Nationale les potes d’enseignant·e·s dûs à Seaska

Joan-Loís Blénet, pour l’Institut Supérieur des Langues de la République française a publié un texte suite aux déclarations du Ministre Blanquer sur l’Immersion. Enbata.Info publie le texte dans sont intégralité. Cette lecture sera utile pour continuer à se mobiliser pour l’euskara et l’outil indispensable à sa survie qu’est le modèle immersif que Seaska pratique depuis 50 ans.

DECLARATIONS DU MINISTRE BLANQUER SUR L’ IMMERSION
« IL EST BON QUE L’ IGNORANCE S’EXPRIME »
( Principe pédagogique)

Ainsi donc au Sénat notre Ministre de l’Éducation Nationale Monsieur Blanquer a fait des déclarations importantes, car ministérielles, au sujet de l’immersion, c’est à dire de l’enseignement immersif pratiqué pour les langues régionales.

Voyons donc les dires et les faits.

Les dires ministériels :

« L’immersif est unilinguisme puisque ce qu’on met derrière la notion de maternelle immersive, c’est le fait que les enfants ne parlent que la langue régionale. Déjà d’un point de vue pédagogique il y aurait beaucoup à discuter autour de ça, on pourrait arriver à dire que cognitivement ce n’est pas si bon que ça, précisément si l’enfant est mis dans la situation d’ignorer la langue française. »
« Sur le plan pédagogique, il y a une véritable question sur l’immersion. » (1)

Les faits :

L’immersion a été inventée pour une raison pédagogique universellement vérifiée : l’apprentissage d’une langue dépend très étroitement de son usage.

Comme le ministre se pose des questions pédagogiques, éclairons sa lanterne et prenons un exemple massif d’immersion, et ce pour des langues majeures et dominantes (et pas pour ces dérisoires langues régionales que l’État français tant monarchique que républicain a longtemps désignées sous le nom de patois).

Au CANADA, pays ayant, entre autres, deux langues majeures, il existe Monsieur le Ministre, depuis 1965, un enseignement immersif en français pour des enfants anglophones. Ceci concernait la bagatelle de 430 000  enfants et jeunes pour l’année 2015/2016, qui sont très majoritairement des anglophones scolarisés en immersion en français.

Il est connu que les canadiens anglophones choisissent un système d’enseignement qui fait problème afin que leurs enfants ne parlent plus l’anglais !

430 000, excusez du peu, et une croissance de plus de 4 % par an.

Il y a dans ce pays-là deux modalités principales d’immersion, une moins intensive l’autre intensive, celle que pratiquent également ici les réseaux immersifs en langue régionale, ABCM pour l’alsacien-mosellan, SEASKA pour le basque, DIWAN pour le breton, BRESSOLA pour le catalan et CALANDRETA pour l’occitan, pour,  hélas et seulement, 15 000 enfants.

Ce système éducatif a fait l’objet d’une grande quantité d’études, d’évaluations et de publications entre les années 1995 et 2010 principalement. Maintenant que les choses ont été vérifiées, le système se développe fortement dans l’ensemble du Canada et cela pose d’ailleurs des problèmes de formation des maîtres.

Voyons aussi les résultats de ce système pernicieux et ce qu’en dit par exemple l’officiel CONSEIL CANADIEN SUR L’APPRENTISSAGE, qui, d’ailleurs, publie ses études également en français.

« L’immersion en français donne-t-elle de bons résultats? »

« Compétences en français »

« On constate que les élèves en immersion obtiennent d’aussi bons résultats que les élèves de langue maternelle française aux examens de compréhension écrite et orale, surtout ceux qui y ont été inscrits en bas âge. »

« Les élèves en immersion totale tendent à avoir de meilleurs résultats que ceux en immersion partielle aux examens de toutes sortes. »

« Les élèves qui ont été inscrits à un programme d’immersion en bas âge sont meilleurs en lecture, en compréhension orale, en expression orale, en grammaire et en écriture que les élèves placés tardivement en immersion. »

« Compétences en anglais »

« Une étude menée récemment en Ontario révèle que les élèves de troisième et de sixième année en immersion obtiennent d’aussi bons résultats que leurs camarades des écoles anglophones pour ce qui est des compétences de lecture et d’écriture en anglais. »

« En outre, un rapport récent s’appuyant sur des données du Programme international pour le suivi des acquis des élèves (PISA) porte à croire que les élèves de 15 ans en immersion française réussissent mieux aux examens de lecture, même en anglais, que les élèves anglophones non inscrits à un programme d’immersion. »

« Selon les résultats de l’étude, les élèves qui ont poursuivi leur apprentissage des mathématiques en français réussissent mieux aux examens de mathématiques (donnés en anglais) que ceux qui ont étudié cette matière en anglais après la troisième année »

CONCLUSION

« Dans l’ensemble, l’immersion en français semble être un moyen efficace de favoriser le bilinguisme chez les jeunes anglophones canadiens. À l’issue de leur programme d’immersion, les élèves ont acquis une bonne maîtrise du français, disposent de compétences de lecture et d’écriture en anglais supérieures à la moyenne et réussissent également mieux en mathématiques et en sciences. » (2)

Ainsi donc l’immersion intensive est pédagogiquement excellente pour le français au Canada. Elle ne se fait pas au détriment de l’anglais, le plus souvent maternel, et même au contraire, comme le montrent les évaluations et études.

Ainsi donc pour reprendre les propos ministériels « Sur le plan pédagogique il y a une véritable question… sur le ministre » !

Cependant nous ne saurions trop le remercier d’avoir révélé ce que nous observons depuis longtemps, à savoir l’étendue de l’ignorance de notre Ministère en la matière.

Le niveau de raisonnement est affligeant : puisqu’il n’y a qu’une langue pendant les premières années c’est de l’unilinguisme !

C’est du même niveau que de dire que le soleil tourne autour de la Terre car on le voit se lever le matin et se coucher le soir !

Ce n’est parce que l’on emploie le mot « cognitif » qu’on raisonne juste.

Ce Ministre, agrégé de droit public et docteur en droit constitutionnel, titre de haute compétence pédagogique, fut Degesco (Directeur de l’Enseignement Scolaire), principal responsable de la pédagogie au ministère. Ce fut un temps de grandes réductions de postes, années très profitables à l’enseignement et de glorieuse mémoire éducative…

On dit que l’école va mal en France : cherchez l’erreur !

Non Monsieur le Ministre.

L’immersion est excellente pour le français et aussi pour l’anglais des canadiens.

Elle est très bonne pour les langues régionales et le français dans notre pays. Les résultats au Brevet et Bac des bretons de Diwan et des basques de Seaska en témoignent.

En outre l’immersion présente 2 avantages importants :

1 ) elle ouvre vraiment aux autres langues par un bilinguisme additif : ces jeunes là apprennent mieux les autres langues.

2 ) elle ne coûte rien car elle ne coûte pas plus cher que l’école monolingue française qui, elle, fait que les enfants français sont si mauvais dans les langues étrangères.

Nous continuerons donc à développer cet enseignement immersif qui, donnant de l’avenir à nos langues, agit pour la défense de la diversité culturelle de notre monde tout en formant des jeunes plurilingues ouverts à toutes les diversités.

Il serait utile pour elle, pour son patrimoine et pour son avenir, que la France s’y mette et soutienne vraiment l’immersion dans ses langues régionales qui sont portées dans la Constitution (art 75-1).

(1) Sénat, le 21 mai 2019

(2) Rapport du Conseil Canadien sur l’apprentissage 2007

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