Paxkal Indo, Vice-Président du Conseil de Développement du Pays Basque jusqu’en juin 2018, ayant oeuvré 10 ans au CDPB au service de nombreux dossiers (jeunesse, évolution de la gouvernance…) et du renouveau du Conseil de développement (négociation avec les élus de l’Agglomération, nouveaux statuts…) a remporté le jeudi 27 juin la grande majorité des suffrages des 42 membres présents du Conseil de direction du CDPB. Paxkal Indo souhaite s’inscrire dans la continuité de cette historie riche de 25 années de co-construction entre société civile et élus du territoire et apporter sa touche de créativité, en mettant l’accent sur l’élargissement de la participation citoyenne autour des travaux du Conseil de développement…
Enbata publie la tribune de Philippe Mayté, Président par intérim et de Philippe Arretz, Directeur du Conseil de développement du Pays Basque, du 21 juin dernier, sur l’évolution de l’Association (qui fête ses 25 ans !) dans la nouvelle gouvernance, sur les grands défis du territoire et sur les orientations fortes que le CDPB a su dégager ces derniers mois pour donner du sens au projet de territoire.
DE LURRALDEA A LA COMMUNAUTE D’AGGLOMERATION
Le Conseil de développement du Pays Basque (CDPB) a 25 ans ! Né de la démarche historique « Pays Basque 2010 », le CDPB a permis de : faire travailler ensemble toutes les sensibilités de la société civile aux côtés des élus, élaborer un projet de territoire partagé, mobiliser des investissements publics majeurs en Pays Basque. Nous ne reviendrons pas sur cette histoire déjà racontée dans la publication « SOAK » de 2016 (1) qui montre comment le Pays Basque a fait « école » dans le développement territorial en France, et comment le CDPB fut une véritable pépinière ou « école territoriale ». Rappelons-nous que cette gouvernance atypique société civile/élus (2) a permis aussi de construire un consensus politique autour d’une « collectivité spécifique » puis d’un « EPCI unique », avec la création en janvier 2017 de la Communauté d’agglomération Pays Basque.
UN NOUVEAU CDPB
Avec cette nouvelle institution, les représentants de la société civile ont réaffirmé la nécessité de poursuivre la co-construction entre acteurs socio-économiques et élus, celle qui a été la réussite de ces 25 dernières années, celle qui a permis l’émergence de la Communauté d’agglomération et celle qui permettra à cette « Communauté » d’être celle du plus grand nombre.
A l’aube de cette Agglomération, le Pacte avec les élus a été de maintenir notre association et d’y intégrer une mission de « conseil de développement d’agglomération » afin de répondre à la loi NOTRe. Sur notre chemin, nous ne pouvons qu’avoir de la gratitude pour Jean-René Etchegaray et Martine Bisauta qui ont été les artisans de l’ombre, à nos côtés, pour réussir ce pari. C’est ainsi qu’aujourd’hui, le CDPB est le seul Conseil de développement de France, adossé à une agglomération ou métropole, qui demeure autonome de celle-ci.
La réforme du Conseil de développement du Pays Basque a permis de le renouveler à 75%, de le féminiser, de le rajeunir, de l’élargir. Plus représentatif que jamais de la société civile, plus citoyen que jamais, le CDPB se réinvente à lui-même. 100% société civile, il rassemble institutions clés de la vie économique & sociale, mais aussi tout un monde associatif et militant.
S’appuyant sur l’expérience des acteurs de terrain, sur une ingénierie dédiée, le CDPB développe une véritable « expertise militante ». Acteur du débat territorial, agitateur d’idées, force de propositions, aiguillon de la décision publique, le Conseil de développement est une interface majeure entre les acteurs du territoire et la Communauté d’agglomération. Le CDPB s’est aussi affirmé comme un véritable « incubateur territorial », passant de l’idée au projet et du projet à l’action quand il le faut. Un terrain d’expérimentations dans des champs nouveaux : hier le développement durable, le marketing territorial, la jeunesse, l’innovation dans les TPE, le dialogue social… aujourd’hui le soutien aux projets de transition écologique. Pour cela il mobilise des financements extérieurs et intervient dans de nombreux autres territoires français pour diffuser son savoir-faire.
UNE SOCIETE CIVILE FORTE GARANTE D’UNE DEMOCRATIE VIVANTE
Le CDPB témoigne de la force d’une société civile qui, sur notre territoire, souhaite disposer de ses propres outils pour faire entendre sa voix.
Ce modèle est pour autant fragile.
Fragile en externe : il suppose un soutien sans faille des élus, une confiance en la démocratie, et avec ce qu’elle a de plus dérangeant aussi. Il suppose aussi un effort de pédagogie pour que les analyses du CDPB soient appropriées par le plus grand nombre. Le CDPB se doit d’être la voix de l’ensemble des composantes de la société civile du territoire, tant celles qui ont une culture de la chose publique que celles qui en sont plus éloignées.
Fragile en interne : ce modèle suppose une éthique imparable pour demeurer un exemple de démocratie participative, dans ses débats entre acteurs, dans la gouvernance d’une association de plus de 300 membres (représentant 110 organisations clés du territoire). La dernière assemblée générale du 29 mai dernier a été en cela un exemple de plus de la maturité de la société basque : les membres du CDPB ont débattu pendant plus de 2h aussi bien sur l’avenir de leur territoire que sur les valeurs de leur association. Des acteurs qui sont prêts plus que jamais à ne considérer aucun sujet comme tabou ou clivant, car ils ont cette confiance qu’ensemble ils sauront les dépasser et les transformer, pour transformer leur propre société.
QUEL PROJET DE SOCIETE ?
Depuis plus d’un an, le Conseil de développement du Pays Basque met au coeur de sa réflexion la question du modèle de société. Partant de constats sans concession, le CDPB considère que, plus que de politiques de développement ou d’aménagement, le Pays Basque a besoin de s’interroger sur le modèle de société qu’il souhaite proposer à ses habitants.
Malgré de grandes avancées en terme d’action publique, c’est un Pays Basque à deux vitesses qui nous guette : entre une croissance de la population, de l’activité économique et de l’urbanisation… et des saturations routières, sociales et environnementales. Entre un Pays Basque de hauts revenus et une précarisation croissante de sa population. Entre une agglomération littorale de plus en plus inaccessible aux classes moyennes, et des vallées de montagne encore en déprise. Entre un Pays Basque qui n’aurait de Basque que le nom et un Pays Basque qui veut que sa langue et sa culture (et même ses langues) restent une colonne vertébrale structurante.
Et pourtant…. Et pourtant, le Pays Basque est un concentré d’atouts exceptionnels : atouts culturels, écologiques, esprit d’entreprenariat et de solidarité, modèle agricole, au coeur d’une euro-région…
Mais c’est un peu comme si notre territoire ne savait plus transformer ses atouts en opportunités nouvelles, et faire de ces valeurs un outil de régulation naturelle de sa propre croissance.
Après une contribution en juin 2018 sur le « projet social de territoire » (3), le Conseil de développement a produit une contribution (4) au Projet Communautaire (celui de l’Agglomération), en proposant 7 orientations phares pour développer de manière plus vertueuse le territoire. D’abord « inclure » et mieux loger et accueillir. Ensuite dessiner un aménagement en phase avec la diversité de nos territoires : une métropole rurale & urbaine, un territoire-campus. Le CDPB appelle à un pacte entre producteurs et consommateurs pour inventer un vaste écosystème alimentaire ; un pacte entre toutes les entreprises, à jouer collectif quand 97% d’entre-elles ont moins de 10 salariés (48% de l’emploi !) et faire « Entreprise Pays Basque ». Enfin, le CDPB invite à un nouvel élan culturel et artistique, et à travailler différemment son image. Le Pays Basque n’a pas besoin de toujours plus accueillir, mais de mieux faire-savoir qu’une autre dynamique territoriale est possible… pour tous !
FAIRE NOTRE REVOLUTION !
De l’offre à la réponse aux besoins, de la demande à la révolution des usages. C’est ainsi que pourrait se résumer l’esprit des trois dernières et importantes contributions du CDPB pour nourrir les futures politiques de l’Agglomération sur le logement, le transport, et le futur Plan Climat.
Là aussi le constat est sans concession. Les politiques publiques de ces dernières années ont fait de l’offre (publique et privée) la réponse à la croissance du territoire. Les ¾ des logements produits ne répondent pas aux besoins des ¾ de la population, éligibles à des logements à prix maîtrisés.
Le Pays Basque est en suréquipement commercial et a ouvert excessivement son foncier sans le maîtriser suffisamment.
En matière de transport, des investissements très importants sont à l’oeuvre. Mais le risque est de créer – à l’image du réseau ferroviaire français – un Pays Basque à deux vitesses, entre territoires desservis par de grandes lignes attractives et d’autres par des lignes secondaires avec offre limitée. La Contribution du CDPB parle de « révolution culturelle » concernant la mobilité, dans un territoire du « tout voiture » et où l’espace public valorise si mal les modes alternatifs comme le vélo.
La transition écologique & énergétique interroge profondément nos usages et notre rapport à la propriété : sobriété énergétique, consommation locale (notamment alimentaire), partage de nos véhicules, de notre terre… Cette transition ne peut être que solidaire avec ceux qui ont des revenus faibles, un habitat mal isolé, un manque d’offre de transport ou de services.
PLUS PRES ET PLUS LOIN
Les citoyen.e.s du Pays Basque attendent des politiques publiques fortes qui invitent aux transversalités thématiques (économie, climat, mobilités, habitat, culture…tout est lié…), qui répondent réellement aux besoins des habitants du Pays Basque, qui les accompagnent pour faire évoluer leurs pratiques et leurs usages, et qui soient profondément solidaires.
Non des actes charitables mais bien un engagement à un développement harmonieux et équitable du Pays Basque. La société basque est prête à tous ces changements. Revoyons nos logiciels, réactualisons notre regard sur notre « pays », évaluons nos politiques publiques, regardons avec qui nous vivons, écoutons ceux qui sont laissés sur le bord de la route, repartageons nos valeurs, réinterrogeons-les pour mieux les réinventer….
C’est dans cette direction que nous pouvons mettre tous nos espoirs dans le rôle que peut jouer le Conseil de développement du Pays Basque dans les années à venir : regarder toujours plus loin et toujours plus près.
1. https://www.societecivile-paysbasque.com/images/actualites/PDF/SOAK-CDPB-FR.pdf
2. Cf. l’ancien site du CDPB et du Conseil des élus : www.lurraldea.net
3. https://www.societecivile-paysbasque.com/images/actualites/PDF/Contribution-CDPB—politique-sociale-CAPB.pdf
4. https://www.societecivile-paysbasque.com/images/actualites/PDF/Contribution_CDPB_Projet_Agglo_DV.pdf