Quand survient un malheur, c’est forcément la faute à quelqu’un, et l’on cherche un coupable au lieu d’une solution. Qui a fauté, qui a péché ? En tout cas c’est une punition divine pour certain(e)s, un châtiment écologique pour beaucoup, la faute aux Chinois pour monsieur Trump… Méfions-nous de nos réflexes pavloviens de grands singes primitifs et des raccourcis de la pensée ancienne avec au bout l’inquisition, la délation et le bouc émissaire. Méfions-nous aussi de notre orgueil moderne de vieux singes évolués : nous nous sommes cru(e)s propriétaires de la nature, avec le droit de la piller sans limite, jusqu’à la détruire.
Là est peut-être l’origine de cette pandémie, par la réduction de l’espace laissé à la faune porteuse de virus, et nous participons à ce Far West ravageur par la consommation irréfléchie et la passivité civique.
Si rien ne change vite dans la politique globale, de nouvelles pandémies pourraient bientôt surgir.
Repartir, mais pas en répétant les erreurs récentes. Gare à la fuite en avant, c’est le gros danger. Les forces dominantes de l’économie n’attendent que son retour : à la poubelle toutes ces précautions écologiques, seule compte la croissance. Mais quelle croissance, sur quelles bases, et pour qui ?
On est au noeud du problème. Qui pourra le délier ? Les marchés financiers et leurs mains invisibles ? Justement pas : ceux qui allument l’incendie ne sont évidemment pas les plus qualifiés pour l’éteindre. Comment sortir de la dictature des actionnaires, et pas seulement des banquiers ? Ces derniers, pour importants qu’ils soient, ne sont que la partie visible de l’iceberg.
En effet, plus de la moitié des sommes qui paraissent en bourse transite en dehors des banques, et beaucoup de capitaux circulent dans le monde sans passer par ladite bourse.
Selon un expert basque de l’énergie qui s’exprimait voici quelques années dans l’hebdomadaire Argia, il y aurait sur cette terre au moins huit fois plus d’argent que de biens à échanger : des milliards de suppositoires géants désoeuvrés qui cherchent l’ouverture, autant de secteurs à coloniser, de services publics à conquérir, d’espaces de santé à privatiser, par exemple aux dépens de l’hôpital public.
Et oui, l’hôpital public, nous y voilà. Il a dû affronter la pandémie en mauvaise santé, car les gouvernements successifs, par souci d’économie, l’ont laissé s’anémier face aux besoins croissants de la population : la vie humaine s’allonge, mais on ne veut pas trop le savoir, et l’on n’a pas assez entendu en temps voulu les appels des soignants déjà débordés en période normale. La leçon devrait servir. Mais c’est le logiciel des idées économiques qui est à revoir d’urgence, avec à la clé des révisions politiques déchirantes pour les dirigeants les plus honnêtes, aveuglés par leur idéalisme néo-libéral, comme l’est l’actuel Président de la République Française.
Les ressources de la planète ne sont pas illimitées, désormais tout le monde est au courant, sauf ceux d’en-haut qui ne veulent pas le savoir, ou pire, ne le peuvent pas, car ce n’est pas dans leur logiciel.
C’est le moment ou jamais de les convaincre. Si l’on ne change pas de cap maintenant, quand est-ce qu’on pourra le faire ? Laisserons-nous le train fou de l’économie financière poursuivre sa fuite en avant, et nous dedans ?
Comment le mettre sur de meilleures voies, moins frénétiques, moins stressantes, plus intelligentes, plus diverses, dans des mains plus raisonnables ? En même temps, comme dirait ledit Président, évitons de trop personnaliser le problème. Il ne tient pas à un individu, même pas à celui que je viens d’évoquer et qui est dans tous les viseurs à courte vue : beaucoup d’yeux sont captivés par ce jeune chêne qui cache la vieille forêt, ce qui renforce encore la monarchie républicaine. C’est un système qui est en jeu, il ne date pas de la dernière élection présidentielle, et il n’est pas propre à la France, bien que celle-ci le personnalise jusqu’à la caricature, cette pauvre France jacobine toujours en quête d’un sauveur providentiel, coincée dans ses lignes Maginot intellectuelles totalement obsolètes.
Considérons les mouvements d’ensemble qui animent la marche du monde actuel, sans nous laisser confiner dans un pré carré ou plutôt hexagonal, obsessionnel et possessif jusqu’à l’étouffement.
Et toujours en même temps, “penser global et agir local” : la démocratie part de la base, du terroir, et non du sommet de la pyramide socio-politique ; ici ses racines communales sont basques ou gasconnes depuis longtemps, et ses ailes sont universelles, se jouant des frontières et des cocardes.
Il ne s’agit pas d’un rêve personnel de vieillard nostalgique, mais d’un projet d’avenir nécessaire et largement partagé, donc à mettre en marche pour de bon, sans attendre le miracle incertain de 1922.