Le PSOE de Navarre gouverne la province avec le soutien des forces de gauche. Mais il vient d’apporter ses voix à la coalition de droite pour approuver le budget de la capitale Iruñea.
Maria Chivite, présidente socialiste de la Communauté forale de Navarre gouverne grâce à une coalition composée de députés PSOE (11 élus), Geroa bai proche du PNV (9 ), Podemos (2), Ezkerra (1) et grâce à l’abstention négociée d’EH Bildu (7). Elle se hisse ainsi à la majorité absolue pour vaincre la droite. Celle-ci rassemble le PP, l’UPN (régionalistes de droite) et Ciudadanos, sous le nom de Navarra suma (ou Na+, 20 élus). Un an et demi après son élection à la tête de la province, la coalition de gauche a fait adopter le 23 décembre le budget 2021. La négociation entre PSOE et EH Bildu a permis d’éviter un grave retour en arrière, à l’époque où l’UPN-PP orientait la Navarre vers l’Aragon et l’Espagne et tournait le dos aux six autres provinces du Pays Basque.
Mais coup de tonnerre la veille du 23 décembre. Les cinq conseillers municipaux PSOE votent en faveur du budget de la capitale Iruñea, dirigée par la coalition de droite Navarra Suma. Avec ses 13 élus, le maire Enrique Maya (UPN de Navarra suma) ne parvient pas à la majorité absolue. Ses opposants EH Bildu (7 conseillers), PSOE (5) et Geroa bai (2), n’ont pu se mettre d’accord sur un candidat commun en 2019 (*). Enrique Maya arrive en tête, il est donc élu à la majorité relative. Mais pour le vote du budget, c’est une autre paire de manche. Fin 2019, E. Maya est obligé de proroger le budget de son prédécesseur, Joseba Asiron d’EH Bildu. Divine surprise un an plus tard, les socialistes font volte face, ils apportent leurs voix à la droite.
Le PSOE se targue d’être parvenu, grâce à une laborieuse négociation avec Na+, à développer le volet social du budget municipal à hauteur de 8 millions d’euros, sur un total de 238. Bien entendu pour les socialistes, «ce n’est pas la girouette qui tourne, c’est le vent», et ils font appel aux sondages. La crise du Covid 19, l’urgence qui en découle, pousseraient l’opinion à approuver que les partis adoptent les budgets institutionnels, indépendamment de leur couleur politique.
Ce revirement du PSOE n’empêche pas Javier Esparza, porte parole de Navarra suma au parlement foral, de critiquer 24 h plus tard la présidente socialiste: «L’histoire retiendra d’elle sa traîtrise pour avoir vendu les Navarrais à EH Bildu». Le leader de droite ne digère pas la déclaration des abertzale souverainistes le 2 décembre, en faveur de l’insertion de la Navarre dans une république basque confédérale.
Le PSOE navarrais n’en est pas à son premier revirement. En août 2007, l’abstention de ses députés foraux fit élire l’UPN Miguel Sanz à la tête de la Communauté forale, alors que pendant toute la campagne électorale, les socialistes avaient juré qu’ils feraient tout pour le virer. Cela leur coûta une des plus graves crises de leur histoire et permit à l’abertzale Uxue Barkos d’arriver au pouvoir.
Le PSOE ne veut pas se montrer trop lié ou dépendant d’EH Bildu. En votant en faveur des espagnolistes de droite, il montre sa liberté d’action et rassure ceux qui, dans sa propre mouvance, ne supportent pas les abertzale. Les socialistes aspirent à jouer le rôle d’arbitre en jouant au centriste: un coup à gauche, un coup à droite. Peu leur importe de piétiner leur appartenance à la gauche.
En Navarre comme ailleurs, la question nationale basque brouille l’opposition traditionnelle entre gauche et droite, au gré des rapports de force et des intérêts immédiats, en supputant les évolutions escomptées. Contenir le courant souverainiste, tenter de le marginaliser, maintenir la statu quo institutionnel, renforcer l’unité de l’État-nation, sont prioritaires aux yeux des socialistes. Ce choix va jusqu’au vote contre nature. En faveur d’une droite navarraise qui aujourd’hui refuse de critiquer Vox et tenta hier d’exterminer la gauche par les armes, lors du soulèvement de 1936 qui débuta… en Navarre.
(*) La configuration des élus d’Iruñea en 2019, le poids respectif des différentes formations sont très exactement identiques à celui des premières élections de 1979, ce qui en dit long sur la permanence de la carte politique.