« Sortir de cette spirale infernale dans laquelle le marché du logement en Pays basque est engagé »

AlainIRIART

Intervention d’Alain Iriart durant le Conseil Communautaire du samedi 10 avril 2021

Conseil communautaire 10/04/2021
Lehendakari jauna, jaun andereak egun on,
Chers collègues bonjour à toutes et tous,

Au démarrage de mon intervention, je souhaitais rappeler que cet exercice du PLH, le 1er à l’échelle du Pays basque, a permis d’illustrer parfaitement ce que l’on pouvait pressentir il y a quelques années, au moment des débats qui avaient précédé la création de la CAPB. Nous étions nombreux à considérer que la création d’une intercommunalité unique pour l’ensemble du Pays Basque nous permettrait d’aller chercher un périmètre beaucoup plus adapté que celui des précédentes intercommunalités, pour traiter des questions aussi stratégiques pour les habitants de nos communes que celles de la mobilité ou du logement en particulier. Le PLH à l’ordre du jour de la séance d’aujourd’hui, présente l’intérêt incontestable d’avoir pu poser un diagnostic, décliner des orientations politiques et définir un programme d’actions sur un périmètre beaucoup plus proche de l’échelle territoriale qui conditionnent les caractéristiques du marché du logement. C’est déjà un 1er progrès, un 1er pas de taille de pouvoir réfléchir nos politiques de l’habitat, au niveau qui convient. Aucune de nos anciennes intercommunalités prises séparément, n’offrait cette opportunité.

La version du PLH que nous examinons aujourd’hui diffère sensiblement de celle que nous avions arrêtée, il y a plus d’un an, en février 2020. En tant que Maire de St Pierre d’Irube/Hiriburu, dont la commune a exprimé dans son avis une lecture critique du PLH, j’ai forcément pris connaissance de la nouvelle version du PLH avec la plus grande attention. Je tiens à signaler que les modifications et précisions qui ont été apportées au texte, prennent en compte des insuffisances que nous avions pointées, à l’instar d’autres élus et communes, de nombreux acteurs de la société civile engagés sur les questions de logement, qui se sont légitimement saisi de cette phase de consultation des communes, pour faire connaitre leurs analyses ou leurs positions.

Dans les améliorations apportées à cette nouvelle version du PLH, je note en particulier à partir de la page 44, le § sur le projet politique qui affirme avec plus de visibilité un certain nombre de principes qui devraient faire consensus entre nous et qui rappellent l’enjeu de la question foncière et celui de la maitrise publique dont le non-traitement peut rendre caduc le meilleur PLH du monde. Plusieurs actions du plan ont été également bonifiées ou précisées.

Tant mieux si les avis de la commune de Saint-Pierre d’Irube et des autres communes, et de toutes celles et ceux qui se sont exprimés dans le même sens, ont pu faire évoluer le contenu de ce PLH et je salue l’effort réalisé en faveur d’une nouvelle rédaction de ce PLH plus conforme dans ses messages publics, à la situation critique du logement en Pays Basque. Tout en précisant que si le PLH propose des orientations importantes, ce sont bien le SCOT, les PLU et PLUi qui fixent les règles du jeu et bien sûr, l’Etat avec ses injonctions paradoxales : comment construire toujours plus avec moins de moyens financiers accordés aux bailleurs sociaux et aux collectivités, tout en artificialisant moins et ce sans se préoccuper de la priorité du logement vacant à remettre sur le marché ou des résidences secondaires non prises en compte dans la loi SRU. Ces évolutions m’amènent aujourd’hui à ne pas me prononcer contre ce PLH mais je souhaiterais préciser en quelques mots pourquoi je m’abstiendrai.

Depuis l’arrêt du PLH, la question du logement déjà prégnante pour de nombreux habitants du Pays Basque s’est encore aggravée : les prix du marché poursuivent leur folle augmentation en excluant de l’accession ou de la location, dans le neuf et dans l’ancien, une frange croissante des ménages les moins favorisés, s’étendant largement aujourd’hui aux classes moyennes, qu’elles soient originaires de chez nous ou s’installant au Pays Basque ; à titre d’illustration, si les prix ont augmenté de 20% passant de 3600 à 4300 € m2 entre 2015 et 2018, alors que nous avons atteint des pics de production inégalés à plus de 3700 logements neufs et anciens par an, en un temps très court plus de 10% supplémentaires des ménages locaux ont été désolvabilisés, terme technocratique nous forçant à constater qu’aujourd’hui, 70% des ménages locaux ne peuvent plus prétendre à l’accession dans le neuf à cause des prix. Les derniers éléments publiés précisent que les prix ont augmenté de 25 à 30% les quatre dernières années et confirmeraient cette tendance lourde dans le neuf, qui a un effet d’entrainement implacable sur l’ancien et le locatif privé, du littoral où la fracture s’est opérée, jusqu’au rétro littoral aujourd’hui et au Pays Basque intérieur demain. Je ne serai pas surpris que les statiques officielles constatent aujourd’hui que plus de 80% des ménages locaux ne puissent plus prétendre à l’accession dans le neuf et l’ancien, privant quasiment toute notre population de parcours résidentiel.

Dans le même temps des opérations immobilières continuent de se concrétiser à des niveaux de prix exorbitants, développant chez beaucoup de nos concitoyens incompréhension et colère.

Le point dur de ce PLH se situe selon moi dans le scénario qui est retenu pour le nombre et la typologie des logements à construire :

  • Page 20 du rapport d’orientations, pour décrire le scénario retenu, il est mis en évidence une « baisse très légère du taux déjà bas de logements vacants de 6% à 5,9% ». Derrière cette formule, il faut en fait comprendre que les logements vacants qui étaient au nombre de 11700 en 2015 augmenteront de 2100 logements d’ici la fin du PLH pour atteindre près 14000 logements vacants.
  • Dans le même esprit, un peu plus bas dans le document, il est fait état pour ce PLH côté pile, « d’une légère décélération de la croissance du nombre de résidences secondaires ». Autrement dit côté face, il y aura en 2026 à la fin du PLH, 51 000 résidences secondaires, soit 10000 de plus qu’en 2015 !

La plus grande commune du Pays Basque n’est pas Bayonne ou Anglet mais celle des résidences secondaires et des logements vacants avec 65 000 logements à la fin de notre PLH dont 90% se situent sur le littoral et rétro littoral accentuant la fracture territoriale de façon mécanique et irrémédiable : logements, activités économiques, équipements publics… concentrés au même endroit et au même moment diminution de population et fermeture de classes scolaires et mouvements pendulaires quotidiens très loin d’un développement harmonieux et résilient.

L’augmentation régulière et soutenue du nombre de résidences secondaires, l’augmentation des logements vacants et l’augmentation des locations saisonnières ont pour point commun de se réaliser pour l’essentiel sur des logements existants et ont donc pour effet, de devoir produire encore plus de logements pour répondre à des besoins d’une population permanente qui ne réside plus sur ces logements devenus secondaires, vacants ou saisonniers. C’est autant de pression supplémentaire sur l’artificialisation des sols ou le foncier naturel ou agricole encore disponible. C’est autant de pression sur le niveau des prix du marché, qui viennent aujourd’hui limiter l’accès à l’habitat pour les personnes les moins favorisées. A titre d’illustration, au regard du diagnostic pour la période qui précède, on peut considérer que les 3 000 logements neufs produits par an auraient pu être divisés par 2 si le nombre de résidences secondaires et le nombre de logements vacants s’étaient simplement maintenus à leur niveau, sans augmentation. Compte tenu de l’enjeu, il est difficile de valider un scénario qui entérine des hypothèses d’évolution, à peine ralenties, en matière de croissance des logements vacants et des résidences secondaires. Avant de permettre à certains d’avoir deux toits, la priorité des priorités est de permettre aux ménages locaux d’en avoir un décent et accessible, occupé douze mois sur douze, en privilégiant la réhabilitation du vacant (sur les 14 000 vacants, 6 500 logements seront inoccupés depuis plus d’un an) et la rénovation des logements indignes pour lutter contre la précarité énergétique et le gaspillage de nos ressources (4 000 identifiés dans ce PLH) soient un potentiel de réhabilitation de plus +10 000 logements. Par contre, je souscris aux deux études prévues indispensables, commune par commune, pôle par pôle, pour identifier tous les contours de ces deux problématiques et de leurs conséquences en matière de logement et d’habitat.

Dans le même temps, le PLH affiche heureusement des objectifs plus volontaristes en matière de logement aidé ou accessible (plutôt que la dénomination sociale) par rapport aux périodes précédentes : 47% des logements produits pour ce PLH contre 25% sur la période précédente. Mais il convient toujours de ramener ce ratio au pourcentage de la population qui pourrait prétendre au logement social et on sait qu’il dépasse les 70% de la population. Malheureusement cet écart s’avère encore plus important pour les plus défavorisés, ceux qui peuvent prétendre au PLAI : 26% de la population ne dépasse pas les plafonds de revenus requis pour pouvoir bénéficier d’un logement social PLAI mais notre PLH ne propose de garantir que 11% de PLAI environ sur l’ensemble des 3 400 logements annuels neufs et anciens visés. Le taux de logements aidés devrait être plus ambitieux et être porté entre 60 et 70% selon les communes et les situations locales pour répondre aux besoins.

Je suis conscient qu’un scénario retenu dans le cadre d’un PLH se doit aussi, par souci de sincérité, de tenir compte des coups partis sur la base des anciens PLU, des délais nécessaires pour infléchir des tendances aussi lourdes, mais le scénario retenu ne nous fait pas sortir de cette spirale infernale dans laquelle le marché du logement en Pays basque est engagé, où dans le même moment, de façon paradoxale, l’on construit trop, tout en ne produisant et réhabilitant pas assez, au regard des besoins de la population permanente ! Le souci de sincérité, que je partage, aurait pu et dû mieux s’intégrer dans un message public beaucoup plus volontariste.

C’est pour ces raisons que je m’abstiendrai, en invitant toutes celles et ceux qui partagent ce point de vue, à en faire de même.

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