La vallée qui veut prendre son destin en main

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Michel et Jean-Marie Oçafrain, promoteurs de la coopérative Belaun

Pendant deux siècles, la haute vallée de Baigorri a fourni des cohortes d’émigrants en direction des Amériques et  perdu énormément de ses forces vives. Mais le déclin n’est pas une fatalité. Une nouvelle génération s’est levée pour qui vivre et travailler au pays a du sens. Pour Enbata, Anne-Marie Bordes est allée à la rencontre de ces jeunes qui ont décidé de «forger leur propre destin». Voici les témoignages recueillis.

Banca, les Aldudes, Urepel: les trois villages du haut de la vallée de Baigorri sont parvenus à se doter d’une image de marque spécifique (Aldudeko Balea),  grâce à  Pierre Oteiza  et à  la dynamique  de son entreprise de salaisonnerie connue bien au-delà du Pays Basque. Image créée autour du porc basque, animal  rustique vivant en semi-liberté dans une  vallée éternellement verte. Après avoir failli disparaître au cours du siècle dernier, le porc basque, l’une des rares richesses de la vallée avec la brebis, a été sauvé de la disparition. Le Kintoa  est désormais l’un des faire-valoir des trois  communes, entreprenantes certes, mais victimes d’un déclin démographique et d’un vieillissement constants. Les prochaines portes ouvertes de la vallée (biennales) n’auront pas lieu avant 2014. Les dernières en octobre 2012, auront été marquées par la présentation d’une grande démarche de réflexion intergénérationnelle, participative et sans tabous, «Aldude 2030». Une première. Question posée: comment imaginer le  futur et réussir à forger son destin? De récentes initiatives se sont  inscrites dans le sillon ouvert par Pierre Oteiza et les pisciculteurs déjà ancrés dans le paysage. Ce sont l’implantation d’Aldudeko Haziak, crèche ouverte dans l’ancien presbytère de Banca et la création de la coopérative Belaun aux Aldudes, sur la zone d’activités Erreka Gorri, appelée à se développer. Y est en effet prévue l’implantation d’une fromagerie (lait de vache et brebis) à l’initiative de la CLPB (Coopérative laitière du Pays Basque) et celle d’un laboratoire  par un artisan pâtissier établi sur la Côte.

La coopérative Belaun

Sept éleveurs figurent  à l’origine de la coopérative Belaun, atelier de transformation et commercialisation de viande fermière, représentative de la farouche envie de vivre au pays qui habite  la population de  la vallée: Michel Oçafrain, maire de Banca, président de l’association pour le développement du porc de Kintoa, Xole Aire, Roland Ernautene, Sauveur Coscarat, Jean-Michel Urricarriet, Bittor Jauregi et Jean-Marie Oçafrain, président de Belaun.

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Enbata : A quoi  le nom de Belaun se  réfère-t-il ?

Jean-Marie Oçafrain : C’est d’abord le nom d’un col qui unit la vallée du Baztan en Haute-Navarre et celle des  Aldudes. Un terme pouvant  évoquer  le fait d’«être à genoux»  et qui se retrouve dans «belaunaldia», «génération». On y a vu le symbole de notre démarche placée sous le signe d’une ambition collective.

Enb. : Belaun a été le fruit d’une longue réflexion,  à quand remonte-t-elle ?

J.-M. O. : Elle nous ramène à 2001. Nous étions un groupe de six ou sept agriculteurs adhérents de  l’AFOG Euskal Herria (Association de formation à la gestion collective des agriculteurs) conduits à réfléchir sur le sens de notre métier et à la transformation de notre propre production dans un  contexte où l’évolution des marchés ne nous  était  pas favorable. L’idée a donc germé et fini par se réaliser. Mais elle nous a demandé beaucoup d’efforts et nous en demande toujours beaucoup !

Nous étions un groupe de six ou sept agriculteurs
adhérents de l’AFOG Euskal Herria
(Association de formation à la gestion collective des agriculteurs)
conduits à réfléchir sur le sens de notre métier
et à la transformation de notre propre production
dans un contexte où l’évolution des marchés
ne nous était pas favorable.

Enb. : Sur quelles bases avez-vous démarré ?

J.-M. O. : Nous sommes sept éleveurs restés leurs  propres patrons, tenus d’assumer toutes nos responsabilités jour après jour. Trois d’entre nous sont originaires de Banca, deux  d’Urepel (l’unique femme, Xole Aire), l’un de Baigorri et l’autre d’Amaiur  en Haute-Navarre. Nous produisons sur nos exploitations et transformons  nos produits selon nos propres recettes. Du veau, du mouton et de l’agneau, du porc. Ce dernier représente 90% de notre activité de transformation, sachant que 90% de ces porcs sont du porc basque Kintoa. Nous commercialisons des pâtés, saucissons, boudins, saucisses, des plats cuisinés comme le  axoa et bien sûr de la viande fraîche conditionnée sous vide. Nous pouvons également transformer à façon pour des gens de l’extérieur, à titre de prestataires de service. Nous avons par exemple été sollicités par des personnes originaires de Bretagne, qui avaient goûté notre saucisson (sans ferment, sans conservateur) et l’avaient apprécié.

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Enb. : La traçabilité semble être l’un de vos soucis majeurs …

J.-M. O. : Absolument. Elle l’est pour tous les produits issus de chacune de nos exploitations. Nous avons en effet, choisi de travailler sur circuit court qui assure un maximum de garanties aux clients, et nous permet de valoriser notre production fermière. Nous achetons plus cher et nous vendons plus cher. Le bénéfice va au paysan. Parallèlement à la société coopérative  Belaun nous avons créé la SARL Belaun par le biais de laquelle nous transformons une production issue d’exploitations locales autres que celles des sociétaires fondateurs. Nous touchons de nombreux restaurants de la Côte, dont, soit dit en passant, la plupart des tout nouveaux étoilés du guide Michelin. Nous travaillons également beaucoup sur Paris et, à la saison, gérons un magasin sur place.

Enb. : Comment s’est organisée la vie de Belaun au jour le jour ?

J.-M. O. : Nous avons trois salariés et fonctionnons à partir d’un planning mensuel  qui  intègre  les membres fondateurs. Ces derniers s’astreignent à tour de rôle à des tâches aussi contraignantes que le nettoyage du laboratoire. Chacun doit se sentir responsable, sachant qu’en plus de la transformation de la matière première il faut assurer la gestion des stocks, la facturation et bien sûr la commercialisation, sans oublier tout le travail à poursuivre en amont, au niveau de l’exploitation. C’est lourd mais il n’y a pas moyen de faire autrement. L’outil de travail est parfait pour la transformation, mais il faut vendre, et  ce n’est pas rien !

Enb. : Où vous êtes-vous formés ?

J.-M. O. : Nous avons suivi une formation  au lycée agricole d’Aurillac. Spécialisé entre autres dans la production de produits fermiers, il dispose d’un laboratoire semblable au nôtre. On y passait deux jours puis on revenait… Et ainsi de suite. Nous ne sommes pas un cas isolé, puisque plus d’une centaine d’ateliers de ce type ont vu le jour grâce à cette structure.

Enb. : Comment votre entourage voyait-il cette aventure ?

J.-M. O. : Beaucoup ont dû se dire que nous étions un peu fous… Mais tant que nous sommes «debout» les gens ne disent trop rien. Nos propres familles nous ont soutenus, mais je tiens à souligner que nous avons reçu le soutien de la collectivité pour la réalisation de nos locaux sur la zone d’activités aménagée par la Communauté de communes Garazi-Baigorri, dont le président Jean-Michel Galant nous a bien aidés. L’Europe, la région et le département ont apporté 40% de subventions  sur un investissement global de 730.000 euros. Pierre Oteiza des Aldudes a lui aussi contribué à nous faire connaître. Pour conclure je dirais qu’une sorte de  partenariat naturel s’est constitué autour de nous. Et tant mieux si comme on le dit, de nouvelles entreprises se créent autour de Belaun.

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HOR DAGO !

Michel Ernaga, maire d’Urepel (indépendante des Aldudes depuis 1862), reconnaît que le principal défi posé aux trois communes (un millier d’habitants environ) est lié à la démographie. Constat partagé par ses deux voisins Peio Setoain, maire des Aldudes et Michel Oçafrain de Banca.

Pour les jeunes maires des trois villages de la haute vallée de Baigorri, la survie doit passer par la concertation et pour les agriculteurs, par la valorisation directe des produits fermiers de qualité. « Mais renverser la tendance à la baisse, affronter les vieillissement et l’isolement des plus âgés sera difficile. En 2012, Urepel comptait 50 habitants de plus de 80 ans pour 370 habitants, deux fois plus que la moyenne française ! Nous sommes aussi l’une des régions aux plus bas revenus de France » laisse tomber Michel Ernaga également en charge du territoire de Kintoa (Pays Quint, territoire navarro-espagnol placé sous administration française), en butte à une coopération transfrontalière souvent problématique.

C’est Urepel, en Novembre 1993 que Hor Dago la seule fromagerie de la vallée à ce jour fut créé par Dominique Etchébarren avec la volonté de « prendre son destin en main« . « Il faut aller au delà, dit-il, car ici 90% des agriculteurs sont des bergers et la moitié du revenu provient du mouton. Hor Dago n’est pas une coopérative, mais dans l’esprit son fonctionnement est de type coopératif. Toute notre production (23 à 24 tonnes) de brebis est réalisée à base de lait cru, une exception au Pays Basque« . La société s’approvisionne chez 11 éleveurs (Pays Quint compris) et commercialise un fromage avec dénomination « montagne« . 90% des ventes sont réalisées en grandes et moyennes surfaces, les 10% restants dans le magasin ouvert au public.

A-M. B.

 

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